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Les Banques centrales accélèrent la lutte contre l’inflation

Les Banques centrales accélèrent la lutte contre l’inflation

Partout, les Banques centrales accélèrent le pas pour lutter contre l’inflation. La FED avait annoncé précédemment trois hausses du taux directeur pour cette année, avec une première en mars. Mais la forte inflation que connaissent les Etats-Unis - la plus forte depuis quarante ans - lui fait accélérer le pas. Lorsqu’un journaliste posa la question à Jay Powell - le gouverneur de la FED - si elle pouvait augmenter son taux à chacun de ses conseils sachant qu’il y en aurait sept au total cette année, le gouverneur a évité la question, en assurant qu’il ne s’interdisait pas de poursuivre une politique encore plus agressive que ce qui avait été annoncé précédemment. La déclaration de Jay Powell provoqua une forte baisse des marchés boursiers.

Alors que la FED annonce officiellement trois hausses des taux en 2022, les marchés financiers anticipent désormais cinq hausses. Autre nouveauté  : alors qu’habituellement la FED augmente son taux par paliers de +25 points de base, elle n’a pas exclu de recourir cette fois-ci à des hausses plus importantes par paliers de +50 points de base, pour être plus agressive. Un compromis pour baisser le stock de 9 trillions de dollars de titres qu’elle détient, n’a pas encore été trouvé au sein de l’institution. Elle n’a même pas encore annoncé la fin de ses achats qui se poursuivent. Mais tout porte à croire qu’un allégement du portefeuille aura bien lieu. Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a procédé à une seconde hausse d’affilée de son taux directeur, l’amenant de 0,25% à 0,50%, après une première hausse en décembre.

C’est la première fois depuis 2004 qu’elle applique deux hausses successives. Le comité de politique monétaire était divisé  : 5 membres ont préféré augmenter les taux de +25 points de base, tandis que les quatre autres auraient souhaité une hausse encore plus forte de +50 points de base  ! La Banque d’Angleterre a réagi de la sorte car elle avait sous-estimé deux facteurs. D’abord, elle avait sous-estimé la force des pressions inflationnistes. L’inflation britannique a atteint 5,4% en décembre, le niveau le plus élevé de ces trente dernières années. On s’attend à ce qu’elle culmine à 7,25% en avril, avant de commencer à baisser progressivement. Ensuite, la Banque centrale avait sous-estimé la bonne tenue de l’économie, et notamment le marché du travail. La menace Omicron s’est avérée plus faible que prévue, et les Anglais furent les premiers au monde à annoncer un retour progressif à la normale.

Du coup, l’économie n’a pas déraillé. Sur le marché du travail, il y a un poste de disponible pour chaque personne au chômage, alors qu’en 2020 il y avait 1 poste de disponible pour 4 personnes au chômage. Avec une inflation qui s’emballe et une économie qui tient la route, la Banque d’Angleterre a décidé de resserrer sa politique monétaire plus rapidement. En complément de la hausse des taux, la Banque d’Angleterre a décidé de ne plus réinvestir les remboursements qui proviennent du stock de titres financiers qu’elle détient. Elle avait cumulé 895 milliards de pounds de titres financiers depuis la crise de 2009. En agissant de la sorte, elle compte baisser ce stock de près de -15% d’ici à 2023. Les marchés financiers s’attendent encore à de futures hausses, avec un taux directeur qui atteindrait 1,5% d’ici fin 2022, et une inflation qui, malgré tous ces efforts, resterait encore à 5% à la fin de l’année, loin encore de l’objectif de 2%.

Dans l’Eurozone, même son de cloche, ce qui a poussé la BCE a changé son fusil d’épaule. L’inflation avait atteint 5% en décembre, et tout le monde s’attendait à ce qu’elle baisse à 4,4% en janvier. Mais surprise : l’inflation a augmenté de nouveau à 5,1%. La BCE ne pouvait plus tenir sa position très souple vis-à-vis de l’inflation. Elle anticipait précédemment que l’inflation allait baisser vers sa cible de 2% dès la fin de cette année, mais elle vient à présent de revoir cette prévision : l’inflation ne baissera pas à 2% d’ici fin 2022. Auparavant, la BCE excluait toute hausse des taux en 2022. Elle expliquait vouloir attendre la fin de son programme de rachat d’actifs, prévue pour octobre 2022, avant de commencer la hausse des taux. Mais elle a été rattrapée par la vitesse de l’inflation, et a changé sa posture. Elle annonce désormais qu’une hausse des taux dès cette année est envisageable. Les marchés financiers la prédisent pour septembre, la BCE plutôt pour décembre.

Réponse au mois de mars lorsque la BCE tiendra son Conseil des gouverneurs. La difficulté pour la BCE vient de la divergence des trajectoires économiques nationales. L’inflation la plus élevée a été enregistrée en Lituanie avec 12,2%, et la plus faible en France avec 3,3%. Les gouverneurs des Banques centrales allemande, belge et autrichienne sont les premiers à demander un durcissement plus rapide de la politique monétaire. A peine Christine Lagarde a-t-elle annoncé qu’elle envisageait une hausse des taux, que les coûts d’emprunt pour la Grèce et l’Italie se sont envolés, atteignant leur niveau pré-pandémie. Si la BCE retire son soutien trop rapidement, les marchés pourraient liquider leur portefeuille de titres sur ces deux pays, provoquant un emballement des marchés. L’Italie et la Grèce sont très endettées, avec des dettes qui représentent respectivement 160% et 200% de leur PIB.

Un autre facteur qui complique la donne pour la BCE, vient de la crise russo-ukrainienne. Si la Russie envahit l’Ukraine, le prix du pétrole grimpera, alors que les produits énergétiques sont le principal moteur de l’inflation observée actuellement, avec une progression à deux chiffres. Ce resserrement de politique monétaire, plus ou moins coordonnée, des grandes Banques centrales a un effet palpable sur le coût de financement des Etats. La dette souveraine à rendement négative avait fait son apparition dix ans auparavant en raison de la forte baisse des taux directeurs. Aujourd’hui, en raison du resserrement, la valeur de la dette mondiale à rendement négatif a déjà baissé de -70% ! Les Banques centrales des pays émergents ont agi en anticipation, pour éviter des flux de capitaux sortants trop importants et une baisse prononcée de leurs cours de change. Brésil, République Tchèque, Russie, Chili…tous ces pays ont commencé à augmenter leur taux dès 2021 pour devancer la FED. Au final, 33 pays en voie de développement ont augmenté leur taux pour un total combiné de +84,55%.

En Asie où l’inflation ne s’est pas envolée, plusieurs pays se sont permis de baisser leurs taux : Malaisie, Indonésie, Philippines. Au Maroc, la Loi de Finances 2022 prévoit un besoin de financement brut de 159 milliards de dirhams, en progression de +12% par rapport à 2021. Ce besoin devrait être financé à hauteur des trois-quarts par un financement intérieur, et le reste par un financement extérieur (soit 40 milliards de dirhams, contre 40 milliards en 2021, et 60 milliards en 2020). Etant donné la trajectoire haussière sur les taux aussi bien en dollar qu’en euro, et l’élargissement des primes de risque crédits des émetteurs, ces sorties devraient être avancées autant que possible, en vue d’optimiser le coût de financement.

 

 

Par Omar Fassal *

 

 

(*) : Omar Fassal travaille à la stratégie d’une banque de la place. Il est l'auteur de trois ouvrages en finance et professeur en Ecole de commerce. Retrouvezle sur www.fassal.net

 

 

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