Ahmed Rahhou : Le recours à des instruments nouveaux que ce soit la finance verte ou participative est désormais crucial. Il s’agit de moyens financiers qui permettent d’accéder à un autre type d’investisseurs, qui ne souhaitent mettre leurs fonds que lorsqu’un certain nombre de conditions est rempli. Des conditions qui peuvent être liées à la morale ou l’éthique. Aujourd’hui, des chiffres importants ont été annoncés, à savoir 2.000 Mds de $, qui vont bientôt passer à 3.000 milliards de dollars, qui s’investissent dans les banques de type islamique ou participative. Il est donc utile pour le Maroc de disposer de ces instruments pour canaliser une partie de cette épargne vers des projets marocains. Evidemment pour la partie verte, il y a également des fonds qui s’investissent dans des projets et justement il en faut les outils nécessaires. Lorsque nous lançons une émission d’obligations vertes, les gens qui achètent ce type de bonds savent que leurs fonds sont orientés vers des projets qui sont conformes à leurs convictions ou répondent à leurs choix d’investissement. Cette diversification fait partie de l’ensemble de la panoplie d’instruments qui permettent au Maroc d’être encore plus présent dans l’économie mondiale et de se greffer sur des sources de financement qui, aujourd’hui, ont des exigences particulières. D’où l’importance de ce débat pour parler des initiatives qui sont lancées à cette occasion.
A. R. : Au Maroc, le lancement des banques participatives résulte d’une réflexion nationale, d’un consensus, et ce après de longues années de discussions. Je pense que nous avons trouvé le bon modèle pour développer la finance participative de façon à ce qu’elle s’intègre et s’arrime à l’économie marocaine de façon correcte. Aujourd’hui, les gens sont en attente de ce type de produits, de ce type d’instruments. Evidemment, toute naissance d’un écosystème complexe ne peut se faire seulement par le biais de textes ou de volonté. Il y a tout un travail à faire. Il faut une comptabilité, une fiscalité, un certain nombre de règles en matière de contrôle, de reporting…
Vous savez, sous d’autres cieux, la construction de tout un environnement règlementaire et fiscal autour d’une activité financière a pris plusieurs années. Au Maroc, cela prend aussi quelque temps parce que c’est nécessaire et surtout utile. Les partenariats qu’a faits ou que fait le Maroc, sont importants pour accélérer les cours d’apprentissage et pour lui permettre de gagner des étapes. Ils lui permettent également de vérifier qu’il est dans le bon sens et que les choix qu’il fait sont pertinents parce qu’ils ont été testés ailleurs. Donc, ces partenariats, au-delà de la technique, ramènent une courbe d’expérience à la finance participative au Maroc.
A. R. : Oumnia est une nouvelle banque. Côté management, deux personnes au Directoire sont marocaines et une troisième vient du Qatar. Certes, elles sont toutes de l’environnement financier mais pas de CIH Bank. Sur le plan des ressources humaines, il y aura un tout petit pourcentage du personnel qui vient de CIH Bank. Pourquoi agit-on ainsi ? Parce qu’il s’agit d’une banque qui doit avoir sa propre culture. Toutefois, cette opportunité est offerte aux ressources humaines de CIH Bank qui souhaitent migrer vers Oumnia.
Assurément, lorsque nous ouvrons une banque, nous ne pouvons recruter du personnel qui démarre de zéro. Certains sont pris dans le système financier existant parce qu’une bonne connaissance de la finance est un prérequis. Nous ne pouvons pas confier des responsabilités d’agences ou de gestion de relations clientèle à quelqu’un qui vient de démarrer. Donc, nous avons étoffé notre équipe par des profils marocains qui ont une expertise bancaire même conventionnelle.
A. R. : En fait, il s’agit de six produits classiques Mourabaha, Ijara, Moudaraba, Salam…, des produits qui vont permettre de faire des opérations courantes aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. D’autres plus complexes viendront par la suite.
Mais la première circulaire a mis en place l’équivalent de 95% des activités d’une banque participative classique. Aujourd’hui, ce qu’il faut compléter c’est l’arrimage au système. L’écosystème a besoin d’un marché monétaire, a besoin de l’assurance… Il est en train de se mettre en place mais toutes les composantes ne seront pas prêtes en même temps.
A. R. : Nous allons nous adapter au marché. Si les assurances de type Takaful ne sont pas prêtes au démarrage, nous lancerons des produits bancaires de type Mourabaha, en attendant que ces produits viennent. Mais cela ne nous empêche pas de démarrer, en prenant un peu de risque, parce qu’une assurance peut être prise le premier jour comme elle peut l’être six mois plus tard. Plus précisément, nous pouvons opérer contractuellement : dès que le Takaful sera prêt, le client s’engage à souscrire cette assurance via une compagnie de Takaful. Nous sommes d’ailleurs sur ce chantier.
Nous travaillons conjointement avec notre partenaire Atlanta pour monter une structure de Takaful.
A.R : De toutes les manières, ces évolutions dans les Lois de Finances étaient nécessaires. De ce côté, nous n’avons pas de soucis particuliers. Il y a aussi une ouverture très forte de la part de la DGI pour analyser et suivre avec nous. En effet, tous les partenaires de cette aventure, que ce soit les régulateurs, le ministère des Finances, la Direction des impôts… sont mobilisés pour que l’expérience réussisse. Donc, si les dispositions actuelles ne sont pas suffisantes, la prochaine Loi de Finances complètera et construira progressivement. ■
Propos recueillis par Soubha Es-siari