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Tribunal de commerce : 60.000 entreprises hors-la-loi

Tribunal de commerce : 60.000 entreprises hors-la-loi

tribunal commerce

Une simple recherche dans le registre central et au niveau de l’OMPIC met en évidence que des milliers d’entreprises ne respectent pas la loi et ne publient pas leurs états de synthèse auprès du Tribunal de commerce. Une manne financière qui échappe en toute impunité chaque année à la DGI. Détails.

 

Nous sommes au mois de juin; les entreprises ont un délai de quelques semaines pour tenir leur Assemblée générale et au plus tard la fin du mois de juillet pour déposer le procès-verbal de l’assemblée et les états de synthèse (documents portant sur les comptes de l’exercice écoulé et ceux du commissariat aux comptes pour celles qui sont assujetties) au tribunal de commerce dont elles relèvent. D’après la réglementation, pour le cas de la société anonyme, selon l’article 158 de la loi 17-95, deux exemplaires des états de synthèse accompagnés d’une copie du rapport du ou des commissaires aux comptes doivent être déposés au greffe du tribunal dans un délai de 30 jours à compter de la date de leur approbation par l’assemblée générale. A défaut, tout intéressé peut demander au président du tribunal, d’ordonner à la société de procéder audit dépôt. Toutefois, il s’avère qu’un nombre phénoménal d’entreprises, non seulement ne respectent pas les délais de dépôt, mais ne déposent pas leurs états de synthèse. Il suffit d’effectuer une recherche dans le registre central pour se rendre compte que des milliers d’entreprises ne publient pas leurs résultats. Interrogé à ce sujet, Amine Diouri de Inforisk confirme : «Pour l’exercice 2014, le registre de commerce (notre fournisseur de bilans) recensait 140.000 bilans déposés. Or, la DGI recense près de 200.000 entreprises déclarant l’IS. Cela signifie qu’il y a un différentiel d’environ 60.000 bilans non déposés entre la DGI et le registre de commerce». Rien que ça ! Sachant que ce chiffre n’illustre que 2014. Quid des autres années ?
«Le nombre de bilans déposés auprès du registre de commerce augmente d'environ 10.000 bilans chaque année. Pour l'exercice 2014, c'était 140. 000 bilans déposés, 130 K en 2013, 120 K en 2012... Par contre, je ne peux identifier celles qui ne déposent pas auprès du registre de commerce. Seule la Direction générale des impôts pourrait le faire», rassure A. Diouri. Il serait donc souhaitable que l’expérience de connexion entre l’Administration des impôts, la CNSS et la Douane soit réitérée avec le registre de commerce afin de pouvoir reconnaître les non-déposants.
Une manne financière qui échappe chaque année à la DGI si l’on prend en considération que les non dépôts ou les retards sont passibles d’amendes qui varient en fonction de la forme de la société. Dans le texte de loi, il est écrit noir sur blanc que tout fondateur, administrateur, directeur général ou membre du Directoire de la SA qui ne procède pas dans les délais égaux soit à un ou plusieurs dépôts de pièces ou d’actes au greffe du tribunal soit à une ou plusieurs mesures de publicité prévues par la présente loi, est passible de 10.000 à 50.000 DH. Pour les SARL, l’article 95 précise que les sociétés commerciales sont tenues de déposer au greffe du tribunal, dans les trente jours qui suivent leur approbation par l'assemblée générale, deux exemplaires des états de synthèse accompagnés d'une copie du rapport du ou des commissaires aux comptes, le cas échéant. A défaut, les dirigeants seront punis d'une amende de 10.000 à 50.000 dirhams.


Une errance juridique !
Mais la question qui se pose d’emblée : quelle est l’instance habilitée à relancer ces entreprises qui ne publient pas leurs résultats ? «A notre avis, ceci peut être le rôle des commissaires aux comptes, des experts-comptables ou autres conseils, des administrateurs et des différents comités du conseil d’administration s’ils existent», explique Issam Elmaguiri, expert-comptable DPLE. Et d’ajouter : «Les différents mécanismes et acteurs de gouvernance doivent être en mesure de rappeler à l’entreprise le respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur liées à la communication financière». En tant que garant de la fiabilité de l’information financière et de sa disponibilité, les experts-comptables peuvent intervenir auprès des entreprises selon deux variantes : en tant que commissaires aux comptes, ils ont la responsabilité de s’assurer que les états de synthèse ont été déposés conformément à la réglementation. En tant que conseillers en incitant les entreprises à communiquer leurs résultats et adopter une stratégie de transparence visant à mieux faire connaître l’entreprise et ses dirigeants, asseoir la confiance avec son environnement, promouvoir son image et exprimer sa valeur auprès des investisseurs potentiels nationaux et étrangers et auprès des autres parties prenantes. Apparemment, ces conseils prodigués aux entreprises tombent dans l’oreille d’un sourd.
Mais jusqu’à quel degré l’entreprise peut-elle obéir à son expert-comptable auquel elle est liée via un contrat commercial ? N’est-il pas du ressort du Tribunal de commerce d’exiger des entreprises de déposer leur bilan en leur infligeant des sanctions plus lourdes ? Mieux encore, le Tribunal de commerce pourrait même aller jusqu’à refuser d’autres opérations modificatives du registre de commerce jusqu’à la régularisation de l’intéressé.
C’est un truisme de dire que la publication des états de synthèse et, partant, de la disponibilité de l’information financière constitue un outil indispensable à la bonne information du marché. Cette information est susceptible, si elle était rendue publique, d’avoir une influence considérable sur le comportement des investisseurs. Une entreprise qui ne publie pas ses résultats, conformément à la réglementation, a certainement des anomalies et des incohérences à occulter.

Assemblée générale : Ce qu'il faut savoir
Un autre point a le mérite d’être souligné. Il s’agit des propositions émanant de l’Assemblée générale. A titre d’exemple, les entreprises qui ont décidé lors de l’assemblée la distribution de dividendes. Elles sont tenues de payer la taxe sur les produits de placement à revenus fixes (TPPRF) sachant qu’il s’agit juste d’une proposition. Un exemple édifiant d’erreurs à éviter par les entreprises pour ne pas subir par la suite la pression de payer et la taxe et les intérêts de retard. Dans un pays comme la France, il est fait la différence entre la proposition d’affectation du résultat de la résolution d’affectation votée ou la décision d’affectation prise.

Soubha Es-Siari

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