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L'invité de la rédaction : Boubrik déterminé à assainir le secteur

L'invité de la rédaction : Boubrik déterminé à assainir le secteur

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Mardi 31 mai 2016, le président de la nouvelle Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), Hassan Boubrik, était l’invité de la rédaction de FNH. A l’aise dans le jeu de questions-réponses et sans langue de bois, il nous parle des premières actions réalisées depuis sa nomination par le Roi Mohammed VI le 6 février dernier. Durant cette rencontre qui a duré une bonne heure et demie, le patron de l’ACAPS est revenu sur plusieurs autres sujets d’actualité : le contrat-programme, la refonte du livre IV du Code des assurances, la tarification de l’assurance automobile, takaful, les règles prudentielles, la nouvelle circulaire relative à l’encaissement des primes, etc. Compte-rendu.

 Nommé par le Roi en février dernier à la tête de l’ACAPS, Hassan Boubrik a pour première mission de rendre effective la création de la nouvelle autorité du marché marocain des assurances. Il a fallu d’abord compléter la composition des organes de gouvernance, notamment le Conseil d’administration dont il est président, qui compte également parmi ses membres la présidente de l’Autorité marocaine du marché des capitaux, la directrice du Trésor, un magistrat de la Cour de cassation et trois autres membres indépendants nommés par décret du Chef de gouvernement. Lors de sa toute première réunion, le 14 avril dernier, le Conseil d’administration avait un ordre du jour assez chargé. «Nous avons approuvé le règlement intérieur prévu par la loi ainsi que le budget de l’autorité. Le Conseil a entériné la nomination des membres des commissions de discipline et de régulation», souligne Hassan Boubrik.
S’agissant du problème soulevé par la représentativité des intermédiaires au sein de ces deux commissions, Boubrik dit avoir privilégié la voie du consensus à l’issue d’une concertation étroite avec les deux associations concernées : l’UMAG et la FNACAM. Sachant que la première mouture de la loi sur l’ACAPS approuvée en Conseil de gouvernement, celle qui prévoyait une seule association à laquelle adhèrent l’ensemble des intermédiaires, a été entre-temps amendée au Parlement, pour finalement retenir les membres désignés par l’association la plus représentative. Mais en attendant la définition et la mise en place des critères de représentativité par voie réglementaire, le président de l’ACAPS a réussi à trouver un compromis accepté par les deux associations : la FNACAM et l’UMAG ont désigné chacune deux membres, l’un pour la commission de discipline et l’autre pour la commission de régulation. Cette dernière tiendra sa première réunion le 8 juin, nous confie Boubrik.
La composition des organes de gouvernance étant aujourd’hui connue, l’ACAPS peut déjà entamer sa phase opérationnelle. Fin prêt depuis quelques mois, un projet d’organigramme sera soumis au prochain Conseil de l’autorité. «Nous sommes amenés à fonctionner avec de nouvelles structures et de nouvelles procédures», affirme le patron de l’ACAPS. Tout cela, en continuant à travailler et à suivre les dossiers chauds et les grands chantiers ouverts dans le paysage de l’assurance marocaine.


Contrat-programme : bilan modeste !
Interpellé sur le bilan du contrat-programme du secteur des assurances (2011-2015), Boubrik n’y va pas par quatre chemins. Les réalisations restent plutôt maigres comparées aux ambitions fixées au départ, dit-il, sans pour autant renier les acquis à mettre à l’actif de ce cadre contractuel liant l’Etat et les assureurs. Il citera à ce titre la médiation, les conventions d’indemnisation, l’arrêté sur le livre III qui devrait réaménager les règles d’investissement et d’évaluation des actifs non cotés, ou encore les projets ayant emprunté le circuit législatif, notamment ceux relatifs à l’assurance «Tous risques chantier (TRC)», à la «Responsabilité civile (RC)» et au «Takaful». Aux yeux du patron de l’ACAPS, le retard qu’accuse le secteur dans la concrétisation du contrat-programme paraît justifié, ne serait-ce qu’au regard du nombre de mesures requérant une action législative. Il nous rappelle à juste titre le contexte politique post-2011 marqué par la promulgation de la nouvelle Constitution, l’avènement du gouvernement Benkirane, le remaniement ministériel, et surtout le programme législatif assez chargé du mandat du gouvernement. C’est dire que les lois et règlements encadrant les nouvelles mesures du contrat-programme n’étaient pas la priorité de l’actuelle législature. Tirant les enseignements de cette première expérience, Boubrik souhaite introduire une nouvelle démarche dans le prochain contrat-programme (les discussions vont démarrer dans les semaines qui viennent), tout en émettant des réserves sur le terme «contrat-programme». Le prochain, soutient-il, ne doit pas s’appuyer essentiellement sur des mesures d’ordre législatif. «Celles-ci peuvent être accompagnées d’objectifs concrets impliquant à la fois le secteur et l’autorité. Nous pourrons ainsi mettre le paquet pour que telle ou telle assurance soit mise à la disposition des citoyens, d’abord de manière volontaire, en attendant la sortie des lois», explique le patron de l’ACAPS.

