Régionalisation et plans sectoriels : Une décentralisation s’impose !

Régionalisation et plans sectoriels : Une décentralisation s’impose !

regionalisation

L’absence d’une stratégie de pilotage cohérent des différents plans sectoriels n’est pas le seul défi qui compromet les résultats. La régionalisation pose aujourd’hui avec acuité la question de la décentralisation et de la déconcentration, notamment en matière de déclinaison et pilotage régionaux de ces plans. Les Jeudis de l’UC, qui offrent une excellente plate-forme de débat public, ont été l’occasion de plancher sur le cas du Plan Maroc Vert.

 

C’est devant une salle noire de monde que Mohamed Sajid, le Secrétaire général de l’Union Constitutionnelle, a tancé le gouvernement Benkirane. Ouvrant la deuxième édition des Jeudis de l’UC, placée sous le thème «La régionalisation au coeur des stratégies sectorielles : le cas du Plan Maroc Vert», l’ancien maire de Casablanca a attiré l’attention sur le fait que malgré une prise de conscience, lors de cette législature, du manque de coordination entre les plans sectoriels, rien n’a été fait, comme en témoigne les indicateurs de Bank Al-Maghrib, du Haut-commissariat au plan, du Centre marocain de conjoncture…
«Ce taux de croissance aussi bas, avec toutes les incidences économiques et sociales graves que connaît notre pays, notamment 40% de taux de chômage des jeunes, démontre la légèreté avec laquelle le gouvernement gère le pays malgré le fort potentiel de ces plans», fustige M. Said. Il n’hésite d’ailleurs pas à parler de récession, tout en appelant à accélérer la mise en oeuvre de ces stratégies et en soulignant que les régions ont cette possibilité de porter ces projets.


Décentralisation et déconcentration administrative !
L’absence d’une stratégie globale qui piloterait les différents plans sectoriels de manière harmonieuse, complémentaire et surtout efficiente, est une réalité largement connue et reconnue, bien qu’on ne lui ait encore trouvé aucun remède.
Aujourd’hui, un nouveau défi vient s’ajouter à la liste, à savoir celui de la déclinaison de ces plans sectoriels sur le plan régional : ce qui pose une question endémique, celle de la décentralisation et la déconcentration pour une meilleure gouvernance locale. Et il semblerait que le ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, soit particulièrement sensible à cette question pour mieux réussir le PMV qui, après 9 ans d’existence, entre dans sa phase II, dite de consolidation.
«Avec la nouvelle Constitution et la régionalisation avancée, le PMV entre dans sa phase II qui a comme fil conducteur le partenariat de l’Etat avec les acteurs du secteur. Mais cette phase de consolidation nécessite la mobilisation de tous les intervenants, notamment les acteurs locaux», soutient Akhannouch. Mais encore, le ministre souligne que ce Plan vise à favoriser l’association entre les différents partenaires pour prendre eux-mêmes la responsabilité de leur développement et non comme un programme d’intervention de l’Etat. Pour concrétiser cette volonté, le ministre cite, entre autres actions concrétisées, la réforme des Chambres d’agriculture en prélude à la régionalisation et la mise en place de l’Agence de développement agricole, l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires et l’Office national du conseil agricole qui, tous trois portent l’ADN du PMV et le déclinent à travers leurs directions régionales. Aussi, fallait-il veiller à la cohérence de ces structures avec ce modèle de régionalisation avancée pour en faire de véritables centres de décision intégrés au niveau régional. «Je salue vivement la mobilisation et l’engagement des représentants de la profession et des interprofessions dans les contrats-programmes de développement des filières. J’étais, à cet égard, impressionné par la rigueur méthodologique dont ces représentants ont fait preuve pour formuler de nouvelles procédures de travail», poursuit Akhannouch. Il rappelle, par ailleurs, que le PMV a fait sien l’engagement pour la valorisation et la diversité territoriale des régions, puisque dès son lancement, il s’est attelé au renforcement du rôle des régions pour que son action prenne mieux en compte les spécificités de chaque territoire. «Nous avons ainsi créé des directions régionales de l’agriculture et avons mis en place les Chambres régionales de l’agriculture. Et c’est en s’appuyant sur ces nouvelles instances que nous avons pu préparer et valider les 16 plans régionaux de développement agricole qui sont essentiellement tournés vers des programmes d’actions et des projets qui sont mis en oeuvre, avec une formule novatrice que sont les contrats régionaux agricoles», soutient le ministre. 

Bakkoury tacle le gouvernement

Invité aux Jeudis de l’UC, Mustapha Bakkoury, le président de la Région Casablanca-Settat, a d’emblée souligné que la régionalisation est «une monnaie à deux faces : il y a la face de représentation des populations, notamment les élus, mais il y a aussi celle dont on parle rarement : Les autorités publiques à travers la déconcentration, sans laquelle la régionalisation n’aurait aucun sens». Reproche à peine voilé au gouvernement de ne pas avoir encore planché sur cette question. Mustapha Bakkoury a, par ailleurs, joint sa voix à celle de Mohamed Sajid pour pointer du doigt le manque de planification de ces plans, leur intégration et leur synergie. Ce travail n’ayant pas été fait nous retarde, de l’aveu de Bakkoury. «Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut rester les bras croisés. Aujourd’hui, la régionalisation constitue un bon prétexte pour faire l’intégration de ce qui a bien marché et envisager de nouvelles étapes de valorisation de nos potentialités. Je pense aussi que ce qui est réellement attendu de cette régionalisation, c’est d’aller au-delà de ce que la planification et la réalisation de stratégies nationales a comme limite. Car il y a des choses qui ne se font pas qu’à partir de Rabat ou alors qui ne se font pas très bien à partir de Rabat…», relève Bakkoury.
Aujourd’hui, le défi majeur que pose la régionalisation au développement de ces stratégies sectorielles est clairement la déclinaison de leur dimension territoriale qui doit prendre en considération la diversité, les potentialités et les faiblesses de chaque région. Autant dire un travail titanesque qui attend le prochain gouvernement. Face à la délicatesse de la tâche, il faut oser espérer que l’Exécutif réussisse ce pari de la régionalisation, bien qu’il n’ait pas vraiment réussi à intégrer tous ces plans dans une vision stratégique globale. Et surtout, cette territorialisation des politiques publiques saura-t-elle fédérer tous les acteurs, y compris les citoyens eux-mêmes ?

Imane Bouhrara

 

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