L’application de la Loi organique des Finances à travers la Loi de Finances 2016, engendre beaucoup d’espoir auprès des pouvoirs publics et de certains partenaires internationaux. Ce nouvel instrument devrait améliorer considérablement l’efficacité de la gestion des finances publiques au Maroc, longtemps pénalisée par une logique purement normative au détriment de la performance.
Pour la première implémentation de la Loi organique des Finances (LOF) dans une Loi de Finances, le ministère de tutelle et ses partenaires (Banque mondiale et Expertise France) ont mis les petits plats dans les grands en organisant récemment à Skhirat une rencontre portant sur l’appropriation de la nouvelle LOF. Il faut dire que l’enjeu est de taille, d’autant plus que ce nouvel instrument, dont la mise en oeuvre a nécessité plus de dix ans et le soutien de partenaires internationaux, devrait garantir à la fois plus d’efficacité, de transparence et de responsabilité dans la gestion des finances publiques, qui jusque-là, était cantonnée dans une logique normative au détriment parfois de la performance. Pour sa part, Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement, a axé son intervention sur l’opportunité de l’application de la LOF. «Il était plus que nécessaire de changer l’ancienne LOF, qui n’était plus adaptée à une gestion performante des finances publiques, avec des objectifs de résultat clairement définis», martèle-t-il. Et d’ajouter dans la foulée : «C’est le citoyen qui paye le prix fort de la mauvaise gestion des finances publiques». Si Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances, a présenté l’application effective de la LOF comme un rêve qui se réalise, aux yeux du représentant de la Banque mondiale, il s’agit d’une véritable révolution dans le processus de modernisation de la gestion publique au Maroc. Du reste, s’il est clair que les multiples bienfaits de cette nouvelle loi structurante sont bien réels, selon le Chef de gouvernement, son principal facteur de succès se situe au niveau du degré d’appropriation qu’en feraient les fonctionnaires de l’Etat et de ses démembrements. D’ailleurs, il en appelle à l’activisme de ceux-ci pour la mise en oeuvre de la LOF, qui sera appliquée par 16 départements publics en 2016. A noter que sa généralisation prévue pour l’année 2018 se fera progressivement. Cela dit, les intervenants qui se sont succédé à la tribune ont été unanimes sur le fait que ce nouvel instrument permet au Maroc de combler incontestablement son retard par rapport aux pays développés en matière d'efficacité budgétaire.
Principales nouveautés
A en croire Fouzi Lekjaa, directeur du Budget, les nouveautés apportées par la nouvelle LOF sont multiples et de nature à renforcer le contrôle parlementaire des finances publiques, les règles financières et de transparence ainsi que la performance de la gestion publique. En effet, ce nouveau dispositif met en place les bases d’une gestion budgétaire axée sur les résultats, ce qui offre une visibilité et une maîtrise plus accrue des enjeux budgétaires et du processus de préparation et d’exécution budgétaire. L’autre innovation de la nouvelle LOF sur laquelle s’est étendu le directeur du Budget, est la programmation triennale de la Loi de Finances. Ce qui donne plus de visibilité aux gestionnaires, tout en renforçant la cohérence des politiques sectorielles en rapport avec les objectifs de soutenabilité et de viabilité. Par ailleurs, l’action budgétaire s’inscrira désormais autour de programmes et projets avec une priorisation de l’aspect régional. La dimension genre est davantage prise en compte au niveau des objectifs et des indicateurs. Toujours, au registre de la performance, avec la nouvelle LOF, les gestionnaires voient leur responsabilité progresser d’un cran, avec une marge de manoeuvre élargie, qui a pour corollaire la reddition des comptes et l’évaluation des politiques publiques (audits de performance), érigées en principes constitutionnels. Enfin, ce nouveau dispositif juridique, impose aux départements ministériels l’élaboration d’un projet et d’un rapport de performance, qui seront soumis par le ministère de l’Economie et des Finances au Parlement, chaque année. Au niveau des nouvelles règles financières, le caractère limitatif des crédits est érigé en principes généraux et s’applique, entre autres aux dépenses du personnel. De plus, l’interdiction d’inscrire les dépenses de fonctionnement dans le Budget d’investissement voit le jour ainsi que celle de l’imputation des dépenses inhérentes au personnel au niveau des SEGMA. Par ailleurs, selon Fouzi Lekjaa, le pouvoir de contrôle du Parlement sur les politiques publiques sera désormais renforcé grâce, entre autres, à l’enrichissement des données fournies à celui-ci, et ce à travers le projet de la Loi de Finances à laquelle sont annexés pas moins de 13 rapports (compensation, dette publique, dépenses fiscales, répartition régionale de l’investissement, etc.). En définitive, la mise en oeuvre de la nouvelle LOF suscite certes des interrogations. Mais ses chances de réussite ne sont guère négligeables au regard de l’approche participative qui a prévalu lors de son élaboration.
Momar Diao