Une nouvelle directive de Bank Al-Maghrib introduit la notion d'empreinte environnementale dans le paysage réglementaire des banques.
Par A. Hlimi
Dans un contexte mondial de transition énergétique et d’événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, Bank Al-Maghrib (BAM) a récemment publié une directive visant à encadrer la gestion des risques financiers liés au changement climatique et à l’environnement.
Cette nouvelle réglementation s’inscrit dans une démarche de responsabilisation et de prévention des risques systémiques, tout en incitant les établissements de crédit à revoir en profondeur leurs processus de gestion et de gouvernance. En intégrant explicitement les risques climatiques (physiques, de transition et de responsabilité) dans leurs stratégies, les banques marocaines se trouvent à un tournant majeur de leur évolution, où la réactivité et l’anticipation seront déterminantes pour leur compétitivité et la stabilité du système financier.
La directive de Bank Al-Maghrib met l’accent sur la nécessité d’une intégration accélérée des risques climatiques dans les processus de gestion. Les banques n’ont plus le luxe d’ignorer l’impact potentiel des phénomènes météorologiques extrêmes ou des mutations réglementaires sur la santé financière de leurs portefeuilles. À mesure que se multiplient les événements climatiques majeurs et que s’intensifient les politiques publiques en faveur de la transition énergétique, la solvabilité de nombreuses entreprises pourrait se retrouver mise à mal, entraînant par ricochet une hausse du risque de crédit et de contrepartie pour les banques. Dès lors, une mauvaise évaluation ou une sous-estimation de ces risques climatiques peut conduire à une mauvaise allocation des capitaux, fragilisant la stabilité du système bancaire.
À l’inverse, l’intégration rigoureuse de ces paramètres ouvre la voie à une finance durable, où les acteurs financiers peuvent jouer un rôle moteur dans la transition écologique, en finançant des projets plus vertueux et en orientant leurs clients vers des solutions bascarbone. La directive de Bank Al-Maghrib constitue un véritable référentiel de bonnes pratiques à destination des établissements de crédit et organismes assimilés. Son objectif : mettre en place, au sein des banques, un dispositif solide de gestion des risques financiers liés à l’environnement et au changement climatique. Pour ce faire, la directive apporte d’abord un cadre de définitions permettant d’identifier les différentes formes de risques climatiques et environnementaux :
• Risques physiques : ceuxci recouvrent l’ensemble des risques découlant des événements climatiques extrêmes (tempêtes, inondations, sécheresses, élévation du niveau de la mer, raréfaction des ressources naturelles, etc.). Ces aléas peuvent avoir des conséquences majeures sur la valeur des actifs, la liquidité et la solvabilité des contreparties.
• Risques de transition : ils résultent de la mise en œuvre de politiques publiques, de réglementations environnementales ou encore de changements technologiques visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les évolutions comportementales des consommateurs et des investisseurs peuvent également impacter les entreprises et, par ricochet, la stabilité financière des banques.
• Risques de responsabilité : ce sont les risques découlant d’éventuelles poursuites en justice ou réclamations contre les établissements, qui pourraient être tenus responsables de pratiques jugées néfastes pour l’environnement ou de manquements à leurs obligations en matière de développement durable. En filigrane, la directive introduit la notion d’empreinte environnementale, qui consiste à mesurer les impacts – positifs ou négatifs – des activités de financement, de placement et d’investissement de l’établissement sur l’environnement. Cette approche holistique vise à encourager les banques à analyser et à réduire leur impact écologique.
Les piliers de la directive
Au-delà des définitions, la directive de Bank Al-Maghrib précise un ensemble d’articles qui balisent la façon dont les établissements de crédit doivent intégrer le risque climatique dans leurs pratiques internes. Sur le volet gouvernance, l’organe d’administration est désormais tenu de comprendre et d’anticiper les risques financiers liés au changement climatique et à l’environnement sur les horizons de court, moyen et long terme. Il doit notamment définir les orientations stratégiques de l’établissement, en tenant compte des facteurs environnementaux et climatiques; approuver la stratégie et la politique en matière de risques financiers liés au changement climatique et à l’environnement et favoriser la compréhension et l’évaluation de l’impact de ces risques sur la rentabilité de la banque; et s’assurer d’une bonne appréciation du risque par l’ensemble des parties prenantes.
Ce pilier stratégique s’inscrit dans la logique globale de gouvernance durable, où la haute direction doit non seulement fixer des objectifs clairs en matière de responsabilité environnementale, mais aussi s’assurer de leur mise en œuvre opérationnelle. La directive impose également aux établissements de crédit de rendre compte de leurs pratiques et de leurs performances en matière de gestion des risques financiers liés à l’environnement.
Au moins une fois par an, les banques doivent publier des informations inspirées des recommandations de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD), couvrant plusieurs aspects liés notamment à la gouvernance et au dispositif d’identification, d’évaluation et de gestion des risques environnementaux. Outre la publication d’informations à destination du grand public, les établissements doivent transmettre régulièrement à Bank Al-Maghrib un rapport sur la prise en compte des risques climatiques dans leurs processus