A vouloir maintenir à tout prix les équilibres budgétaires, l’Etat risque de faire de la fiscalité un élément d’instabilité du tissu économique. Or, une tendance à la baisse du taux facial d’imposition est observée dans les pays avancés. Une réforme, tendant vers la réduction des taux d’imposition, l’élargissement et la protection de l’assiette et la simplification des modalités de recouvrement, devient urgente.
Boulet pour les entreprises, le poids excessif des charges revient régulièrement comme la cause majeure de leurs médiocres performances en matière d’emploi, d’exportations et d’investissement.
La fiscalité des entreprises est dans ce sens en tête de liste des charges lourdes qui plombent la compétitivité des entreprises marocaines. Et bien que d’aucuns s’accordent à dire qu’il faut impérativement la réformer, il ne faut surtout pas espérer de grands changements à la lumière de la LF 2016. L’urgence de la réforme se fait d’autant plus pressante que tous les pays, de par le monde, s’efforcent à la rendre plus compétitive face à une concurrence induite par la mondialisation et l’ouverture des marchés. Pour les conjoncturistes, «la concurrence dans ce domaine est donc forte. Le défi est de faire face à cette concurrence tout en garantissant à l’économie des recettes suffisantes et pérennes. Les dispositions de la Loi de Finances 2016 sont timides à cet égard. Seul un barème progressif a été proposé en matière de fiscalité des entreprises».
Le Maroc ne semble pas saisir que l’imposition des entreprises fait l’objet d’une concurrence sévère au niveau international. D’autant que le Royaume a fait le choix d’une plus grande ouverture sur les marchés extérieurs. Pour y faire face, il n’existe pas trente-six solutions: des réformes importantes doivent être opérées pour alléger la fiscalité des entreprises, jugée unanimement contraignante par les opérateurs, tout en garantissant à l’Etat des recettes permettant de maintenir les équilibres budgétaires.
Le Centre marocain de conjoncture rassure quant à une éventuelle baisse des recettes, que cette préoccupation n’est pas spécifique au cas marocain : «La fiscalité des entreprises est au centre des débats au niveau mondial. Une tendance à la baisse du taux facial d’imposition est observée dans les pays avancés. Cette diminution est le plus souvent accompagnée par un élargissement de l’assiette. Ainsi, des mesures anti-abus ont été prises, des exonérations ont été supprimées et des déductions ont été réduites. Ces initiatives ont préservé les rendements fiscaux et permis à ces économies d’avoir une fiscalité des entreprises plus attractive. Ce mouvement de réforme ne doit pas laisser les responsables au Maroc indifférents». Une réforme qui tendra à rendre le système fiscal national plus stable, et lui permettra de contribuer plus efficacement au développement de l’activité économique et sociale du pays.
Le coût de la non-réforme
La fiscalité des entreprises, telle qu’elle est conçue actuellement, est devenue très pénalisante pour le tissu économique marocain, en témoignent la création d’emploi en baisse, le déficit de la balance commerciale, une croissance du secteur industriel relativement faible… «Tous ces maux semblent avoir pour origine une fiscalité des entreprises lourde et complexe. Ces deux caractéristiques sont préjudiciables à la compétitivité des unités productives marocaines. Le taux apparent de l’impôt sur les sociétés, mesuré par le rapport des recettes afférentes à cet impôt et le produit intérieur brut, est de l’ordre de 50%. Cette valeur est nettement inférieure à celle du taux nominal, qui s’élève à 30%. Cette différence s’explique par les politiques incitatives menées par le gouvernement depuis de nombreuses années. Celles-ci ont donné lieu à de nombreuses déductions, crédits d’impôts et dispositifs dérogatoires selon l’activité, la territorialité, les produits et les opérations réalisées», note le CMC. Pour y remédier, des mesures équilibrées, qui devraient fournir de nouvelles possibilités de croissance économique et de création d’emplois, sont nécessaires. Pour les conjoncturistes, les plus importantes devraient viser la réduction des taux d’imposition, l’élargissement et la protection de l’assiette et la simplification des modalités de recouvrement.
En attendant une réelle réforme, du moins une rupture par rapport à ce que propose les Lois de Finances, la LF 2016 établit l’institution d’un barème de taux proportionnels pour l’impôt sur les sociétés et l’abrogation des dispositions en matière d’impôt sur le revenu. L’objectif étant de rendre plus équitable l’impôt sur les sociétés, tout en accompagnant cette mesure par d’autres initiatives, visant à améliorer le climat des affaires. Notamment, la fiscalité régissant certains produits financiers alternatifs, la réduction des délais de paiement relatifs aux marchés publics, l’accélération des remboursements de la TVA, la liquidation du «butoir» y afférent et le règlement des arriérés cumulés des administrations et établissements publics.
«Depuis de nombreuses années, le Maroc s’efforce d’améliorer ses perspectives de croissance économique et de création d’emplois dans un contexte mondial en mutation. Aussi, il est impérieux de rendre le régime fiscal plus équitable tout en tenant compte des contraintes budgétaires auxquelles les pouvoirs publics sont confrontés», préconise le CMC.
Sans quoi, les efforts du Royaume tendant à améliorer ses perspectives de croissance économique et de création d’emplois dans un contexte mondial en mutation, n’atteindront en aucun cas l’effet escompté.
Imane Bouhrara