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Industrie du microcrédit: la transformation se fait toujours attendre

Industrie du microcrédit: la transformation se fait toujours attendre

L’opérationnalisation intégrale de la loi n°50-20 n’est pas encore possible en raison de l’absence de décrets d’application.

D’après les professionnels, le retour du niveau nominal d’avant crise prendra plus de temps que prévu.

 

Par M. Diao

La centralité de la microfinance est reliée à sa forte propension à inclure économiquement et socialement les personnes aux revenus très modestes, donc peu attrayantes pour les établissements bancaires classiques et les compagnies d’assurances. Pour avoir un ordre de grandeur, le nombre de clients actifs a connu une baisse pendant le 1er trimestre 2021 à 886.109, soit un repli de 1.66% par rapport au même trimestre de 2020.

Conscients du fort impact économique de la microfinance sur les populations dépourvues de revenus conséquents, les pouvoirs publics ont pris au cours des dernières années des mesures significatives allant dans le sens du renforcement de la capacité de financement et de la transformation des établissements de microcrédit.

A ce titre, il y a lieu de rappeler l’élaboration du décret du 7 août 2019, qui a relevé le plafond maximum des prêts à 150.000 DH contre (50.000 DH auparavant). La mise sur pied de la loi n°50- 20 relative au microcrédit est également un fait majeur. Ce dispositif juridique est censé, entre autres, transformer le secteur du microcrédit, l’intégrer dans le système financier, tout en améliorant la gouvernance.

Sachant que le champ d’activité des établissements de la microfinance est élargi par la loi n°50-20 qui permet, outre l’octroi de microcrédits de la  part des établissements de microfinance, la collecte des dépôts et les opérations de la microassurance. Concrètement, en vertu de l’instrument juridique précité, les entités de microfinance peuvent dispenser, au profit de leurs clients, des prestations de conseil, de formation et d’accompagnement technique en matière de microcrédit.

La priorité du moment

Interrogé sur l’opérationnalisation de la loi n°50- 20, Youssef Bencheqroun, Directeur général d’Al Amana Microfinance,  apporte une précision de taille. «L’opérationnalisation intégrale de la loi n’est pas encore possible en raison de l’absence de décrets d’application. La question cruciale de la fiscalité n’est pas encore tranchée», révèle le patron de l’établissement. La crise liée à la pandémie a joué le rôle de ralentisseur pour l’arrivée des différents décrets d’application.

Pour l’heure, la fiscalité constitue une épine dans le pied des entités de microfinance, conscientes de la nécessité d’investir davantage le segment du financement des TPE. Ce qui revient à prendre plus de risques. Or, une telle orientation suppose le renforcement des fonds propres qui ne doivent pas être grevés par une lourde fiscalité pénalisante. La matière fiscale constitue un point d’achoppement, puisque dans le contexte pandémique, l’Etat a besoin de plus de recettes fiscales afin de financer les dépenses croissantes de la collectivité.

La crise liée à la covid-19 a également amené certains acteurs de la microfinance à reconsidérer l’ordre de leurs priorités. «Nous sortons d’une année de crise qui n’est pas encore dernière nous. Tout l’enjeu est de revenir au niveau nominal d’avant crise, c’est-à-dire celui de 2019. Or, nous n’y sommes pas encore», explique notre interlocuteur. Faudrait-il le rappeler, à l’instar de plusieurs pans de l’économie nationale, les paramètres de sortie de crise échappent au contrôle du secteur du microcrédit. L’actuelle fermeture des frontières, qui a mis à genoux le tourisme et d’autres secteurs et professions (artisanat, guides touristiques, restauration touristique, location de voitures, etc.), n’est pas sans impact sur l’industrie du microcrédit.

«Le risque de sécheresse qui se profile constitue une source d’inquiétude pour notre business», analyse le patron d’Al Amana Microfinance. Rappelons que selon les chiffres disponibles sur le site de la Fédération nationale des associations de microcrédit (FNAM), l’encours du microcrédit a évolué de 9,77% entre le premier trimestre de 2020 et celui de 2021. Il est ainsi passé de 7,44 Mds de DH en mars 2020 à 8,16 Mds de DH à la même période de 2021. Et ce, avec en prime une amélioration au niveau des montants débloqués entre le 1er trimestre 2020 et le 1er trimestre de l’année 2021. Concrètement, le montant des prêts débloqués a augmenté de 22.6% en 2021 pour atteindre 728 MDH. Youssef Bencheqroun est formel.

Eu égard à l’ampleur de la crise, prolongée par le variant Omicron, il faudra du temps pour que la loi n°50-20 fasse bouger les lignes du marché. Pour l’heure, la fiscalité, jugée prohibitive, suscite une posture attentiste de la part des acteurs majeurs du secteur, qui voient dans la mésofinance un véritable relais de croissance et de transformation. Pour rappel, la mésofinance est particulièrement adaptée aux TPE, aux PME et aux auto-entrepreneurs, lesquels peinent à trouver des offres de financement adaptées à leurs besoins et aux réalités de leurs activités.

Hausses des créances en souffrance

A en croire les professionnels, la hausse des créances en souffrance en 2021 serait une manifestation des conséquences de la crise. «Le risque est encore patent. Près d’ ¼ de nos créances sont compromises sous l’effet de la pandémie», révèle notre source. En dépit de ce contexte délicat, Al Amana Microfinance, dont jusqu’ici le cœur de métier a été, entre autres, le financement des activités génératrices de revenus (AGR), mise sur les TPE. Pour preuve, l’établissement de microcrédit a développé un portefeuille Corporate expérimental qui pèse entre 10 et 15% de son portefeuille global.

L’objectif à terme est d’être plus actif sur le segment du financement des TPE, un métier nouveau pour l’établissement de microfinance. Au final, d’après les professionnels, le retour du niveau nominal d’avant crise prendra plus de temps que prévu. En revanche, il est de bon augure de constater que la loi n°50-20, qui autorise la collecte des dépôts, élargit la fenêtre d’opportunités d’une croissance différente pour l’industrie de la microfinance. «En termes de business, le cap de la transformation a un effet de levier», conclut Youssef Bencheqroun. 

 

Une loi transformatrice
Les transformations majeures qu’apporte la loi n° 50-20  relative au microcrédit, publiée au  Bulletin officiel en juillet 2021, constituent une réponse aux doléances de plusieurs acteurs majeurs d’un secteur, aujourd’hui, résolument déterminé à accroître ses parts de marché en matière de financement des TPE. Composé de vingt articles, le texte prévoit entre autres, les formes que peuvent adopter les établissements de microcrédit. En clair, ces derniers peuvent opter soit pour le statut d’association, soit pour celui de société anonyme (SA). Sachant que les associations ne peuvent pas gérer directement le service de microcrédit et doivent créer, à cet effet, des sociétés anonymes. Il importe de rappeler que le même dispositif juridique précise les conditions requises pour l’exercice de l’activité. Les sociétés anonymes créées doivent être des établissements de crédit constitués conformément à la  loi n°103- 12  relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, puisqu’il est interdit aux associations de microcrédit de collecter des fonds auprès du public.

 

 

 

 

 

 

 

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