Le système de gouvernance de l’interopérabilité est en cours de mise en place.
Le marché compte actuellement 360.000 wallets.
Par Youssef Sedddik
Lancée officiellement il y a un an, l’activité du paiement mobile tarde à se diffuser auprès du grand public. Mais comme toute activité nouvelle, celle-ci nécessite plusieurs fine-tunings avant un déploiement généralisé.
Dans leurs dernières sorties médiatiques, la Banque centrale et le switch national, HPS, ont apporté certaines précisions sur l’état actuel du m-paiement.
Sur le volet technique, les choses vont bon train : la plateforme de switching est finalisée, le démarrage en pilote a été opéré en octobre 2018, alors que les premières transactions réelles ont été réalisées en décembre dernier. «Toutes les banques ont mis en place les solutions et commencent à commercialiser leurs produits au niveau de leur clientèle. Le switch est de son côté fonctionnel depuis le mois de décembre», note Mohamed Horani, PDG du Groupe HPS.
Si les premières solutions des différents acteurs sont lancées, l’interopérabilité, technologie qui relie l’ensemble des établissements concernés avec une base commune, n’est pas encore opérationnelle.
«L’interopérabilité sera complète dès lors qu’il y aura l’homologation du côté du «switch» et de notre part également en tant que Banque centrale», note le gouverneur de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri.
Horani, lui, nous informe que pour l’interopérabilité, il a été nécessaire de mettre en place un système de gouvernance, lequel est dans un stade bien avancé.
«L’entité juridique qui va porter la gouvernance du paiement mobile est en train de se mettre en place. Cette gouvernance permettra de gérer l’interopérabilité en termes de modèles d’affaires d’inter-changes (qui paye, quoi, comment ?)», nous a-t-il confié.
Et d’assurer que «les règles de place sont déjà définies. Pour l’interopérabilité, c’est bien avancé et ça ne devrait pas tarder».
Pour l’heure, sur les 18 établissements de paiement, seuls 8 sont actifs, pour un marché qui compte 360.000 wallets.
Toutefois, avant un déploiement généralisé, il faudra résoudre pas mal de points en attente. Il s’agit notamment des aspects fiscaux, et surtout de l’information et l’éducation des consommateurs, ainsi que l’encouragement des commerçants et des intermédiaires au paiement mobile, comme le relève jouahri.
Ce qui est aussi confirmé par le patron du CMI, Mikael Naciri, pour lequel il reste énormément à faire en termes de communication et de sensibilisation, pour installer une confiance auprès des consommateurs par rapport à un nouveau mode de paiement, rassurer les petits commerçants qui, pour le moment, ne voient dans ce dispositif de paiement mobile qu’un moyen d’être «tracés». «Il ne suffit pas seulement de mettre en place les infrastructures et la réglementation», a-t-il récemment déclaré dans nos colonnes.
Un peu plus optimiste, Horani pense que «les Marocains n’ont pas de souci à utiliser la technologie. Dès qu’ils ont un produit sécurisé, pratique et facile à utiliser, ils l’adoptent». Et d’ajouter qu’«à mon avis, ça (paiement mobile : ndlr) devrait marcher».
Quoi qu’il en soit, le paiement mobile mettra plusieurs années à se développer. «Le cash restera prépondérant dans les échanges commerciaux B2C pour des années encore. Il se réduira dans le B2B, mais il ne faut pas s’attendre à des changements majeurs dans les 5 prochaines années», nous avait clairement expliqué Naciri.
En novembre dernier, la Banque centrale avait livré ses premières estimations du marché. Sur la base des hypothèses retenues pour la modélisation des impacts sur la période 2019-2024, BAM prévoit 6 millions d’utilisateurs pour ce nouveau mode de paiement au bout de la cinquième année, alors que la première année connaîtra 400.000 utilisateurs. Elle table sur un nombre de transactions de 1,3 milliard en 2024. Parallèlement, 51.000 commerçants feront partie du réseau d’acceptation à terme (2024), dont 3.400 agents lors de la première année (2019). Or, nous sommes dans les derniers mois de 2019, et l’activité n’a réellement pas encore démarré.
Interpellé sur ce point, le patron de HPS affirme que «les volumes qui ont été annoncés par Bank Al-Maghrib, sont des projections très réalistes et défendables vu la dominance aujourd’hui du cash».
Rappelons que selon les études menées par la Banque centrale, 400 Mds de dirhams de flux potentiels de cash pourraient être adressés au paiement mobile, dont 290 Mds de DH en provenance des paiements dématérialisés déjà en place (pensions de retraite, commerces classiques, recharges télécoms…). L’inclusion financière rurale aurait un potentiel de 110 Mds de dirhams à travers les transferts notamment, alors que le reste serait représenté par la digitalisations des paiements.