Les régulateurs et opérateurs du marché des capitaux ont donné le coup d’envoi, le 12 novembre, du très attendu marché à terme, ouvrant la voie à une nouvelle étape dans la transformation des infrastructures du marché des capitaux.
Par A. Hlimi
Le marché à terme, lancé en parallèle avec une Chambre de compensation (CCP), propose des instruments financiers visant à améliorer la liquidité des marchés, favoriser l'innovation financière et offrir des solutions de couverture contre les risques pour divers acteurs, tels que les entreprises, les banques et les investisseurs institutionnels. Cependant, qui dit marché à terme dit également nouvelles opportunités et nouveaux risques, que les régulateurs doivent gérer.
«La régulation des produits dérivés constitue toujours une préoccupation pour les économies avancées, mais elle représente également un enjeu important pour les pays émergents et en développement, qui doivent trouver un équilibre délicat entre une plus grande intégration au marché financier international, l’attraction des IDE et la protection de l’économie contre les risques financiers», a déclaré la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui. Elle a ajouté qu’une entrée massive de capitaux peut entraîner une surchauffe de l’économie et la formation de bulles spéculatives, tandis qu’une sortie soudaine de capitaux pourrait provoquer une crise financière.
Selon elle, le développement du marché des capitaux ne peut être pérenne que si, d’une part, il prend en compte en permanence l’évolution de l’environnement des risques, ce qui impose de nouvelles normes et exigences, et, d’autre part, s’il s’inscrit dans une finance responsable, inclusive et durable. «Ces objectifs ne peuvent être atteints sans une coopération et un échange d’expériences, notamment au sein de plateformes de débat et de discussion impliquant toutes les parties prenantes, et en s’inspirant des meilleures pratiques et standards internationaux», poursuit-elle.
Un marché de résilience
Pour Nezha Hayat, présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), le marché des dérivés est un secteur où la résilience est primordiale. «Cela explique le rôle central que la Chambre de compensation jouera dans la gestion des risques de ce marché», a-t-elle affirmé. Aux côtés des autres infrastructures de marché, la Chambre de compensation constitue un pilier de la stabilité du marché, en apportant sécurité et transparence.
«Par ailleurs, les instruments financiers à terme sont des produits relativement complexes et comportent un risque intrinsèque important. Il est donc essentiel de s'assurer que les acteurs du marché, notamment les intermédiaires et les clients finaux, comprennent bien ces produits. D'où le rôle crucial de la sensibilisation et de l’éducation financière pour assurer le bon fonctionnement du marché», a-t-elle précisé. C'est pourquoi le régulateur a mis en place diverses initiatives, notamment en collaboration avec la CFTC, le régulateur américain des produits dérivés, afin de déployer un programme de sensibilisation et de formation pour les acteurs du marché.
Abderrahim Bouazza, Directeur général de Bank Al-Maghrib (BAM), a soutenu que cette réforme, qui introduit dans un premier temps le produit «Futures sur indice», marque un tournant dans la diversification des instruments financiers, visant à accroître la profondeur et la compétitivité du marché des capitaux marocain. Il a également souligné l'évolution de trois segments clés du marché des capitaux, à savoir le marché de la dette publique, le marché monétaire et le marché de change, en insistant sur la profondeur, la liquidité et la transparence du marché de la dette publique, devenu une référence pour les autres segments. De plus, il a annoncé que BAM prévoit le lancement, début 2025, de deux nouveaux segments : un marché interbancaire de gré à gré de swaps de taux au jour le jour et un marché de change à terme interbancaire, pour permettre aux opérateurs économiques de se couvrir contre les risques de change.
Un produit structurant pour la gestion d’actifs
Youssef Rouissi, Directeur général délégué du pôle Corporate & Investment Banking d’Attijariwafa bank, s’est réjoui de la mise en place de ce marché. «Avec cette nouvelle infrastructure, nous passons d'un marché de gré à gré à un marché organisé, offrant plus de transparence et de standardisation des contrats. Cela se traduit par une réduction des coûts et un environnement plus stable pour les investisseurs», a-t-il précisé. Lamia Boutaleb, présidente de la banque d’affaires Capital Trust, a rappelé que les produits dérivés élargissent le champ d’action des gestionnaires d’actifs.
Elle a également mis en avant les avantages de ces produits pour la gestion des risques et l'optimisation des portefeuilles: «Désormais, nous pouvons gérer les risques de manière plus précise, qu'ils concernent les taux d'intérêt, les devises ou les matières premières. Pour un fonds actions, par exemple, il sera possible d'assurer une couverture contre la baisse des cours, ce qui permet une meilleure maîtrise de la volatilité et une stabilité accrue des portefeuilles». Nasser Seddiqi, président de l’Instance de coordination du marché à terme, a souligné l'importance de cette réforme pour la compétitivité internationale du Maroc : «L’attractivité des marchés marocains est renforcée. Désormais, les investisseurs institutionnels, qu’il s’agisse de banques, de compagnies d’assurances ou d’entreprises, trouvent dans le marché à terme des outils pour se prémunir contre une palette plus large de risques».
Il a également mis en avant le potentiel d'innovation qu’offre ce cadre, en affirmant que «cette infrastructure permet de concevoir des produits financiers sophistiqués, adaptés aux divers besoins des acteurs économiques». Enfin, tous les intervenants ont salué la gestion exemplaire du projet technologique qui a permis de mettre en place cette infrastructure de marché. «Nous disposons maintenant d’un moteur technologique multi-assets, capable de s’adapter aux besoins futurs et de supporter une large gamme de produits dérivés», a conclu Tarik Senhaji, Directeur général de la Bourse de Casablanca. Les premières demandes d’agrément pour les membres négociateurs et compensateurs ont déjà été reçues par l’AMMC, et un contrat à terme avec le MASI20 comme sous-jacent est en préparation pour une cotation prochaine.