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Emprunt international : Les contours d’une opération d’envergure

Emprunt international : Les contours d’une opération d’envergure

 

Toutes les conditions sont réunies pour que le Maroc réussisse sa sortie. 

Le montage de l'emprunt génère un ensemble de coûts et nécessite beaucoup d’efforts. 

 

Par Youssef Seddik

 

Le risque de ralentissement de l’économie mondiale actuel conduit les Banques centrales à conserver des politiques monétaires accommandantes. Les économies émergentes et pré-émergentes profitent de la configuration pour lever de la dette bon marché. L’Egypte, qui a levé 2 milliards de dollars, le Maroc et la Côte d’Ivoire qui s’apprêtent à émettre des emprunts souverains de 1,5 milliard (maximum) et 300 millions d’euros, respectivement, en sont des exemples. 

Le Royaume est dans les toutes dernières étapes. Le département de Mohamed Benchaâboun a mandaté Barclays, BNP Paribas, J.P. Morgan et Natixis pour organiser des roadshows en Europe depuis le 14 novembre courant. Selon les premières indiscrétions, le Maroc a choisi de libeller sa dette en Euro. Il devrait ainsi profiter de la politique ultra-accommandante de la BCE, et notamment d’un prix d’euro plus stable à «la sortie d’usine»

 

Combien ça devrait coûter au Maroc ? 

Au-delà de ces facteurs macroéconomiques, une émission en Eurobond implique généralement des frais appelés «coûts de transactions». Les trois principales composantes sont les honoraires des chefs de file, les coûts de notation et les frais juridiques. Ces coûts sont payés avant l’émission. 

Les premières à être payées sont la ou les banques chefs de file. Les frais y afférents sont en effet standardisés par échéance : 0,05% du montant de l’émission pour une maturité de 5 ans, de 0,10 à 0,15% pour les 7 à 10 ans, et de 0,175 à 0,225% pour les 15 à 30 ans, selon un document de la Banque mondiale consulté. 

En principe, les émetteurs souverains réguliers devraient payer moins, car les efforts d’exécution et les risques sont plus faibles, contrairement aux émetteurs irréguliers ou ceux présentant un risque de crédit plus élevé. Chose qu’a d’ailleurs confirmée le ministre des Finances lors de la présentation du PLF 2020. Le Maroc se doit donc d’être plus régulier pour éviter ces à-coups. 

Obtenir une note pour son emprunt nécessite aussi des frais qui peuvent aller jusqu’à 750.000 dollars. À noter que l’agence de notation américaine Fitch Ratings a attribué la note attendue «BBB-» au prochain emprunt international du Maroc libellé en euros. 

Les frais juridiques, eux, dépendent du format de cautionnement choisi. Le format le moins cher est un Eurobond «Reg-S». Un Eurobond régi par la règle «144A» requiert un avis juridique dont les frais peuvent dépasser les 500.000 dollars. 

Le ministère des Finances a choisi d’associer la règle «144 A» et la «Reg-S» pour que le papier puisse être placé à la fois aux USA auprès des investisseurs institutionnels par le biais de la règle 144A, et en dehors des Etats-Unis par le biais de la «Reg S». Le but étant de toucher une poche d'investisseurs élargie et gagner une plus grande profondeur du marché des Bonds. 

Selon une étude de la Banque mondiale, un emprunt souverain de 750 millions de dollars d’une maturité de 10 ans peut générer jusqu’à 2,35 millions de dollars de coûts pour l’emprunteur. 

 

Des conditions réunies 

Le dernier recours au marché international remonte à 2014. Le Maroc avait emprunté 1 milliard d’euros avec un coupon de 3,5%, pricé d’un taux midswap majoré d’un spread de 215 pbs. 

Aujourd’hui, le Maroc présente quelques bons points : d’abord, une dette extérieure qui représente 29,5% du PIB (niveau faible en comparaison avec d'autres pays émergents) et qui laisse de la marge pour une plus grande sollicitation des marchés financiers extérieurs. A noter que l’encours de la dette extérieure publique a baissé en 2018 de 6 Mds de DH, pour la première fois depuis 2004. 

Ensuite, un «Investment Grade» maintenu. Rappelons-le, ce statut avait permis au Maroc de réussir ses dernières sorties. S’ajoute à cela la reconduction de la LPL du FMI, qui couvre les risques d'impacts de la conjoncture internationale. Une assurance pour le Royaume et une garantie pour ses créanciers. 

Faire appel au marché des Eurobonds est un signal d’un pays fort mais, en même temps, implique un ensemble d’effort et de frais pour le Maroc, attendu d’ailleurs pour une deuxième sortie prévue en 2020. 

 


Encadré : Pourquoi le choix de l’Euro ?

Le marché US de la dette est plus établi et plus liquide que celui de l’Europe. Toutefois, depuis 2013, une tendance a été observée : une augmentation significative des emprunts des marchés émergents en Euro au détriment du Dollar. 

En effet, selon un professionnel du marché des taux, «la politique expansionniste continue de la BCE a incité les économies émergentes à augmenter leurs emprunts en Euro. Cela a été le cas de la Turquie, de la Russie, ou encore de la Pologne. C’est aussi le cas de plusieurs pays d’Amérique latine et d’Asie, qui empruntaient traditionnellement en Dollar». L’autre raison avancée par l’expert est la flexibilité qu’offre le marché EUR en termes de maturité. «Le marché obligataire US est concentré sur les indices de référence de 10 et 30 ans, alors que dans celui de l’Euro des émissions de 6, 8 ou 12 ans sont courantes et peuvent aider les émetteurs à lisser le remboursement de la dette». Enfin, ajoute-t-il, «les taux nominaux libellés en Euro ayant récemment été nettement inférieurs à ceux en Dollar, engendrent mécaniquement des coupons plus faibles à payer par les émetteurs». 

 

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