La mobilisation de l’épargne financière demeure en deçà des objectifs d’investissement.
L’épargne nationale est insuffisante pour répondre aux besoins de financement de l’économie.
Education, digital et diversification de l’offre comme pistes de réflexion.
L’épargne institutionnelle n’a jamais été aussi mal rémunérée, à cause d’un contexte particulièrement peu rentable sur les différents marchés des capitaux au Maroc. C’est peut-être pour cette raison que son poids dans le PIB ne cesse de baisser depuis 3 ans. Son insuffisance peut conduire à une accentuation des déficits et à un recours aux financements externes, touchant même, dans des cas extrêmes, à la souveraineté du Royaume. Cette situation, le Maroc l’a d’ailleurs déjà vécue à la fin des années 70.
Epargner pour construire l’avenir
C’est dans ce contexte qu’a eu lieu au Maroc, mercredi, la Journée mondiale de l’épargne, célébrée mondialement depuis près de 100 ans et qui consacre le concept économique de l’épargne, qualifié de «complexe et multidimensionnel» par le wali de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri.
Le wali intervenait en ouverture d’une conférence organisée à l’occasion et légitimement par la CDG et Poste Maroc, de loin le binôme le plus exposé sur la question au Maroc, avec près de 20% de parts de marché sur l’épargne nationale et un partenariat de gestion (Poste Maroc collecte et CDG gère) de près de 60 ans.
Pour Jouahri, plusieurs freins historiques empêchent la mobilisation de l’épargne financière, particulièrement celle des ménages, pour l’exploiter dans le financement de l’économie. Ceci bien qu’elle représente 14% du revenu disponible brut, un chiffre élevé par rapport à des économies comparables. Mais qu’il faut nuancer, avec notamment le poids des transferts des MRE qui «gonflent» ce chiffre.
Ces freins, Jouahri les résume dans le manque d’éducation financière, la faiblesse des emplois rémunérés et des phénomènes culturels qui favorisent une épargne autre que financière (90% de l’épargne), dans l’immobilier et le foncier par exemple. Il préconise la poursuite des différentes mesures lancées pour l’éducation financière, et sur lesquelles la Banque centrale est active, ainsi que la diversification des instruments de placement.
Le gouverneur de la banque centrale estime aussi que le chantier du paiement mobile (prévu selon le wali en novembre courant) et l’ouverture de la collecte des dépôts aux établissements de paiement autres que bancaires permettront de stimuler la canalisation de la petite épargne. La micro-assurance et le microcrédit contribueront tout autant à cet objectif.
Même sur l’épargne financière bancarisée, Jouahri précise que 80% des ménages placent leurs liquidités dans des produits à faible risque et liquides, incompatibles avec les objectifs de financement à long terme de l’économie.
Les plaques tournantes de l’épargne nationale
CDG et Poste Maroc ont noué un partenariat stratégique il y a 60 ans pour mobiliser l’épargne nationale à travers le compte d’épargne nationale (CEN). Ce produit compte 4,5 millions de clients actuellement et une part de marché de plus de 20%.
Simple, il est pourtant l’un des plus dynamiques au Maroc. Mais, au-delà de l’épargne des ménages, le Groupe CDG se positionne structurellement sur l’épargne institutionnelle. «A l’horizon 2022, le groupe veut renforcer son rôle dans l’épargne et la prévoyance», explique Abdellatif Zaghnoun, son Directeur général.
L’inclusion financière est, à ses yeux, une composante de l’inclusion sociale. De ce fait, les caisses d’épargne et les banques de détail participent au développement régional en proposant des services efficients et efficaces tout en se mobilisant pour l’éducation financière. Selon lui, il faut se mobiliser car il y va des objectifs de développement.
Malgré cela, Zaghnoun fait le constat amer que l’épargne nationale a connu un certain tassement. «Autour de 27% du PIB, elle n’est guère suffisante pour répondre aux besoins de financement de l’économie», lâche-t-il, précisant que ce taux est en constante baisse depuis 2 ans (il était de 27,8% en 2016).
Tout l’enjeu revient donc à réduire l’écart entre épargne et investissement. Lui aussi insiste sur la diversification de l’offre de produits financiers pour drainer l’épargne. Amin Bendjelloun Touimi, patron de Poste Maroc, estime pour sa part que la mobilisation de l’épargne est un enjeu pour tous les acteurs : Bourse, AMMC, banques, gestionnaires d’actifs… ■
Par A.H