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Sonasid : Comment résister à l’ogre chinois ?

Sonasid : Comment résister à l’ogre chinois ?

Sonasid

Sonasid a connu un exercice 2015 difficile marqué par une baisse sensible de tous les indicateurs financiers. Les importations marocaines d’acier chinois ont fait des ravages. L’adaptation de l’aciériste est en cours : projet de site de démantèlement de navires, contrat avec Nareva pour la fourniture d’énergie éolienne, flexibilité opérationnelle, fidélisation des petits clients, etc… La filiale de la SNI et d’ArcelorMital explore toutes les possibilités pour tirer son épingle du jeu.

Sonasid, filiale à 32,4% d'ArcelorMittal au Maroc, spécialisée dans les aciers longs, a connu une année 2015 des plus difficiles. Les résultats annuels de l’aciériste s’inscrivent en net recul, dans un contexte particulièrement compliqué pour la sidérurgie nationale. L’environnement de la sidérurgie marocaine a connu deux évènements majeurs en 2015, qui ont considérablement impacté les performances des opérateurs locaux. D’une part, sur le plan national, le secteur souffre d’une surcapacité de l’offre, et d’autre part, sur le plan international, la Chine a ouvert ses portes pour les exportations de produits semi-finis, inondant le marché marocain de produits à prix cassés. Dans cet environnement hostile, les comptes sociaux de Sonasid font état d’un chiffre d’affaires de 3,4 milliards de dirhams en 2015, en baisse de 17% par rapport à l’exercice 2014. Cette baisse englobe à la fois une diminution des volumes de 5% et un recul des prix de l’ordre de 13%. L’Ebidta (c’est-à-dire les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements) régresse de 69% pour s’établir à 109 millions de DH. Le résultat d’exploitation est également en chute libre de 131% à -48 millions de DH. Le résultat net ressort déficitaire de 37 millions de DH, soit un recul de 123% par rapport à 2014. En consolidé (intégration de la filiale Longometal), le chiffre d’affaires passe de 4,25 milliards de DH à 3,53 milliards de DH. Quant au Résultat net part du groupe (RNPG), il passe de 127 millions de DH en 2014 à -62 millions de DH.
L’acier chinois aura donc fait des ravages, comme l’explique Marcel Genet, du cabinet Laplace Conseil, spécialisé dans l'industrie des métaux et des minéraux. Ce dernier s’exprimait lors d’une conférence organisée par Sonasid, consacrée aux enjeux et perspectives du marché mondial de l’acier. «L’année 2015 se caractérise par une dégradation généralisée des prix et des marges engendrant des difficultés majeures pour tous les producteurs dans le monde. C’est un marché mondialisé et extrêmement volatil, où le moindre évènement impacte les entreprises», souligne M. Genet, qui n’oublie pas de préciser que l’acier reste un matériau absolument indispensable dans les économies modernes.
La croissance exponentielle de l’ogre chinois durant les années 2000 a considérablement changé la donne. «En 15 ans, la Chine a multiplié par 7 sa production d’acier qui égale aujourd’hui celle du reste du monde. Cette croissance extraordinaire de la production a atteint aujourd’hui 67 millions de tonnes par mois», fait savoir l’expert. Un chiffre suffit à donner un ordre de grandeur : la Chine a besoin de 12 heures de production pour couvrir la consommation nationale du Maroc. Cette production chinoise a atteint son pic en 2014, mais s’atténue petit à petit. «On construit moins en Chine et la consommation d’acier commence à baisser», souligne M. Genet. Et cette réduction du rythme de construction des infrastructures oblige les Chinois à trouver de nouveaux débouchés à l’export pour l’acier excédentaire (notamment l’acier long). Cette baisse de la production s’est accompagnée d’une baisse du cours du minerai de fer à 50 dollars en 2015 (contre près de 160 dollars auparavant). Le prix du minerai est fortement corrélé à la variation de la production chinoise, fait savoir le fondateur du cabinet Laplace Conseil. Mais, note-t-il, «il semble que le marché mondial ait touché le fond et se redresse lentement». D’ailleurs, à moyen terme, les prévisionnistes estiment que la croissance du BTP entraînera un rebond de l’acier. Peut-on en conclure que 2016 sera l’année du redémarrage de la sidérurgie mondiale ? «Les signaux sont là, mais il faut rester prudent», tempère notre expert.


Eolien et démantèlement de navires

Comment Sonasid peut-elle tirer son épingle du jeu ? Marcel Genet estime qu’elle dispose d’atouts non négligeables. «Les installations de Sonasid sont modernes et performantes». Cependant, les prix des facteurs de production, en particulier ceux de la ferraille et de l’énergie, demeurent supérieurs à ceux des grands pays exportateurs. Il convient donc pour Sonasid de réduire ses coûts de transformation de la ferraille en exploitant au mieux la ressource nationale et, éventuellement, se tourner vers des sources alternatives comme le démantèlement de navires. A ce propos, le management de la société fait savoir qu’il est en négociation avancée avec un partenaire européen pour mettre sur pied une unité de démantèlement de navires pour un investissement global de 500 millions de DH et 400 emplois à la clé. «Le projet devrait être bouclé d’ici la fin de l’année. Nous n’attendons plus que les autorisations des autorités», affirme Mohamed Ali Kabbadj, DG de Sonasid.
Concernant le volet énergétique, de substantielles économies sont aussi en passe d’être réalisées grâce à un contrat avec Nareva qui doit fournir l’aciériste en électricité éolienne. «Une économie de 10 à 15% par rapport au prix de l’ONEE sera réalisée grâce à ce deal qui entrera en vigueur courant 2018», souligne le management. Outre ces économies sur les charges, Marcel Genet préconise une batterie de mesures pour pérenniser la filière. L’une d’entre elle consiste à privilégier la flexibilité opérationnelle (soit produire des produits semi-finis, ou les importer, selon le contexte). Une autre approche consiste à soigner la distribution de produits finis, en particulier dans le marché marocain du ronds à béton qui est composé à 50% d’auto-construction. «Il faut fidéliser ce marché important de petits clients, lui apporter des services propres et de la formation», recommande M. Genet. «Le partenariat entre clients et fournisseurs en amont est très important. C’est le meilleur moyen de les empêcher d’aller vers la concurrence pour quelques dizaines de dirhams en moins»; précise-t-il.


Amine El Kadiri

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