Marrakech s’apprête à vivre, du 14 au 16 avril, la troisième édition de Gitex Africa, l’un des événements les plus attendus de l’agenda technologique africain.
Par K. A.
Loin d’un simple salon de l’innovation, ce rendez-vous s’impose désormais comme un levier stratégique pour l’économie numérique du continent. Le Maroc, en l’accueillant pour la troisième fois consécutive, renforce un positionnement assumé : devenir une porte d’entrée vers l’Afrique technologique.
Depuis son lancement en 2023, Gitex Africa affiche une montée en puissance remarquable. Pour la première édition, près de 900 exposants et 400 startups avaient répondu présents, avec environ 35.000 visiteurs venus de 95 pays. Un an plus tard, les chiffres bondissaient : 1.300 exposants, 800 startups, jusqu’à 350 investisseurs internationaux. Pour 2025, les projections visent 1.500 entreprises exposantes, 800 startups, 350 investisseurs et 45.000 visiteurs.
Derrière cette croissance continue : la volonté de positionner le Maroc comme un acteur crédible dans la chaîne de valeur technologique africaine. Le soutien massif apporté aux startups en est une preuve. Cette année, plus de 200 jeunes pousses marocaines seront présentes, certaines bénéficiant d’un financement allant jusqu’à 90%. Le message est clair : il ne s’agit pas d’un salon vitrine, mais d’une rampe de lancement.
Gitex, moteur d’un continent en mutation
Intervenant lors d'une conférence de presse dédiée à la présentation de Gitex Africa, Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l'Administration, a précisé que «cette édition veut renforcer la place du continent dans la tech mondiale. Nous mettons l’accent sur les infrastructures, l’intelligence artificielle et l’innovation. Le Sommet Africa Future Connectivity réunira les acteurs du cloud, des télécoms et des data centers. Il ouvrira la discussion sur la 5G, le haut débit et les partenariats public-privé pour construire l’avenir numérique africain». Selon les organisateurs, plus de 40% des entreprises présentes travaillent sur des technologies liées à l’IA. Et cette spécialisation permet au Maroc de se positionner dans une économie du savoir en pleine mutation et de capter l’attention de nouveaux investisseurs.
Pour Seghrouchni, «le Maroc est désormais reconnu comme une destination numérique, et pas uniquement touristique. Nous constatons un réel afflux d’investissements. À titre d’exemple, une manifestation d’intérêt lancée récemment par le ministère a permis d’attirer près de 49 fonds, dont 32 internationaux. Cela montre que les investisseurs étrangers misent aujourd’hui sur le numérique du Maroc».
L’impact de Gitex Africa dépasse la durée de l’événement. En deux éditions, plusieurs entreprises internationales se sont installées dans le sillage du salon. Certaines reviennent avec la volonté de s’implanter. D’autres signent des accords avec des partenaires locaux. Une statistique revient avec insistance : 84% des participants à l’édition précédente ont déclaré vouloir s’implanter au Maroc ou en Afrique, ou établir un partenariat stratégique avec une entité régionale. Trixie LohMirmand, PDG de Kaoun International, résume cette dynamique en quelques phrases directes: «Le Maroc avance fortement dans la tech. Cette édition rassemble 300 startups locales. Plus de 40% des entreprises présentes travaillent dans l’intelligence artificielle. Le pays se positionne au cœur de l’agenda mondial. Avec plus de 350 investisseurs, dont une moitié venus de l’étranger, Gitex Africa devient une plateforme incontournable».
La stratégie portée par les organisateurs et les institutions s’appuie aussi sur une réalité démographique incontournable. D’après la ministre, «l’Afrique est jeune. Aujourd’hui, 70% de sa population ont moins de 30 ans. C’est un continent plein de talents. C’est aussi ce que nous montrons aux investisseurs internationaux. Nous avons commencé par attirer grâce à notre savoir-faire technologique et à nos compétences numériques. Désormais, nous captons aussi l’attention des fonds pour des sujets d’avenir comme la 5G, qui devient stratégique à l’horizon 2030. Le Maroc attire. Il attire du monde, et surtout de très bons investisseurs».
Ce positionnement ne vise pas seulement à attirer du capital étranger, mais à donner au Maroc un rôle structurant. L’ambition est claire : faire du pays un point d’ancrage, un centre de gravité pour les flux numériques africains. Elle se lit dans les coulisses : développement d’infrastructures, partenariats publicprivé, coordination diplomatique. À mesure que le pays renforce sa capacité d’accueil d’événements internationaux, il forme aussi son image de puissance technologique émergente.
Rien de cela n’est immédiat. Et les responsables le reconnaissent. Comme le rappelle la PDG de Kaoun, «un salon ne change pas une économie, mais il lance une dynamique. Derrière, il faut des politiques, un écosystème et des compétences. Gitex Africa crée des connexions, renforce les réseaux et attire l’attention. Rien ne se fait en un an. Le numérique avance par compétition, mais aussi par co-création. Le Maroc veut exporter et s’ancrer en Afrique. GItex lui ouvre cette voie».