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FCP halal : Une ingénierie financière encore embryonnaire

FCP halal : Une ingénierie financière encore embryonnaire

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Les fonds de placement Charia «compliant» se font encore rares au Maroc, mais gagneraient à se multiplier pour accompagner le déploiement des banques participatives et de l’assurance Takaful afin d’optimiser leur placement. Les FCP «halal», qui obéissent à des critères d’investissement stricts, obtiennent de bonnes performances en termes de rendement.

Alors que le Maroc se prépare à accueillir dans les prochains mois ses toutes premières banques partici­patives, l’opportunité de voir se développer des fonds de placement islamiques (appelés aussi fonds de placement par­ticipatifs, éthiques ou Charia compatibles), est une réflexion de plus en plus présente chez les experts marocains.

En effet, l’éclosion d’un éco­système de finances isla­miques va de pair avec le développement des banques et des assurances participatives. C’est ce que nous explique un assureur qui suit de près l’im­plémentation de l’assurance participative Takaful : «Ces fonds de placement Charia «compliant» doivent se mul­tiplier pour permettre notam­ment aux futures assurances participatives de réaliser leur placement dans des valeurs mobilières conformément à la Charia», souligne-t-il.

Depuis quelques années, et en particulier depuis les années 90, les fonds de placement islamiques prospèrent, prin­cipalement dans les pays du Golfe et en Malaisie, où plusieurs centaines de fonds existent déjà. Même en Europe, les fonds islamiques essaiment, en particulier au Royaume-Uni et en France.

Mais, au Maroc, ce domaine demeure encore peu exploré et reste confidentiel. Les fonds islamiques se font rares, et seule une poignée d’entre eux est aujourd’hui disponible sur le marché. Le premier parmi eux est le FCP Cap Al Moucharaka, un fonds com­mun de placement géré par Wafa Gestion, filiale d’Attija­riwafa bank. Fondé en 1996, il se présente comme un fonds éthique dont la philosophie de placement respecte les pré­ceptes de l’islam. Son por­tefeuille est ainsi investi uni­quement dans les actions de sociétés ayant des activités industrielles ou commerciales. Sont exclus de facto les sec­teurs bancaire et financier, les compagnies d’assurances ainsi que les instruments de taux générateurs d’intérêts.

Se présentant comme une solution de placement alter­native, Attijari Al Moucharaka a pour objectif de surperfor­mer sur cinq ans les actions cotées, et de réaliser une meil­leure rentabilité que le MASI. Et niveau, performance, ce fonds n’a pas à rougir par rapport aux autres.

«Cap Al Moucharaka a réalisé de très bonnes performances», affirme Abderrahmane Lahlou, directeur fondateur du cabinet de conseil ABWAB Consultants, qui a conseillé des banques pour l’implantation de produits et de FCP islamiques. En effet, cet OPCVM actions réalise au 7 janvier 2016 une performance de 13,82% sur 3 années glis­santes. C’est encourageant et l’on peut se demander à juste titre pourquoi d’autres FCP n’ont pas été créés.

«Il faudrait que cela se déve­loppe davantage», poursuit notre expert, en marge d’une conférence sur la finance participative, organisée par le cabinet i-performances. «S’il y a plusieurs fonds, il y aura plus de performances. En Malaisie, les fonds sont très dévelop­pés et règlementés. Il faudrait que cela se développe plus au Maroc, mais il y a le problème de la liquidité qu’il faut régler avant», précise-t-il..

Quelles sont les valeurs mobilières «Charia» compatibles ?

Les FCP «halal» répondent à des critères de sélectivité très stricts. Toutes les valeurs mobilières à revenus fixes sont exclues car elles représentent une créance sur la société émettrice produisant intérêt. Or, la finance islamique interdit que le produit d’une opération revienne au prêteur sans que celui-ci n’encourt de risque. Ainsi, les obligations, les bons du Trésor ou les billets de trésorerie sont d’emblée exclus du périmètre d’intervention du FCP islamique.

Les valeurs mobilières compatibles avec la Charia sont donc réduites aux actions et aux parts de certains FCP. Mais toutes les actions ne sont pas pour autant éligibles. Les conditions suivantes doivent être respectées : la société ne doit pas commercialiser de boissons alcoolisées, de jeux sportifs, d’armements, etc., ni déte­nir dans ses actifs des titres de participation ni des titres de place­ment de sociétés illicites. Certains secteurs ne sont pas interdits par la Charia, mais nécessitent une attention particulière. C’est le cas de la publicité, de l’hôtellerie, du tourisme, etc. Par ailleurs, les actifs de la société doivent être constitués à dominante d’actifs matériels, et non à dominante de créances. Notons que la stabilité des dividendes, adoptée pour encourager les porteurs de parts, n'entraîne pas automatiquement l'illicéité du revenu.

Ce premier filtre est complété par un second, qui vise à exclure les sociétés fortement endettées, ainsi que toutes celles ayant une part significative de leurs revenus issus de produits finan­ciers prohibés (revenus issus des produits dérivés, d’instruments de taux, etc.). Dans la pratique, les revenus issus de domaines d’activités illicites, en particulier des intérêts perçus, ne doivent pas dépasser 10% des revenus globaux.

En tenant en compte ces critères de licéité, «nous arrivons à une vingtaine d’actions éligibles à la Bourse de Casablanca pour les fonds de placement islamiques», souligne A. Lahlou.

Au niveau de la rémunération de ces fonds par action, les profits sont réalisés en grande partie en achetant les actions et en les revendant à leur plus haut. Les dividendes distribués par les entreprises peuvent aussi constituer une source de profits. Les bénéfices (ou les pertes) réalisés sont partagés entre les diffé­rents investisseurs participant dans le fonds.

Amine El Kadiri

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