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L’embellie continue pour la microfinance

L’embellie continue pour la microfinance

M. Allouch

La microfinance s’inscrit dans une trajectoire de forte croissance depuis 2012. La transformation structurelle, les efforts déployés en matière de gouvernance et la meilleure gestion du risque sont autant de facteurs qui expliquent le dynamisme de ce secteur. Tour d’horizon avec Mohamed Allouch, Directeur général d'Attawfiq Micro-Finance.

Finances News Hebdo : Qu'en est-il de l'activité du microcrédit pour l'année 2015 et les perspec­tives pour l'année 2016 ?

Mohamed Allouch : Depuis 2012, le secteur connait une amélioration régulière et progressive de ses princi­paux indicateurs d’activité, qui vient rompre avec la moro­sité qui s’est installée suite aux difficultés engendrées par la crise qui a secoué le secteur entre 2007 et 2011. Cette tendance haussière s’est confirmée en 2015, avec une croissance appréciable, qui vient ainsi récompenser le travail de fond réalisé par les institutions de microfinance (IMF) marocaines. Tout porte à croire que l’année 2016 ne va pas déroger à cette logique. Nous restons donc optimistes, sans toutefois perdre de vue le facteur risque.

F.N.H. : Quels sont les facteurs de dynamisme de l'activité et qu'en est-il du niveau des créances en souffrance et de l'évolution des risques ?

M. A. : La reprise que connaît le secteur n’est pas fortuite. Pour comprendre cette dynamique, il faudrait revenir aux origines de la crise, et surtout à la réaction des IMF marocaines, qui ont permis de contenir ses effets pernicieux et de renouer avec la croissance. En effet, un exercice de réflexion introspective commun a été engagé entre l’ensemble des intervenants du secteur pour ana­lyser les causes et les déterminants de cette période difficile. Cette phase de réévaluation, fortement soutenue par les pouvoirs publics et animée par un élan dynamique d’échange, de concertation et de partage des bonnes pratiques, a abouti in fine à une transformation structu­relle et organisationnelle globale. Autant de mesures qui ont permis non seulement au secteur d’atténuer l’effet de stagnation, mais aussi d’instaurer de nouveaux stan­dards en matière de gouvernance, d’étoffer davantage le dispositif réglementaire, de moderniser les outils de travail et d’adopter une démarche mettant les besoins du client au coeur de la stratégie de développement du secteur. Dans ce sens, la gestion du risque était l’un des points les plus abordés et pour laquelle il fallait revoir en priorité l’approche, car le risque représente le talon d'Achille de la microfinance et lui apporter un peu plus d’attention était primordial. Actuellement, le secteur a su maîtriser son taux de créances en souffrance à 3,24%. La Fondation Attawfiq se situe, elle, dans l’ordre de 1,08%. Cela s’explique par le fait qu’AMF s’inspire des meilleures pratiques de la maison-mère, la Banque Populaire, pour une meilleure maîtrise du risque.

F.N.H. : Certains experts prônent l'évolution du dispositif réglementaire en vigueur qui péna­lise le secteur. Quel est votre avis sur ce point précis ?

M. A. : Il est vrai que le cadre légal qui régit le secteur de la microfinance est de plus en plus considéré comme contraignant et ce, pour plusieurs raisons. La collecte de l’épargne n’est possible que dans le cadre du statut d’Intermédiaire en opérations bancaires (IOB). C’est un peu limitatif au regard du rôle que les IMF peuvent jouer à ce niveau, les moyens dont elles disposent, notamment leurs réseaux de proximité, la taille de leur portefeuille clients etc. Il s’agit d’un manque à gagner pour les IMF, mais surtout pour l’Etat. Pour ce qui est du plafonnement à 50.000 DH des montants octroyés, des études de satis­faction clients démontrent une sollicitation des deman­deurs de microcrédit pour des montants entre 70.000 et 100.000 DH, voire plus. Il va sans dire que pour le haut du segment de la microfinance, notamment le dévelop­pement et/ou la création de la microentreprise et la TPE, le plafond en vigueur ne répond clairement pas au besoin de pérennisation des activités sur le long terme. En dépit de ces freins, et dans l’attente de voir évoluer le cadre règlementaire, la Fondation Attawfiq s’est engagée, avec le concours de la Société financière internationale, dans le développement d’une gamme de produits à l’adresse de la TPE à travers un programme intégré et innovant qui englobe financement, formation et accompagnement. Car, nous jugeons avoir la responsabilité de contribuer, à notre façon, au développement de ce tissu économique et positionner notre institution dans ce marché en y affir­mant notre leadership.

F.N.H. : Quel peut être l'impact de la deuxième phase du programme Bodour dotée de 945 MDH sur votre activité et sur le secteur de la microfi­nance ?

M. A. : Il s’agit, rappelons-le, d’un programme qui s’ins­crit en droite ligne avec la mission de notre institution et celle de notre Groupe, en matière de promotion de l’inclu­sion financière des populations à faible revenu et leur intégration socioéconomique à travers le financement, la bancarisation, l’accompagnement et la formation. La promotion des jeunes et la réduction du chômage figurent naturellement parmi nos axes prioritaires. Les institu­tions de microfinance comme la Fondation Attawfiq, qui jouissent d’un large réseau de proximité, peuvent jouer le rôle de promoteur de ces jeunes, censés mener la loco­motive de l’économie marocaine de demain. Nous espé­rons contribuer concrètement aux côtés de notre parte­naire Silatech à l’essor de l’entrepreneuriat des jeunes. Actuellement, les jeunes représentent 18% de notre por­tefeuille clients. Avec la deuxième phase du programme Bodour, dotée d’un budget de 945 MDH, appuyée par un fonds de garantie et accompagnée d’une assistance technique fournie par notre partenaire Silatech, nous ambitionnons de financer 90.000 entreprises jeunes à l’horizon 2020 et de créer plus de 144.000 emplois sur une période de cinq ans.

F.N.H. : Enfin, d'après vous, quels sont les relais de croissance du secteur à moyen et long terme ?

M. A. : La distribution de crédit est et restera toujours notre métier de base et notre raison d’être. Car, au-delà des considérations de viabilité financière et d’efficacité opérationnelle, l’insertion socioéconomique des popula­tions à faible revenu, notamment par le biais de l’inclu­sion financière, constitue l’essence de notre mission. La Fondation Attawfiq est en effet évaluée sur la base de ses performances aussi bien financières que sociales. Cela dit, toujours dans une dynamique intra-Groupe et en collaboration avec la maison-mère, la Banque Populaire, l’inclusion financière revêt un cadre universel et plus inclusif. En effet, les relais de croissance se trouvent dans des synergies à même de consolider les passerelles entre les métiers de la banque et de la microfinance, notamment à travers les produits d’épargne, la micro-assistance, la bancarisation des populations à faible revenu, ainsi que les services de transfert d’argent et les services de paiement, etc. Nous affichons également des ambitions pour le haut du segment de la microfinance, à savoir la TPE, sans perdre de vue le développement du mobile banking.

Propos recueillis par Momar Diao

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