Bourse & Finances

Tous les articles

Titrisation : Le mal-aimé des marchés

Titrisation : Le mal-aimé des marchés

Label vie

La titrisation est très peu utilisée par les entreprises marocaines. Cet instrument financier, qui manque de visibilité et de publicité, offre pourtant de nombreux avantages, que ce soit pour les émetteurs ou les investisseurs. Refinancement à moindre coût, transfert des risques et recentrage sur le métier de base pour l’émetteur, garanties réelles pour les investisseurs, sont autant d’atouts de la titrisation. Analyse.

Lancée dès 2001 au Maroc, la titrisation ne suscite pas d’engouement particulier de la part des émetteurs, ni des investisseurs. Ce mode de financement, qui permet à une entreprise de transformer en titres négociables des actifs illiquides, est encore peu connu de la majorité des opérateurs. Pourtant, la titrisation est une alternative sérieuse aux produits classiques pour le financement de l'économie marocaine. Elle présente plusieurs avantages, surtout depuis la mise en oeuvre de nouveautés réglementaires, rendant ce mode de financement plus attrayant. 

«Il y a eu des changements dans la législation qui ont rendu la titrisation des actifs immobiliers et fonciers intéressante, notamment sur le plan fiscal», nous explique Amine Bennis, directeur administratif et financier du groupe Label Vie. Avant la réforme de la loi 33-06 sur la titrisation en 2013, la cession des actifs immobiliers à un fonds de titrisation donnait lieu à des droits d’enregistrement et à un impôt sur la plus-value, comme c’est le cas pour toute cession. Depuis, ces deux impôts sont exonérés. C’est la raison pour laquelle Label Vie, et quelques mois avant, le Crédit Agricole, ont lancé des opérations de titrisation de leurs actifs immobiliers. Il y a un an, le groupe de distribution a titrisé 20 actifs immobiliers et fonciers qui appartenaient et étaient exploités par Label Vie SA. Ces actifs-là ont été cédés à un fonds géré par Maghreb titrisation, filiale de la CDG. «Aujourd’hui, nous payons seulement un loyer au fonds de titrisation pour ces biens que nous continuons à exploiter. Cette opération a été réalisée avec des taux de financement très réduits, la conjoncture étant favorable», précise A. Bennis. 

Dégager du cash

En procédant à la titrisation de certains actifs et de créances, y compris commerciales, l’entreprise cédante bénéficie d’une capacité de financement supplémentaire et a les coudées plus franches pour se développer. «Ce n’est pas notre métier de gérer du foncier, notre métier c’est de l’exploiter. Donc, nous ne pouvons pas nous permettre de voir plomber notre capacité de financement. Cela permet d’avoir de la liquidité pour faire notre métier de base qui est la distribution», argumente le DAF de Label Vie. 

Autre avantage de la titrisation, la levée de fonds est beaucoup plus simple, étant donné qu’il y a des garanties derrière, représentées par les actifs immobiliers cédés au fonds de titrisation. Comme nous l’explique un analyste, «lorsqu’une émission obligataire est effectuée, la seule garantie pour les investisseurs c’est le businessplan. Quand il s’agit de souscrire à un fonds de titrisation, les investisseurs ont des garanties indéniables. Logiquement, dans un marché financier, les investisseurs ont beaucoup moins de réticences à investir dans un fonds en titrisation plutôt que dans un fonds obligataire». Mais au Maroc, ce n’est pas encore le cas, pour des raisons essentiellement liées à la méconnaissance de ce mode de financement et à la frilosité des investisseurs. «Au Maroc, du fait de la méconnaissance du produit, la souscription à un fonds de titrisation, même s’il y a des garanties, se fait à peu près au même niveau que l’obligataire. Ce qui est une belle aubaine pour les marchés», relève notre source. Seulement, le manque d’acteurs dans le marché de titrisation (pendant longtemps Maghreb titrisation était l’unique acteur; il a été rejoint depuis par Attijari titrisation et BMCE Capital Titrisation) ne contribue pas à rendre ce produit plus actif et plus connu. «On espère que l’apparition de ces nouveaux acteurs relancera ce produit», estime notre analyste. 

Un outil pour soigner son bilan

Les banques lorgnent de plus en plus les opérations de titrisation, que ce soit pour leurs actifs immobilisés ou pour les créances sur crédit. Concernant leurs biens immobiliers, les banques, comme les distributeurs, sont dans un marché au Maroc où il y a beaucoup plus d’opportunités d’acquisition de foncier et d’immobilier que de location. Lorsqu’elles souhaitent développer des agences, elles sont très souvent amenées à les acheter. Elles se retrouvent donc à la tête d’un patrimoine foncier, un peu sans le vouloir. La titrisation est venue offrir la possibilité de rendre ces actifs immobilisés liquides pour développer d’autres agences. Mais pour les établissements bancaires, le véritable intérêt de la titrisation réside dans la possibilité de sortir du bilan certaines créances hypothécaires. En effet, une banque a la possibilité de céder une créance sur crédit, qui lui rapporte par exemple 5,5%, à un fonds de titrisation sur laquelle elle va payer 4 ou 4,5%. C’est un refinancement à moindre coût. Cela contribue à améliorer de facto le profil du bilan en réduisant le niveau des créances. D’autant que l’implantation des normes prudentielles baloises, et la dernière décision de la Banque centrale de mieux surveiller les crédits aux grands comptes, ont réduit la marge de manoeuvre des banques. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la récente création de BMCE Capital Titrisation. «La titrisation partielle du portefeuille de BMCE Bank de crédits immobiliers, qui totalise à fin juin 2015 plus de 35 milliards de dirhams, permettrait de refinancer la croissance tout en réallouant une partie des fonds propres durs vers d’autres priorités, telle l’expansion en Afrique», peut-on lire sur le site de la banque bleue. Reste à convaincre les investisseurs à se tourner davantage vers les fonds de titrisation. Un projet de loi dans ce sens a été soumis en Conseil de gouvernement cette semaine. Il vise à affiner le cadre réglementaire de cet instrument financier, afin de mobiliser des ressources à long terme à coûts réduits pour financer les projets de logement. Il a été décidé d’approfondir l'examen du dudit projet de loi.

Amine El Kadiri

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux