Dans un contexte inflationniste, les marges des intermédiaires d’assurance s’érodent, alors qu’elles étaient déjà limitées.
Le Comité directeur de la Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance au Maroc (FNACAM) répond à nos questions.
Propos recueillis par Y. Seddik
Finances News Hebdo : Tout d’abord, comment évolue le secteur de l’intermédiaire d’assurance dans ce contexte macroéconomique chahuté ?
FNACAM : Difficilement, d’abord parce que le marché est toujours porté essentiellement par l’assurance automobile, et la capitalisation à travers la bancassurance qui, comme son nom l’indique, est pratiquée par les banques. Si l’épargne continue son ascension et profite aux assureurs et aux banques, la branche automobile génère de plus en plus de charges pour les intermédiaires agents et courtiers, alors que leurs revenus stagnent. Par exemple, l’inflation des prix des carburants pousse de nombreuses personnes à vendre leur véhicule, ce qui génère plus de tâches dans la gestion sans contrepartie. Le «prix» reste un critère de premier ordre au dépens de la qualité; et le recouvrement, qui n’était déjà pas évident, devient également très problématique. Tout ceci pèse sur la trésorerie des agents et courtiers, qui voient, dans un contexte inflationniste, leurs marges s’éroder alors qu’elles étaient déjà limitées.
F.N.H. : Comment appréhendez-vous aujourd’hui le sujet de la distribution digitale ?
FNACAM : La distribution par le canal du digital est incontournable. Les smartphones ont inondé le marché. Rien n’est plus simple aujourd’hui que de questionner les moteurs de recherche pour obtenir une information ou un devis. Le côté pratique, la simplicité et la transparence qu’offre ce canal n’échappent pas aux personnes familières du digital qui sont de plus en plus nombreuses. Mais les avantages que les clients en tirent ne pourront être pleinement bénéfiques que si les compagnies d’assurances associent les intermédiaires d’assurances dans leur stratégie digitale. Les moyens des compagnies d’assurances sont bien plus étendus que ceux des intermédiaires. Dans ces conditions, si elles ne prennent pas la peine de concevoir ou plutôt de co-concevoir avec eux des solutions digitales, intégrant à la fois la négociation des prestations et de la rémunération, elles mettent en risque l’avenir du métier de conseil en assurances si essentiel au client à toutes les étapes de la vie de son contrat. En effet, le digital, contrairement à ce que beaucoup pensent, génère plus de charges qu’il n’en économise. Compte tenu de la faible rémunération des intermédiaires, peu sont capables d’ouvrir et de financer les opérations liées à un canal de distribution digital (Investissement dans les outils et la formation, marketing digital, coûts publicitaires, coûts du paiement en ligne, coût de la signature électronique, etc.) et physique.
L’assurance est un sujet anxiogène et, pour cette raison, l’humain reste indispensable, que ce soit au moment de la conclusion du contrat ou au moment de la gestion du sinistre. Le digital se justifie aussi par la nécessité d’une offre diversifiée. Or, les clients se soucient peu des assurances, à part la RC automobile qui est obligatoire (et dont la souscription est facilement vérifiable par un agent de police, ce qui n’est pas le cas des autres assurances obligatoires). Le marché doit être sensibilisé à l’assurance et à son utilité dans toutes les branches. Cette sensibilisation nécessite des moyens que seules les compagnies d’assurances, ou peut-être un groupement d’intermédiaires, peuvent prendre en charge. La distribution digitale est donc très pratique pour les clients, mais en même temps pour que son implémentation réussisse et que la qualité de service soit toujours au rendez-vous, elle doit nécessairement intégrer l’intermédiaire, qui reste un acteur incontournable.
F.N.H. : Sur un autre registre, la rencontre accorde un grand intérêt au digital et aux technologies disruptives. Les intermédiaires en assurance sont-ils bien préparés à cette nouvelle donne ?
FNACAM : En plus des éléments indiqués dans la réponse à votre précédente question, nous pensons que jusqu’ici, si disruption digitale il y a eu, c’est surtout au niveau de l’automatisation des processus de gestion initiée par les compagnies d’assurances, qui en ont profité pour standardiser leurs offres et déléguer plus d’opérations de gestion aux intermédiaires sans contrepartie de rémunération. Aussi, est-il regrettable de voir que, pour le moment, les avantages offerts par la technologie n’ont pas encore tous été bien exploités en faveur d’un partenariat gagnant pour toutes les parties et porteur d’une nette amélioration de la qualité de service au client.
F.N.H. : La question de la TVA est une fois de plus au centre des débats. Qu’est-ce qui bloque, selon vous, pour régler de manière définitive cette problématique ?
FNACAM : Pour bien fixer les idées, il s'agit de notre demande de nonassujettissement à la TVA des commissions versées aux intermédiaires d'assurance par les entreprises d'assurances au titre de la présentation des opérations d'assurances. En effet, notre profession ne cesse de demander que cette injustice soit réparée : il faut rappeler que nous sommes le seul pays à être assujetti à une TVA de 14% sur notre rémunération versée par les compagnies, alors que les primes d'assurances sont déjà soumises à la «taxe sur les assurances». Cette situation est dénuée de tout fondement. Depuis plusieurs années que nous défendons ce dossier, nous avons convaincu la DGI sur la légitimité de notre position et rallié largement le parlement et la Chambre des conseillers à notre cause. Malheureusement, les Lois de Finances de ces dernières années ont été adoptées dans des conjonctures économiques difficiles, ce qui n'a pas milité en faveur de notre cause. Nous continuons à batailler et appelons de nos vœux l'entame de la réforme de la TVA qui mettra fin définitivement à cette aberration.
F.N.H. : En tant que Fédération, quelles sont vos principales attentes de la refonte du livre IV du code des assurances ?
FNACAM : Un des principaux chantiers pour lequel œuvre la FNACAM depuis un bon nombre d'années est l’amendement du livre IV du code des assurances relatif à la présentation des opérations d’assurance. Il est bien évidemment très attendu par la profession, car il s’inscrit notamment dans un processus de révision de la réglementation actuelle régissant le métier et corrigeant certaines insuffisances au niveau du code actuel; il tient compte de l’avènement de la présentation à distance des opérations d’assurances. Ces principaux apports pour les intermédiaires seraient l’acceptation d'une licence autre qu’étatique pour les personnes souhaitant passer l’examen pour devenir agent ou courtier d’assurances, un recadrement du champ d’intervention de la banque assurance et enfin offrir la possibilité aux courtiers et agents (après accord de leurs mandantes) de disposer de succursales.