Livre IV : les banques doivent passer par la porte
Quid du projet de refonte du livre IV du Code des assurances, soumis il y a un an au Secrétariat général du gouvernement ? Il est quasiment finalisé, nous confie Boubrik, saluant par la même occasion la valeur ajoutée apportée par les juristes du Secrétariat général du gouvernement (SGG) au texte rédigé par l’Ex-DAPS. En donnant aux banques la possibilité de commercialiser, en plus des assurances de personnes, la multirisque habitation et les assurances liées aux cartes de crédit, la réforme du livre IV ne risque-t-elle pas de pénaliser la viabilité du réseau classique de distribution ?
Non, rétorque le numéro un de l’ACAPS. Les banques, dit-il, pouvaient commercialiser tous types de produits grâce au subterfuge de la souscription pour compte de tiers avec l’aide d’un courtier captif. Désormais, avec le nouveau texte, toute souscription pour le compte de tiers à caractère commercial sera considérée comme un acte d’intermédiation, ce qui constitue une protection pour le réseau classique. «C’est un juste retour à la normale. C’est par la porte qu’il faut passer et non par la fenêtre», souligne Boubrik. La souscription pour le compte de tiers se trouve ainsi encadrée. En contrepartie, le projet ouvre la voie aux produits qui, naturellement, peuvent être distribués par le réseau bancaire. «Nous sommes finalement arrivés à un bon compromis. Aussi bien les banques que les intermédiaires ont compris notre positon. Le sens de l’histoire tend vers plus de libéralisation. Tous les opérateurs doivent, dès à présent, se préparer aux évolutions futures du marché», conclut le patron de l’ACAPS.

Circulaire sur le provisionnement : Applicable à partir du 1er janvier 2017

«La ségrégation des comptes des intermédiaires est prévue dans le projet sur le livre IV. Personnellement, je pense que c’est sain et c’est ce qui est pratiqué ailleurs (Turquie, EAU…). Elle existe même dans d’autres professions : chez les notaires par exemple. L’intermédiaire encaisse une prime qui ne lui appartient pas. Donc, il est tout à fait logique de séparer son compte (commissions) de celui de la compagnie (primes).
S’agissant de la circulaire sur le provisionnement, le projet sera prêt ce mois de juin. «Je ne sais pas si le calendrier permettra de le passer en commission de régulation durant ce mois. Dans tous les cas, la circulaire sera applicable dès janvier 2017 pour les comptes de l’exercice 2016», dixit Hassan Boubrik.
Les nouvelles règles de provisionnement seront plus serrées et concerneront aussi bien les créances sur les assurés que celles sur les intermédiaires. Pour ces dernières, un traitement particulier sera réservé aux créances nées avant le 1er avril 2016 (date d’entrée en vigueur de la circulaire sur le recouvrement).
«Nous allons demander aux compagnies de faire les rapprochements nécessaires des soldes de ces créances avec tous les intermédiaires avant la fin de l’année, avec un bilan d’étape au 30 septembre 2016. Dès lors, nous allons donner des facilités pour l’apurement de ces soldes : lorsqu’un accord d’échelonnement intervient entre un intermédiaire et une compagnie, celle-ci n’aura pas à provisionner la créance (tant que cet accord est respecté)».

Takaful : le processus législatif bouclé en septembre ?

La loi Takaful (assurance participative) a franchi un pas important puisqu’elle vient d’être votée en Commission des Finances. «Elle sera présentée en plénière incessamment, peut-être dans une ou deux semaines pour être votée, avant de passer à la deuxième Chambre», nous apprend Boubrik, qui espère que le processus législatif soit finalisé d’ici le mois de septembre, ou même avant.
Il a tenu à préciser également, que contrairement à une idée assez répandue chez les professionnels, le projet de loi n’exclut en rien la non-Vie. «A aucun moment le texte ne parle de Vie ou de non-Vie, la loi reste ouverte», rappelle-t-il. En matière de produits Takaful, l’ACAPS plaide pour une approche progressive. Il faut d’abord proposer les produits Vie qui accompagneront le démarrage des banques participatives qui, une fois leur agrément en poche, pourront distribuer des crédits. Pour autant, l’ACAPS n’exclut rien. «Si demain nous recevons une demande d’agrément sur la non-Vie, nous étudierons cette demande avec les critères d’évaluation habituels : quel apport pour le marché, quel impact, etc.» ?
Par contre, là où la loi sur Takaful a été stricte, c’est en obligeant les futurs opérateurs de ce secteur à se constituer en filiale, excluant de facto le modèle de la «fenêtre» au sein d’une compagnie. «Après discussion avec les opérateurs, il nous a semblé qu’il était important de ne pas introduire de doutes ou de confusion dans l’esprit du consommateur. C’est la raison principale qui a présidé à ce choix», explique Boubrik. Mais, poursuit-il, «nous n’excluons pas qu’un certain nombre de fonctions supports soient mutualisées pour rendre les projets profitables».

Réalisé par S. Es-siari, A. Elkadiri, W. El Mouden et A. Hlimi

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