Les participants à la troisième édition du «Rendez-vous de Casablanca de l’assurance» ont insisté sur la nécessité d’identifier et d’anticiper les risques émergents, et de mieux les évaluer pour fournir de nouveaux produits adaptés au marché.
Tout le gotha de l’assurance mondial s’est réuni, du 13 au 15 avril à Casablanca, à l’invitation de la Fédération marocaine des sociétés d’assurances et de réassurance. Le «Rendez-vous de Casablanca de l’assurance», qui en est juste à sa troisième édition, s’est imposé naturellement à l’agenda des professionnels venus nombreux des quatre coins du monde. Assureurs, réassureurs, banquiers, régulateurs, courtiers, etc, ils étaient plus de 800 participants, provenant d’une trentaine de pays, pour cette nouvelle édition axée sur la thématique des risques émergents. Tout en saluant l’organisation soigneusement maîtrisée par les équipes de la FMSAR, sous la supervision de Bachir Baddou, celui que le DG de la Société centrale de réassurance, Mohamed Larbi Nali, n’hésitera pas à nommer homme de l’année du secteur des assurances, les participants ont suivi avec une attention particulière les débats des panels et des ateliers thématiques animés durant les trois jours de l’événement.
Comment faire face aux risques émergents dans un monde globalisé ? La question est d’une actualité brûlante, au Maroc comme partout ailleurs. Dans un monde aussi complexe, marqué par une accélération des progrès technologiques, les assureurs ont compris que leur survie passe par une meilleure anticipation des risques à venir. Dans un récent rapport, Swiss Re avait identifié quatre risques présentant un impact potentiellement élevé au cours des trois prochaines années. Le premier, en lien avec les tensions politiques et la situation géopolitique : crise ukrainienne, situation explosive de la dette grecque, guerre en Syrie, tensions en Libye, montée de l’islamisme radical, etc. Le deuxième risque renvoie au nombre de plus en plus fréquent des catastrophes naturelles, touchant à la fois les personnes et les biens. L’on sait aujourd’hui qu’en raison du réchauffement climatique, tous les territoires sont exposés à un ou plusieurs risques (inondations, submersions marines, irruptions volcaniques, incendies de forêt, etc.) susceptibles de causer des dommages énormes.
Anticipation
Les assureurs se préoccupent également de la vulnérabilité de l’environnement financier mondial, ce qui mine la confiance des agents économiques. «Les taux bas persistants impactent les gérants d’actifs comme les assureurs, en particulier les assureurs vie», note le rapport de Swiss Re. Enfin, le quatrième risque potentiel jugé élevé relève de l’insécurité liée aux objets connectés. «Le nombre d’objets connectés aujourd’hui n’est qu’une fraction de ce qu’il sera dans seulement cinq ans. On peut dire sans risque que nous sommes au début d’une nouvelle révolution industrielle», souligne Pierre-Edouard Fraigneau, directeur commercial chez IAG Afrique du Nord. On estime à 22 milliards le nombre d’objets connectés à l’horizon 2020. A terme, le trafic de données sur Internet sera davantage provoqué par des machines que par des humains. Les erreurs au niveau du système, mais aussi les attaques malveillantes des hackers et des criminels peuvent entraîner de sérieux dégâts. Les cyber-risques sont aujourd’hui identifiés par les comités d’audit et de risk-management
Quelques compagnies mondiales commencent déjà à se positionner sur le marché de la cyber-assurance du fait de la demande accrue des assurés pour se protéger contre les conséquences de telles attaques cybernétiques. Sachant que dans certains cas, la gestion du risque «cyber» s’est avérée très coûteuse pour les assureurs. A titre d’exemple, la cyber-attaque subie par la chaîne de distribution américaine Target lui a coûté 235 millions de dollars, dont 90 millions de dollars ont été remboursés par l’assureur. C’est le cas aussi de l’affaire Sony Pictures, qui devrait percevoir 60 millions de dollars de son assureur au titre des préjudices subis suite au piratage de son système informatique en 2014.
Face au profil et à la nature de ces risques nouveaux, l’industrie de l’assurance est invitée à se réinventer. Les risques émergents soulèvent plusieurs questions d’assurabilité et les assureurs doivent absolument se préparer à ces nouveaux défis et enjeux. Les compagnies doivent inventer de nouveaux produits et services pour répondre aux risques auxquels les entreprises sont confrontées.
Les participants au «Rendez-vous de Casablanca de l’assurance» sont unanimes à dire que l’utilisation de données de plus en plus diverses et volumineuses permet une meilleure compréhension des risques. Or, bien qu’ayant beaucoup investi dans les systèmes d’information, les compagnies ne tirent pas encore suffisamment avantage des opportunités qu’offre le big data en matière d’appréciation des risques. L’exploitation de ces données à profusion permettrait aux assureurs l’élaboration de modèles d’évaluation très fins ainsi qu’une meilleure personnification des produits à souscrire par leurs clients.
Les avis convergent vers la nécessité de renforcer les équipes des compagnies d’assurances par des experts hautement qualifiés pour fournir des solutions à des problèmes toujours plus complexes. Enfin, la réassurance a un rôle majeur dans la couverture des risques émergents en offrant le conseil et les capacités nécessaires pour y faire face.
Wadie El Mouden