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Radiations en Bourse : Les raisons d’un retrait en masse

Radiations en Bourse : Les raisons d’un retrait en masse

altUne rétrospective des OPR ayant marqué la Bourse de Casablanca depuis le début du nouveau millénaire.

Les radiations se succèdent, mais ne se ressemblent pas à la Bourse de Casablanca. Il ne se passe pas une année sans compter au moins une nouvelle opération de retrait sur le marché actions. Depuis l’an 2000, pas moins de 20 sociétés cotées ont dû retirer leurs titres pour des raisons somme toute hétérogènes. Qu’elles soient volontaires (décision des actionnaires majoritaires) ou bien involontaires (résultant d’une liquidation judiciaire, fusion-acquisition, prise de contrôle…), les radiations portent un coup dur au marché qui canalise désormais plus d’offres publiques de retrait (OPR) que d’offres publiques de vente (OPV). Certes, le Maroc est loin d’atteindre les taux de radiation enregistrés à l’Euronext et au Nasdaq (parce qu’un taux pareil existe ailleurs et est suivi de près par les opérateurs et les régulateurs de marché), mais le phénomène commence à prendre de nouvelles proportions ces dernières années, tant en quantité (le pic de 4 radiations a été atteint en 2010) qu’en qualité des émetteurs radiées (l’exemple de la CGI). Retour sur les motifs à l’origine des radiations ayant marqué l’histoire récente de la Bourse de Casablanca.

 

P.S : En plus des douze sociétés mentionnées dans cette rétrospective, huit autres titres ont quitté la cote durant la même période. Il s’agit de Financière Diwan (radié le 7 mars 2000), Somafic (le 5 décembre 2000), General Tire (13 juin 2003), Wafabank (18 octobre 2004), Credor (3 janvier 2005), Diac Equipement (12 décembre 2005), Carnaud (1er juin 2006) et Distrisoft Maroc (10 mai 2010). 

 

ONA-SNI : Hors- la cote pour éviter l’effet de cascade

L’annonce inattendue en mars 2010 de la fusion des deux holdings SNI et ONA, accompagnée d’une radiation des deux titres de la cote, a été largement commentée par les médias nationaux et internationaux. La décision a été prise dans le cadre d’une vaste opération de restructuration qui visait la création d’un holding unique non coté. Le retrait de la cote, précisait un communiqué conjoint, s’inscrit dans une tendance globale de disparition de cascades de holdings cotés, en réponse aux attentes des investisseurs qui préfèrent procéder eux-mêmes à la diversification de leur portefeuille, sans avoir à supporter les coûts de fonctionnement d’un holding intermédiaire. Ceux-ci ne valorisent la cotation d’un holding que dans la mesure où leur portefeuille n’est pas constitué majoritairement d’actifs cotés. Dans le cas contraire (ce qui est notamment le cas de SNI et ONA), ils préfèrent procéder eux-mêmes au «stock-picking» en investissant directement dans les lignes du portefeuille qui les intéressent. Cet arbitrage des investisseurs, ajoute ledit communiqué, se matérialise par la forte décote appliquée par le marché aux deux holdings, comparativement à la valeur intrinsèque de leurs actifs. Officiellement, les deux titres ONA et SNI se sont retirés de la cote le 19 août 2010.

 

Mediaco : Le spécialiste du levage lève le pied

Lors de son introduction en 2006, la société Mediaco avait tout ce qu’il fallait pour gagner la confiance des investisseurs. Un business plan ambitieux dans un secteur en pleine expansion. Le spécialiste du levage a enchaîné plusieurs exercices bénéficiaires avant l’apparition des premiers signes d’essoufflement en 2010, année marquée par une perte nette de résultat de l’ordre de 40 millions de DH et un stock de dettes s’élevant à 255 millions de DH. L’entreprise a fait ensuite preuve d’«indiscipline» envers ses actionnaires minoritaires et l’autorité du marché boursier (publication des résultats postérieurement aux délais prescrits par la réglementation). Le mystère Mediaco sera partiellement résolu le 24 juin 2013, à l’issue d’une réunion houleuse de son conseil d’administration, qui s’est soldée par la révocation de tous les administrateurs, dont son PDG Nicolas Mayet. On saura plus tard qu’un profond différend oppose l’ancien PDG à la famille Vernazza qui revendique la propriété d’Afrique levage, l’actionnaire majoritaire de Mediaco Maroc. L’affaire se poursuit aujourd’hui en Justice, mais le titre sera bientôt radié de la cote. Le CDVM a donné, il y a environ un mois, son feu vert pour l’OPR qui se fera au prix de 32 DH l’action.

