Sans emphase mais avec clarté, il y a défendu une vision exigeante de la politique monétaire : une action guidée par la recherche scientifique et l’ouverture intellectuelle. Dès les premières minutes de son intervention, le gouverneur américain pose le cadre : « Les grandes décisions monétaires s’appuient sur un faisceau d’éléments : données statistiques, enquêtes de terrain, échanges avec les acteurs économiques… mais aussi et surtout sur les apports de la recherche ». Un point souvent sous-estimé, selon lui, alors même que « presque toutes les banques centrales disposent de départements dédiés à la recherche économique, précisément pour éclairer les choix de politique monétaire ».

Aux États-Unis, rappelle-t-il, la structure décentralisée de la Réserve fédérale – avec ses 12 banques régionales et le Conseil des gouverneurs à Washington – permet de croiser les regards. Les économistes y sont à la fois analystes de terrain, conseillers stratégiques et chercheurs engagés dans des travaux de fond.

Une complémentarité entre recherche académique et recherche appliquée

Waller distingue deux grandes formes de recherche : la recherche académique, théorique, souvent publiée dans des revues spécialisées, et la recherche dirigée, focalisée sur les questions urgentes du moment. « La première anticipe, éclaire les angles morts, nourrit le débat intellectuel ; la seconde répond aux besoins immédiats des décideurs », résume-t-il. Et d’ajouter : « Les deux se complètent. Une recherche dirigée efficace ne peut exister sans une base théorique solide. »

Pour illustrer cette synergie, il prend l’exemple d’une annonce surprise de droits de douane : « La réaction rapide des économistes repose toujours sur un socle de travaux antérieurs. Il est illusoire de construire des modèles solides en quelques heures sans fondations robustes. »

La Fed, une institution façonnée par la recherche

Revenant sur l’histoire de la Fed, Waller met en lumière les tournants majeurs où la recherche a permis de faire évoluer la doctrine monétaire. Il cite notamment le passage du keynésianisme aux modèles d’anticipations rationnelles dans les années 1980, l’intégration progressive des attentes d’inflation, ou encore l’approche adoptée par Ben Bernanke, spécialiste de la Grande Dépression, face à la crise financière de 2008.

Il évoque aussi des cas emblématiques comme celui de la Fed de St. Louis, berceau du monétarisme, ou du Minneapolis Fed, qui a su bâtir des ponts solides avec le monde académique pour produire des cadres d’analyse innovants. « L’idée n’est pas de transformer les banques centrales en universités, mais de faire en sorte que leurs décisions reposent sur une compréhension fine et rigoureuse des mécanismes économiques », insiste-t-il.

Des profils d’économistes au cœur des décisions

Sans prôner une technocratisation à outrance, Waller note que la composition du FOMC (Federal Open Market Committee) a évolué. Les profils académiques y sont désormais plus nombreux, aux côtés d’experts issus de la finance ou du droit. « Cette diversité renforce la robustesse des décisions. La présence d’économistes chevronnés, formés à la recherche, permet de mieux tester les hypothèses, de mieux cerner les risques. »

Un message fort aux chercheurs marocains

En guise de conclusion, le gouverneur adresse un message clair aux jeunes chercheurs marocains : leur travail ne doit pas être vu comme un exercice abstrait ou un luxe intellectuel. Il peut, au contraire, peser sur les politiques économiques. « La recherche doit être au cœur de la politique monétaire. Elle la rend plus transparente, plus responsable, et plus résiliente face aux incertitudes du monde. ».