L'Égypte continue d'être perçue comme un concurrent sérieux du Maroc dans l'attraction des flux d'investissements étrangers.
Les marchés financiers de la région offrent des opportunités, notamment grâce à un marché de l'infrastructure stimulé par le secteur des énergies renouvelables.
Par A. Hlimi
L’Association interarabe des cambistes (ICA), en collaboration avec l'Association marocaine des salles de marché (AMSM), a organisé une conférence internationale à Marrakech en novembre. Près de 400 experts mondiaux des marchés financiers, spécialisés dans divers domaines tels que les marchés de capitaux, la gestion d’actifs, la banque d’investissement, etc., y ont participé. Cet événement a été une occasion d'écouter ces investisseurs et de comprendre leur vision des marchés de la région.
Du point de vue macroéconomique, les investisseurs institutionnels étrangers classent les pays de la région MENA en trois catégories : les pays en transformation (Arabie Saoudite, Maroc, Émirats Arabes Unis, Oman), ceux confrontés à des défis temporaires (Égypte, Pakistan, Tunisie, Jordanie, Bahreïn), et ceux à potentiel limité ou en pleine réforme (Koweït, Irak, Liban).
Cette classification prend en compte la stabilité politique, le régime de change, la crédibilité des Banques centrales et la politique budgétaire. Des pays comme la Tunisie et l'Égypte sont particulièrement surveillés par les investisseurs en raison de leurs prochaines élections. Outre la stabilité, la région fait face à plusieurs défis : une croissance faible due au retard des réformes économiques et des facteurs externes, tels que la guerre en Ukraine, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement et les tensions géopolitiques. La situation économique mondiale, notamment les politiques des États-Unis et les tensions sino-américaines, impacte également la région.
Les investisseurs surveillent de près l'inflation et les taux d'intérêt. Les dévaluations observées dans certains pays, comme l'Égypte, incitent à la prudence. Les prévisions de croissance pour la région ont été revues à la baisse, passant de 5,6% à 2%. Pour le FMI, les réductions de production pétrolière et les dévaluations affectant les classes moyennes, notamment en Égypte et au Pakistan, ainsi que des événements climatiques en Afrique du Nord, en particulier au Maroc et en Tunisie, sont préoccupants. Les tendances climatiques sont de plus en plus une source d'inquiétude pour la région, une augmentation de la température de 1 à 2% pouvant réduire le PIB de 1 à 2 points de pourcentage, selon le FMI.
Concernant les pays du Golfe, l'augmentation des prix du pétrole offre des opportunités économiques. Toutefois, l'Arabie Saoudite en profite moins, ayant choisi de réduire ses revenus fiscaux pour rester attractive. Le pétrole reste un point faible de la région en termes de scoring ESG, ce qui augmente les primes de risque sur les emprunts privés, parfois jusqu'à 100 points de base. Les Bourses de la région sont mieux valorisées et le marché obligataire est plus rémunérateur. Alors que les marchés de la dette évoluent, une distinction se fait entre bons et mauvais emprunteurs. Les seconds ont de plus en plus de difficultés à lever des fonds, surtout avec les taux américains à 5%.
Alia Moubayed, stratégiste taux et économiste en chef pour la région MENA chez Jefferies, a souligné que le Maroc est un emprunteur fiable, regrettant que le pays n'émette pas plus souvent des obligations sur les marchés étrangers, d'autant plus qu'il dispose actuellement de la Ligne de crédit modulable du FMI, le seul pays africain à en bénéficier. Concernant les marchés actions, après des corrections, ils semblent revenir à des valorisations plus raisonnables. Miguel Azevedo, de Citigroup, voit en l'Égypte une opportunité à long terme, mais à court terme, il recommande la prudence.
Enfin, pour les projets d'infrastructure, le Maroc semble être en avance, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Les alliances et rivalités globales Est-Ouest, comme le partenariat américain pour l'infrastructure et l'initiative chinoise des routes de la soie, offrent des opportunités, à condition de maintenir des relations équilibrées avec les grandes puissances. Les investisseurs scrutent également la politique étrangère des pays de la région, préférant des positions modérées. Les flux d'investissement dans la région sont souvent soutenus par des garanties et le support d'agences multilatérales ou de cofinancements, comme la SFI et la BERD, qui observent aussi le positionnement politique des pays qu'elles accompagnent.