 

SCE : Visibilité et liquidité faibles

L’année 2014 serait celle des OPR des spécialistes en engrais et fertilisants. Outre Fertima, la Société chérifienne des engrais (SCE) annonce son retrait après... 65 ans de cotation à la Bourse de Casablanca. D’après son actionnaire de référence, la holding Holichem (qui a acquis en 2003 les parts de SNI et d’Atofina), la cotation résulte d’une situation historique et ne répond plus à un besoin stratégique. En outre, l’action souffrait d’un manque de liquidité associé à une faible visibilité due en partie à la faible couverture du titre par les analystes financiers. Le titre SCE s’est retiré du marché boursier le 24 janvier 2014.

 

BNDE : Un retrait au goût amer

Une page sombre de l’histoire des banques publiques. Fin 2001, la Banque nationale pour le développement économique (BNDE) constate une perte de 1,18 milliard de DH. Un an plus tard, le plan de sauvetage concocté par le ministère de tutelle n’a pas été du goût des petits porteurs. Car, en plus d’une opération accordéon, de la reprise par la CDG de l’activité banque d’affaires, ainsi que du transfert du réseau d’agences dans le giron de l’ex-Caisse nationale de crédit agricole, le plan prévoyait la radiation du titre de la Bourse de Casablanca. L’on gardera néanmoins de cette «affaire BNDE» le souvenir de la montée au créneau de l’Association marocaine pour la défense des actionnaires minoritaires (Amdam) qui fustigeait le traitement accordé aux petits porteurs, notamment en ce qui concerne le prix de 50 DH fixé par l’OPA lancée à l’initiative de la CDG. Le titre de la BNDE quittera la cote le 23 juin 2003.

 

Sofac : Un flottant insignifiant

Après Crédor en 2005, le feuilleton de radiation des sociétés de financement s’est poursuivi en 2013 suite à l’annonce du retrait de Sofac. «Compte tenu du faible flottant (près de 0,9% du capital), la société a décidé la radiation de ses titres de la cote», lit-on dans une note d’information diffusée à l’initiative de son actionnaire de référence, le CIH. Fondée en 1947 sous le nom de Sovac et introduite à la Bourse de Casablanca en 1973, Sofac a été historiquement adossée à la CDG, aux côtés de BMCE, CNIA et Somaca. L’acquisition par le CIH, le 30 décembre 2011, de la participation de la CDG, lui a permis de tirer profit des synergies commerciales nées de cette opération. Radiée le 10 juillet 2013, Sofac ne sera pas la dernière société de crédit à quitter le marché. Sa consoeur Diac Salaf, déjà en cours de liquidation, lui emboîtera bientôt le pas.

 

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LGMC : La liquidité a fait défaut

Longtemps détenue par les familles Eljamali et Ayouch, la conserverie LGMC a entamé fin 2009 un nouveau pas en ouvrant son capital à la société d’investissement Mutandis, fondée par l’ancien ministre du Tourisme, Adil Douiri. La décision du retrait de la Bourse a d’ailleurs été prise en marge de cette acquisition. «Du fait que l’action souffre d’un manque de liquidité associé à une faible visibilité au sein de la cote, eu égard à la faible couverture du titre par les analystes financiers de la place, Mutandis SCA et Jaybo (ndlr : les actionnaires majoritaires) ont décidé de radier les titres LGMC et d’initier, en conséquence, une offre publique de retrait afin d’offrir aux actionnaires minoritaires l’opportunité d’apporter leurs titres», pouvait-on lire dans la note d’information publiée lors du lancement de l’OPR. Le titre LGMC disparaîtra des radars de la Bourse le 15 juin 2010.

 

Fertima dans le giron de Charaf

La rumeur sur sa radiation circulait depuis que son capital est passé en 2008 sous le contrôle de Charaf Corporation. Six ans après, la famille Kandi, qui détient l’ensemble Charaf/Fertima, passe à l’acte et lance une OPR sur les titres Fertima, sans manquer d’arguments pour convaincre le marché. En effet, l’action du spécialiste des engrais et des fertilisants était peu liquide (23 titres en moyenne échangés quotidiennement entre le 3 septembre 2012 et le 30 août 2013, avec un volume total de 900.000 DH). Puis, le nombre d’actions non détenues par Charaf dans le capital de Fertima était faible (11,32%, y compris la part d’Asma Invest) et représentait une valeur boursière de 16,9 millions de DH. Environ dix-huit ans après sa première cotation, l’action Fertima disparaîtra des écrans de la Bourse le 16 avril 2014.

