Covid-19 : L’état d’urgence sanitaire, une menace pour les libertés individuelles

Covid-19 : L’état d’urgence sanitaire, une menace pour les libertés individuelles
 
• L’état d’urgence sanitaire, instauré au Maroc depuis le mois de mars 2020, impacte nos droits fondamentaux. 
 
• Le principe est dans les libertés et non dans les restrictions.
 
 
Pour certains citoyens marocains, le coronavirus a remis en cause les droits les plus élémentaires, notamment la liberté de se déplacer sur l’ensemble du territoire national, d’en sortir ou d’y rentrer. Il en est de même pour le droit de réunion ou de rassemblement garanti par la loi fondamentale, qui n’est autre que la Constitution de 2011, notamment dans son article 29.
 
L’état d’urgence sanitaire, consacré par le décret-loi n° 2-20-292 du 23 mars 2020, va permettre aux autorités compétentes de prendre pendant la période de l'état d'urgence sanitaire (jusqu’au 10 octobre 2020) toutes les mesures nécessaires et donc susceptibles d’être restrictives afin de lutter contre la Covid-19, par le biais notamment de décrets.  Il convient tout de même de rappeler que l’état d’urgence sanitaire, à travers les différentes mesures prises (confinement total, fermeture des frontières, limitation des déplacements, port du masque obligatoire, fermeture des commerces ou suspension d’activités, etc.), aurait permis au Maroc de ne pas faire les frais d’un bilan plus dramatique, notamment 500.000 cas de contamination et environ 10.000 décès. Ceci étant rappelé, l’état d’urgence sanitaire, instauré au Maroc depuis plusieurs mois, soulève une question fondamentale, celle de sa propension à garantir les libertés individuelles. 
 
Une vraie menace
 
A la question de savoir si l’état d’urgence sanitaire n’est pas un danger pour les libertés individuelles, Abdelatif Laamrani, avocat aux barreaux de Casablanca, Paris et Montréal, et docteur en droit, rétorque par l’affirmative : «Cette situation exceptionnelle qui prévaut depuis le mois de mars dans notre pays menace les libertés individuelles. Le principe est dans les libertés et non dans les restrictions», soutient-il.
 
Et de préciser : «Les textes majeurs qui ont vu le jour dans cette période sont réglementaires, même si on leur a donné un habillage législatif dérogatoire».
 
Laamrani attire également l’attention sur le fait que les dispositions dérivées des principaux textes régissant l’état d’urgence sanitaire sont des règlements ou des actes administratifs, susceptibles d’être attaqués devant le tribunal administratif. 
 
Ainsi, certaines décisions administratives prises par les walis ou gouverneurs, attentatoires aux libertés de se mouvoir ou d’entreprendre, peuvent faire l’objet d’un recours pour annulation auprès du tribunal administratif, et ce pour excès de pouvoir.
 
«Cette situation est inédite au Maroc, voire à l’échelle mondiale. Jamais l’Etat ne s’est employé à sacrifier les libertés publiques sur l’autel de la santé publique», fait remarquer l’avocat. 
 
Il convient de préciser qu’au Maroc, en vertu de la Constitution, les restrictions des libertés sont du ressort de la loi et non des dispositions réglementaires.  
 
Une administration hégémonique
 
Face à l’hégémonie de l’administration dans la prise de décision et la gestion de la pandémie, des voix s’élèvent pour pointer du doigt la passivité des autres entités, censées jouer le rôle de contre-pouvoir.
 
«Le pouvoir législatif doit non seulement contrôler l’action de l’Exécutif a posteriori, mais aussi intervenir dans l’élaboration des décisions importantes prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire», soutient Laamrani, qui fait un parallèle avec l’Hexagone, pays dans lequel le Parlement a été très impliqué dans l’élaboration des textes régissant l’état d’urgence dans le contexte pandémique.
 
 
Par M.D
 
 
 
 
 

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