A quelques jours du dépôt par le gouvernement du projet de Loi de Finances 2016, la CGEM sort de son silence et dévoile le détail de ses propositions fiscales. Au menu des doléances du patronat : la réforme de la TVA, la progressivité de l’IS et une meilleure répartition de la charge fiscale entre les revenus salariaux et ceux professionnels. Les détails.
Décidément, les patrons mettent le gros paquet du côté de la TVA, dont le chantier de réforme est déclaré ouvert depuis les Assises de la fiscalité à Skhirat (avril 2013). Il faut dire que le gouvernement, comme le laisse deviner la dernière note de cadrage de la Loi de Finances 2016, y attache une attention particulière et devra sans doute marquer de son empreinte l’évolution future de cette taxe qui génère, à elle seule, plus de 55 milliards de DH au Budget de l’Etat (prévisions LF 2015). La CGEM tient d’abord à sensibiliser les autorités quant au retard marquant le processus de remboursement du crédit de TVA. Certaines entreprises, à en croire la Confédération patronale, attendent encore le règlement des dossiers déposés en juillet 2014 (portant sur un montant inférieur à 20 millions de DH) et en juin 2015 (moins de 500 millions de DH). Le patronat ne cache pas son regret face au «décalage entre le discours des pouvoirs publics et la réalité des remboursements effectués» et plaide pour la mise en place d’un «suivi effectif de ces délais de remboursement». Mieux, le patronat se montre favorable à une «réelle neutralité» de la TVA qui, à ses yeux, passe par une généralisation du principe de remboursement du crédit de TVA quelle qu’en soit l’origine. Car, faut-il le rappeler, le remboursement introduit par la Loi de Finances 2014 était limité au crédit cumulé au 31 décembre 2013 et à des situations précises. Pour éliminer les distorsions amont-aval, à l’origine des crédits de TVA, créées par l’existence de plusieurs taux, les chefs d’entreprises appellent à l’accélération de la convergence vers deux taux, et ce dans la continuité des dispositions prises dans les deux dernières Lois de Finances 2014 et 2015, et conformément aux recommandations des Assises nationales de la fiscalité. Toujours sur le terrain de la TVA, parmi les autres innovations de la CGEM, notons l’idée de supprimer la limitation à 36 mois de l’exonération sur acquisition des biens d’investissement. Estimant qu’il s’agit là d’un frein à l’acte d’investir, la CGEM veut une «exonération permanente» en vue de retrouver la neutralité de cette taxe indirecte. Abordant la problématique de la TVA soulevée par certains secteurs industriels (l’agro-industrie en particulier) pour lesquels les intrants en amont sont exonérés de TVA, la centrale patronale fustige l’absence de neutralité qui, in fine, conduit à la situation où la «TVA appliquée dans certains secteurs s’apparente plus à une TVA sur le chiffre d’affaires qu’à une taxe sur la valeur ajoutée». Pour résoudre ce problème, la CGEM propose d’adopter «un mécanisme de paiement de la TVA sur la marge» pour les secteurs dont les intrants relèvent du secteur agricole dans un premier temps. Au titre de l’impôt sur les sociétés (IS), la CGEM revient avec insistance sur le principe de progressivité du calcul de cet impôt. «Retenir une imposition progressive tenant compte du niveau du bénéfice nous semble plus juste et plus équitable économiquement», soutient le patronat dans une note regroupant ses recommandations pour la Loi de Finances 2016. Concrètement, la CGEM propose un barème allant de 10% pour la tranche du résultat fiscal inférieur à 300.000 DH, à 30% pour la tranche du résultat supérieur à 1 million de DH, en passant par un taux de 20% pour la tranche située entre 300.000 et 1 million de DH. En revanche, la CGEM exclut du champ d’application de ce principe de progressivité les établissements de crédit et les compagnies d’assurances et de réassurance. Encore faut-il accompagner cette démarche de progressivité, ajoute-t-on, par une clarification de certaines dispositions d’assiette et par l’alignement des règles fiscales avec les règles comptables (provisions, amortissements, déductibilité des charges…). Par ailleurs, les patrons reviennent à la charge pour attirer l’attention du gouvernement sur la nécessité d’introduire une «fiscalité de groupe basée sur le résultat consolidé», rappelant à ce titre que le Code général des impôts ne prévoit pas de dispositions spécifiques permettant de traiter le groupe de sociétés comme étant un seul être fiscal. L’adaptation de cette disposition, se défend le patronat, serait de nature à encourager l’émergence de champions nationaux et régionaux à l’échelle internationale. Last but not least, du côté de l’Impôt sur le revenu (IR), la CGEM plaide pour une meilleure répartition de la charge fiscale entre les revenus salariaux et ceux professionnels, sachant que le rendement de l’IS professionnel représente actuellement moins de 5% des recettes globales au titre de l’IR.
Faut-il bannir les taxes parafiscales ?
Le patronat estime que l’intégration du secteur informel passe par la suppression des taxes parafiscales dont le rendement demeure, aux yeux de la CGEM, faible. L’instauration ces dernières années des taxes parafiscales (sur le ciment, sur le fer à béton, sur le sable, sur le plastique), ajoute-t-on, ne repose sur aucun fondement économique et pénalise le développement de certains secteurs d’activités. Pis, à l’exception de la taxe spéciale sur le ciment, toutes les taxes parafiscales sont non déductibles fiscalement, ce qui pénalise doublement les entreprises, constatent les membres de la CGEM. Parmi les autres mesures proposées par la Confédération patronale en vue d’intégrer le secteur informel, citons celle visant l’obligation de production des factures lors de la liquidation de l’impôt au titre de la «livraison à soi», même en matière de construction d’habitation principale. En effet, explique le patronat, la simplification du calcul de cet impôt a contribué au recours à l’informel.
Wadie El Mouden