De par les potentialités qu’elle offre, la finance islamique suscite un vif intérêt, essentiellement pour les PME, et présente des implications économiques et sociales très intéressantes.
Les caractéristiques intrinsèques rassurent sur le bon usage des fonds alloués.
Face à la crise financière qui s'est déclenchée en 2008, la finance islamique a fait preuve d'une forte résilience par rapport à celle conventionnelle. Et pour cause: la finance alternative repose sur un cadre normatif, tout en édictant un certain nombre de principes sur le rapport des Musulmans avec l'argent, tels que l’interdiction de l'intérêt, le partage des pertes et profits entre le prêteur et l'emprunteur, l'interdiction de l'incertitude...
Les vertus de la finance alternative, largement débattues, incitent les analystes nationaux à s'interroger sur son impact sur l'ensemble de l'économie, en l’occurrence sur la problématique de financement de la PME ?
Dans un contexte marqué par une raréfaction des liquidités bancaires, voire par un ralentissement des crédits octroyés au tissu économique, essentiellement les PME (voir encadré), il s'avère judicieux d'analyser l'impact de ce type de financement sur la situation des PME.
Où en est le projet de la loi bancaire ?
À l'heure actuelle, le projet de loi visant à adapter les principes de la finance islamique avec la législation bancaire en vigueur est en cours de finalisation. Sa sortie ne cesse d’être reportée sine die pour de multiples raisons. Un responsable au sein de Bank Al-Maghrib ne partage pourtant pas le même avis : «le projet de loi bancaire suit la procédure normale et son planning ne souffre d’aucun retard», précise-t-il. D’après lui, la Banque centrale et le ministère de l'Economie et des Finances ont travaillé en commission à l’élaboration de l’avant-projet qui a été transmis au Secrétariat général du gouvernement. «Comme il est d’usage, le SGG l’a publié sur son site pour d’éventuelles propositions. Bien évidemment, il a fallu répondre point par point aux 44 interrogations qu’a suscitées le projet de la loi bancaire», explique-t-il. Après, le texte contenant les réponses a été une fois de plus publié sur le site du SGG. Une fois passée cette procédure, il a fallu traduire le projet en langue arabe.
«Nous avons travaillé d’arrache-pied durant les deux dernières semaines du mois de décembre afin que le projet soit fin prêt et remis au conseil du gouvernement. Si tout se déroule comme prévu, il sera à l’ordre du jour au premier ou au deuxième Conseil du gouvernement du mois de février. Après approbation, le projet passera également en Conseil des ministres. Nous avons retenu comme échéance la session parlementaire du mois d’avril pour discuter et adopter le nouveau projet», précise notre source.
Produits islamiques : une aubaine pour la PME
Prépondérante au sein du tissu économique national, avec une part dépassant les 95% du total des entreprises, la PME constitue le centre névralgique de l’économie nationale. Ses contributions avoisinent les 40% de la production et de quelque 30% des exportations. Donc résoudre sa problématique de financement constituerait une véritable aubaine pour l’économie.
Comme il a été souligné par les analystes de l'Observatoire de conjoncture, outre leur caractère personnel et familier, ce type d'entreprises accuse une forte sous-capitalisation qui impose le recours à des financements extérieurs revêtant pour l'essentiel la forme des concours accordés par des institutions bancaires. Or, force est de constater que les volumes susceptibles d'être mobilisés par ce canal affichent, depuis un certain temps, un net ralentissement. Sans omettre qu'en contrepartie de ces crédits, les banques exigent davantage de garanties.
En cela, la question qui se pose d'emblée est : dans cet environnement financier contraignant, la perspective d'installation des banques islamiques au Maroc pourrait-elle assouplir les difficultés de financement actuelles ?
En guise de rappel, les produits de la finance islamique procèdent d'une logique qui est celle de partager des bénéfices et des pertes et non de celle d'intérêts bancaires. Les deux produits phares de la finance islamique sont la Moucharakah et la Moudarabah. La Moucharakah est un contrat de prise de participation en vertu duquel l'établissement bancaire et son client participent ensemble au financement d'un projet. Le droit de propriété est réparti en proportion de la contribution de chaque partie et les bénéfices sont partagés selon un commun accord.
Quant à la Moudarabah, c’est un contrat par lequel la banque ou un investisseur apporte des capitaux à un entrepreneur moyennant un partage des bénéfices entre les parties selon une répartition connue à l'avance. En cas de pertes, celles-ci sont supportées par la banque, sauf si l'entrepreneur est reconnu coupable de faute; auquel cas, la perte est supportée par les deux parties.
Il existe aussi d’autres produits, qualifiés d'instruments de dettes : la Mourabaha, Salam et l’Ijarah, servant à financer le cycle d'exploitation des entreprises. Pour ce qui est de Mourabaha, ce produit est un contrat d'achat et de revente en vertu duquel la banque achète le bien puis le revend au client par traites.
A l'opposé, le produit Salam est un contrat d'achat en vertu duquel la banque intervient en qualité d'acquéreur d'une marchandise qui sera livrée à terme par un client qui bénéficie d'un paiement comptant immédiat.
Enfin, pour ce qui est d'Ijara, cette formule est un contrat de crédit-bail par lequel une partie loue des biens durables pour un loyer et une échéance déterminés. Le propriétaire du bien supporte tous les risques liés à la propriété.
En résumé, si le commerce de l’argent en tant que tel lui est interdit, la banque islamique en tant qu’expert en gestion et intermédiation financière a le droit, conformément aux préceptes de la charia, de se rémunérer par le biais de commissions pour tout un ensemble de services et de prestations qu’elle est en mesure de fournir (par des loyers perçus sur la location des actifs qu’elle détient ou encore par des marges bénéficiaires qu’elle réalise lors de la vente d’actifs qu’elle détient également). Ses revenus peuvent également provenir des projets sur lesquels elle va investir en tant que partenaire de ses clients. Ce sont ces caractéristiques intrinsèques qui rassurent sur le bon usage des fonds alloués.
Les prémisses d’un avenir prometteur sont là : cette réforme de la loi bancaire a suscité l’intérêt des organismes étrangers de la finance islamique, qui viennent tâter le terrain. «Mais, il faut attendre que le cadre réglementaire soit fin prêt, notamment la partie relative à la banque islamique, avant de voir les premiers dossiers déposés», tient à préciser notre source.
Soubha Es-Siair
Une décélération des crédits bancaires
Les dernières statistiques dévoilées par la DEPF font montre que le taux d’accroissement de la masse monétaire a poursuivi son ralentissement, s’établissant à 3,4% à fin novembre 2012 après 5,6% un an auparavant. Cette évolution a résulté, d’une part, de la décélération du rythme de progression des crédits bancaires qui ont augmenté de 5,6% après 6,9% l’an précédent. Ces derniers ont été marqués par une baisse des crédits à l’équipement de 0,8% après une hausse de 2%, ainsi que par la décélération du rythme d’accroissement des crédits à l’immobilier et, dans une moindre mesure, des crédits à la consommation. D’autre part, le ralentissement de la masse monétaire a découlé de l’accentuation du rythme de repli des avoirs extérieurs nets qui ont baissé de 23,8% après 9,1% un an auparavant, suite, particulièrement, à la contraction des avoirs extérieurs de BAM de 23,1%.