 

Berliet sur les traces de Renault Trucks

Pour justifier son retrait, en plus du manque de liquidité et de visibilité, le spécialiste du poids lourd rappelle un détail de taille en lien avec la politique capitalistique du groupe auquel il appartient. En effet, aucune filiale de Renault Trucks (sa société-mère) n’est cotée en Bourse, excepté Berliet Maroc. En effet, Renault Trucks est une filiale du groupe Volvo dont la politique consiste à détenir, dans la mesure du possible, 100% du capital de ses filiales. Résultant d’une situation historique, la cotation de Berliet ne répondait plus à un besoin stratégique de la société et de ses actionnaires majoritaires. Introduite à la Bourse de Casablanca en 1975, l’action Berliet a été radiée le 27 décembre 2011.

 

Branoma : Un titre en manque de visibilité

La société des Brasseries du Nord marocain, Branoma, a cité deux facteurs pour argumenter sa décision de se retirer du marché boursier. Primo, la cotation ne répondait pas à un besoin stratégique de la société et de son actionnaire majoritaire (Brasseries du Maroc) également coté à la Bourse de Casablanca. Secundo, son action avait souffert d’un manque de visibilité et de liquidité, le flottant se limitant d’ailleurs à 9,2% du capital. Elle a été radiée le 15 février 2013.

 

Longométal : Radiée pour mieux décoller !

Alors que son flottant représentait environ 16% de son capital, la décision de retrait a été prise lors d’un conseil d’administration réuni fin juillet 2003. Après cinq années successives de difficultés financières (127 millions de DH de dettes), le spécialiste des matériaux de construction avait besoin d’une restructuration financière que seul son actionnaire de référence, en l’occurrence la SNI, était en mesure de lui fournir. L’entreprise réussira plus tard son plan de sauvetage, mais le titre Longométal, lui, fut radié de la cote le 23 décembre 2003.

 

Marocaine Vie : La Bourse n’est plus un enjeu stratégique

Les administrateurs identifient plusieurs facteurs à l’origine de la radiation de la Marocaine Vie. L’abandon de son projet de partenariat avec la BCP aurait renforcé son ancrage au groupe Société Générale, tant pour le développement d’un modèle de bancassurance que pour les besoins en capital qu’exige ce choix. De ce fait, précise l’assureur-vie à l’annonce de l’OPR, la cotation de La Marocaine Vie, qui résulte d’une situation historique, n’a plus de fondement dans la mesure où elle ne répond pas à un besoin stratégique de la compagnie ou de ses actionnaires majoritaires. Sans omettre de citer le motif classique d’une faible liquidité, associée à une visibilité réduite. D’autre part, ajouta-t-il, «les besoins en capitaux propres seront mobilisés par la mise en réserve des résultats. Sauf que cette démarche diverge des attentes des actionnaires minoritaires en matière de politique de distribution de dividendes». L’intérêt du maintien de la cotation, avait conclu La Marocaine Vie, est donc de plus en plus limité, d’autant plus qu’elle induit des coûts supplémentaires. Le titre a finalement été radié le 22 mai 2009.

 

Le Carton : Une histoire de «critères de séjour» 

Le spectre de la radiation guettait la société Le Carton depuis plusieurs années. Ses capitaux propres étaient inférieurs au quart du capital social vers la fin de l’année 2003. Puis, en 2005, elle se trouvait en situation de «non respect des critères de séjour» et devait répondre à l’obligation de diffuser un nombre minimum de 30.000 actions. La recapitalisation de l’entreprise à travers l’opération accordéon initiée par son actionnaire de référence (groupe Holmarcom) a permis d’atteindre un flottant de 1.984 actions, un niveau resté encore en deçà du nombre d’actions minimum exigé pour séjourner au troisième compartiment de la Bourse de Casablanca. La société Le Carton a été rachetée il y a environ un an par la société d’investissements Almamed, contrôlée par une banque d’affaires parisienne du nom d’Alma Capital. Le titre du fabricant d’emballages a, quant à lui, été radié de la cote le 7 juillet 2008.

 

Wadie El Mouden 

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