Les taux des bons du Trésor démarrent 2022 avec une hausse.
Déficit public, inflation…, ces risques qui peuvent faire chavirer les taux cette année.
Par A. Hlimi
L’année sera compliquée sur le marché domestique des bons du Trésor. Le «la» a été donné dès la première séance d’adjudication de l’année, qui a été plutôt mouvementée. Les opérateurs s’attendaient à ce que le Trésor lève 5 Mds de dirhams ce jour-là, un chiffre déjà élevé par rapport à la moyenne récente. Et à leur surprise, le Trésor a finalement levé 8 Mds de dirhams, provoquant un sursaut des taux obligataires.
En 2021, la tendance des levées brutes du Trésor est restée baissière comparativement à la même période de l’année précédente. Une situation que nous avons souvent commentée dans nos colonnes, car le Trésor a su faire preuve de stratégie et de finesse pour maintenir ses besoins à un niveau faible et contrer le repli de la demande des investisseurs sur le marché des adjudications. Et il a eu gain de cause, puisque les exigences de rentabilité des investisseurs se sont orientées à la baisse, permettant au final à l’Etat d’emprunter à des taux extrêmement bas. Pour gagner son bras de fer avec les investisseurs, le Trésor a profité d’une hausse des entrées fiscales et de la concrétisation des financements innovants.
On parle de 12 Mds de dirhams en fin d’année. Mais l’année budgétaire 2022 s’annonce serrée. Nous sommes tout juste à mi-janvier et la toute première levée de l’année, évoquée plus haut, a provoqué un sursaut des taux obligataires avec un 5 ans et un 15 ans qui ont pris chacun 6,9 points de base.
Une sortie à l’international est nécessaire à court terme
Certains opérateurs de la gestion d'actifs s'attendent à une année plus compliquée sur le marché des taux, avec notamment un déficit budgétaire annoncé à plus de 80 Mds de dirhams, que les investisseurs essayeront de mettre à profit pour tirer les taux vers le haut et avoir une meilleure rémunération de l’épargne. Dans ce contexte, le Trésor devra combiner, comme chaque année, entre des financements internes et d'autres externes, notamment sur les marchés internationaux.
Mais la remontée rapide des taux sur les marchés en Dollar doit pousser le ministère des Finances à faire preuve d'anticipation pour profiter d'une bonne fenêtre de tir sur les marchés internationaux avant qu'il ne soit trop tard. Les investisseurs s’attendent à ce qu’une sortie à l’international soit réalisée plus tôt dans l’année, avant un éventuel resserrement de la politique monétaire américaine. Sur le marché intérieur, là aussi, le risque peut venir d'un ajustement de la politique monétaire par Bank Al-Maghrib au cas où l'inflation importée persisterait. Un resserrement de la politique monétaire risque en effet de renchérir le coût de la dette intérieure. Plusieurs sociétés de gestion d’actifs évoquent d’ailleurs l’inflation comme principal risque pour les taux obligataires au Maroc en 2022, aux côtés de l’absence de tirages à l’international.
Un autre risque peut venir d’un ralentissement de la reprise après le variant Omicron qui a pesé sur le dernier trimestre 2021 et qui pourrait se traduire par une baisse des recettes fiscales, et donc aggraver les besoins du Trésor. Ce dernier pourra toujours actionner les leviers des financements innovants et des privatisations pour contrer ces effets. D’ailleurs, fin 2021, l'Etat a pu se passer du marché obligataire en s'appuyant sur les financements innovants suite à la titrisation de 12 milliards de dirhams d'actifs en fin d'année.