C’est l’une des grandes nouveautés de la nouvelle loi bancaire : l’externalisation de la gestion du Fonds collectif de garantie des dépôts bancaires. Selon la Banque centrale, la société est déjà créée et serait en phase de recrutement. Ses prérogatives ont été élargies pour gérer à la fois le fonds dédié aux banques conventionnelles et celui dédié aux banques participatives. A la Banque centrale, on déplore néanmoins la taxation des bénéfices réalisés par la société dans ses opérations de placement.
La protection de la clientèle a longtemps été considérée comme le parent pauvre de la réglementation bancaire. Une situation regrettable à laquelle la nouvelle loi bancaire, entrée en vigueur il y a quelques mois, tente de remédier. En effet, la loi 103-12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, a consacré tout un chapitre à la protection de la clientèle, conformément à l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Aujourd’hui, à la Banque centrale, l’heure est à la mise en oeuvre du dispositif de renforcement de la protection de la clientèle bancaire.
Le DG déjà nommé
Outre la médiation bancaire, qui est déjà active (voir entretien page 16), certains de ces chantiers sont bien avancés, à l’image de celui de la gestion du Fonds collectif de garantie des dépôts, qui indemnise les clients en cas d’indisponibilité de leurs dépôts. La nouveauté est que la gestion de ce fonds sera désormais externalisée et confiée à une entité ad hoc, appelée société gestionnaire des fonds collectifs de garantie, conformément au benchmark international. «On constate à travers le monde une différenciation entre les fonctions de supervision et celles de résolution, notamment depuis la crise financière internationale de 2008. Nous avons donc choisi la même configuration que le législateur européen en la matière», explique Lhassane Benhalima, directeur de la Supervision bancaire (DSB), lors de la présentation, devant la presse, du rapport annuel sur la supervision bancaire au titre de l’exercice 2014.
Selon le directeur de la DSB, ce processus d’externalisation est d’ores et déjà terminé. La société a été créée juridiquement, il y a peu, avec l’ensemble des banques. Son Directeur général a été choisi, et la phase de recrutement a, elle aussi, commencé. A fin octobre 2014, le fonds était doté de 18 milliards de dirhams.
Placements sous contrôle, mais … taxés
Les liens avec le régulateur ne sont pas pour autant rompus, puisque le capital de cette société est détenu conjointement par la Banque centrale et les banques, qui alimentent ce fonds par des cotisations fixées par circulaire. Elle signera une convention de collaboration avec Bank Al-Maghrib, et sera présidée par le Wali, ce qui est de nature à renforcer ses synergies avec le régulateur.
La société nouvellement créée, qui a le statut de société anonyme, doit répondre à un cahier des charges arrêté par la Banque centrale. Cela concerne notamment la question des placements. «L’élaboration du cahier des charges est en cours. En termes de placement, la société gestionnaire doit présenter sa stratégie devant le Conseil d’administration. Il y a déjà une circulaire de BAM qui réglemente les placements du Fonds de garantie, mais puisqu’il s’agit d’argent destiné à rembourser les déposants, il ne faut donc pas prendre de risque», signale Benhalima. Aujourd’hui, la règle impose un minimum de 80% de souscription en Bons du Trésor et les 20% restant en OPCVM. «Dans la pratique, 100% des ressources sont placées en Bons du Trésor», indique le directeur de la Supervision bancaire. Les gains sont, bien entendu, remisés dans le fonds. Il ne s’agit pas de réaliser des bénéfices mais plutôt de faire fructifier un matelas de sécurité pour faire face à des situations de crise. Seule ombre au tableau que déplore Benhalima : le Fisc taxe ces bénéfices. Une situation jugée anormale : «un fonds de garantie sert justement à rembourser les déposants sans faire appel aux contribuables, ce qui soulage le Budget de l’Etat. Et ce même Budget vient faire une ponction sur ces bénéfices». La question sera sans doute abordée lors de la prochaine Loi de Finances 2016.
Prérogatives élargies
Benhalima souligne que la société gestionnaire n’aura pas pour seule mission de protéger les déposants (à hauteur d’un plafond de 80.000 dirhams). Ses compétences ont été élargies dans la mesure où elle pourra désormais octroyer des concours financiers à un établissement de crédit en difficulté. Il peut même participer à la résolution des crises au sein des établissements bancaires en difficulté. La société gestionnaire peut être ainsi administrateur provisoire d’un établissement en difficulté. «On a vu au niveau international des banques être rachetées par la société gestionnaire des fonds de garantie puis revendues, après avoir été assainies», indique Benhalima. Il s’agit donc d’un nouvel acteur important sur la scène financière marocaine, avec des prérogatives proches d’une puissance publique.
Benhalima rappelle enfin que la société gestionnaire nouvellement créée chapeautera deux fonds : l’un dédié aux activités des banques conventionnelles et l’autre aux futures banques participatives. «Pour les banques participatives, la société gestionnaire aura la même philosophie, à savoir protéger les déposants et les rembourser en cas de faillites».
Sanctions : BAM a sévi trois fois
Des sanctions disciplinaires ont été prononcées à l’encontre de certains établissements, suite à des manquements à la réglementation. Elles ont concerné deux banques et une société de financement. Hiba Zahoui, directrice adjointe à la DSB, a livré quelques détails sur la nature des sanctions, sans toutefois trop s’étaler. «La première sanction concerne une banque qui n’a pas été suffisamment réactive ou assez rapide dans la mise en oeuvre d’une instruction de la Banque centrale. Quant à la deuxième, elle a concerné une pratique qui a induit un risque opérationnel au sein d’une banque, ce qui dénote d’une lacune dans le système de contrôle interne. Enfin, une société de financement de petite taille qui avait une insuffisance par rapport au capital minimum requis, a également été sanctionné». Les trois sanctions sont d’ordre disciplinaire, tel que prévu par la loi bancaire (injonctions, avertissements, mises en demeures, etc.), et non pécuniaires. En 2013, le secteur a connu 4 sanctions administratives et 3 sanctions pécuniaires.
Amine Elkadiri