La Direction générale des impôts prépare sa mue pour devenir une administration ouverte sur son environnement, plus moderne et plus efficace. Un changement d’approche qui vise à rétablir la relation de confiance entre le contribuable et le fisc. Dématérialisation des process, contrôle basé sur le scoring, transparence, réécriture des texte de lois, etc. Omar Faraj, DG de la DGI, prêche la bonne parole auprès des professionnels et expose sa vision de l’administration qu’il dirige.
Au début de chaque année, la tournée du Directeur général des impôts auprès des professionnels, et en particulier auprès des principales Chambres de commerce étrangères, est devenue au fil du temps un rituel. Ces rencontres permettent d’expliciter certaines dispositions fiscales sujettes à interprétation, contenues dans la Loi de Finances qui vient d’être votée.
Cette année encore, la DGI n’aura pas dérogé à la règle en étant l’invitée de la Chambre française de commerce et d’industrie. Mais plutôt que de faire le catalogue des dispositions fiscales de la LF 2016, Omar Faraj, nommé il y a tout juste un an à la tête du fisc, en a profité pour livrer à l’assistance sa vision de l’administration fiscale marocaine de demain. Et à écouter son discours, c'est ni plus ni moins une petite révolution qui attend la DGI.
Conscient du déficit d’image dont pâtit l’administration fiscale, O. Faraj veut la remodeler pour la rendre plus moderne, plus efficace, dotée d’une qualité de services irréprochable. L’objectif étant d’aboutir à une nouvelle relation entre fisc et contribuable, davantage basée sur la confiance. L’affaire n’est pas mince, mais le DG a le mérite d’avoir une stratégie claire, fruit, selon lui, de la concertation, de l’observation et, surtout, de l’implication des quelque 5.000 agents qu’il dirige.
Rétablir la confiance
Mais la confiance ne se décrète pas. Elle requiert au moins deux préalables, selon le Directeur général des impôts : «le premier est que les règles du jeu soient claires, connues et respectées par toutes les parties». Quant au deuxième, «il consiste à veiller à un minimum de cohérence entre notre discours et notre action». Par ailleurs, l’action de la DGI, pour qu’elle soit cohérente, doit toujours reposer sur un axiome fondamental : privilégier les considérations liées au développement économique et social aux petits soucis de court terme. «La dynamique économique est, à mon sens, une condition essentielle de l’amélioration du rendement fiscal», souligne O. Faraj.
Voilà pour les grands principes. Dans la pratique, une série d’actions simplificatrices est déjà dans le pipe. Le premier chantier est celui de la clarification des textes du Code général des impôts (CGI). A ce propos, le Directeur général des impôts annonce que la DGI a convenu avec l’Ordre des experts-comptables de passer en revue l’ensemble des articles du CGI et les circulaires qui pourraient prêter à des interprétations divergentes. «Il s’agit de revoir ensemble la rédaction de tous ces textes pour nous assurer d’avoir la même lecture de part et d’autre», précise-t-il.
Révolution numérique
L’autre révolution qui attend le fisc est numérique. «On a beaucoup parlé de la politique e-gov. Il est nécessaire de passer à l’acte», fait remarquer le patron des impôts. La DGI s’est donnée pour mot d’ordre de faciliter au citoyen l’acte de déclarer et payer ses impôts, qui jusqu’à aujourd’hui, s’apparente au parcours du combattant. «Nous avons opté pour la dématérialisation de l’ensemble de nos transactions avec nos partenaires. Toutes les déclarations, tous les paiements et toutes les attestations seront effectués ou obtenus en ligne début 2017», annonce-t-il. Mieux, le contribuable peut obtenir en ligne tous les documents dont il a besoin. Il ne se rendra aux guichets de l’administration fiscale que pour des dossiers complexes ou pour des services personnalisés.
C’est dans cette optique qu’a été lancé un autre chantier, à savoir la mise en place du compte contribuable, qui permet à tout instant de connaître sa situation par rapport au fisc, qu’il s’agisse des droits à acquitter ou des restitutions à obtenir.
Une DGI plus ouverte ne signifie pas pour autant moins de contrôle. Bien au contraire. Si le fisc entreprend toutes ces actions de modernisation, c’est dans l’objectif de se consacrer à sa mission première, à savoir le contrôle fiscal. «Notre métier est de vérifier la sincérité et la conformité des déclarations, afin de préserver les intérêts de l’Etat et favoriser un environnement propice à la concurrence loyale entre acteurs économiques», juge utile de rappeler O. Faraj.
Il est conscient néanmoins que des questions peuvent légitimement se poser : sous quels critères une entreprise est contrôlée plutôt qu’une autre ? Sous quelle base une entreprise est visitée par les contrôleurs du fisc ?, etc.
Un contrôle basé sur le scoring
Pour lever toutes les équivoques, la DGI a revu son dispositif de contrôle dans toutes ses phases. Désormais, la programmation des vérifications est intégralement automatisée, selon un ensemble de critères d’analyse risque : il s'agit de scorer toutes les déclarations selon des considérations de cohérence ou en les confrontant à des données sectorielles. Dans le système fiscal, toutes les déclarations sont désormais cryptées, pour assurer un maximum d’objectivité et d’impartialité. Le programme de vérification concernera les déclarations qui présentent un risque élevé d’écart par rapport aux normes et ratios définis. Les concernés seront alors invités à apporter les justificatifs nécessaires. L’intérêt du scoring réside dans le fait que la marge d’appréciation individuelle est circonscrite, l’intervention humaine étant limitée.
«Nous tenons à ce que le contrôle fiscal, quand il est nécessaire, soit perçu non pas comme un traumatisme, mais comme une situation normale dans la vie d’une entreprise. Nous ne nourrissons aucune suspicion à l’égard des entreprises. Je pars du principe que la préoccupation majeure d’un chef d’entreprise, en se levant le matin, n’est pas de réfléchir à comment je vais frauder le fisc, mais comment je vais développer mes affaires et créer plus de valeur. La conformité fiscale lui garantit la sérénité dans le développement de ses affaires», précise le DG de la DGI. Et d’ajouter : «plus de contrôle ne signifie nullement moins de confiance, ou que la confiance exclut le contrôle. Notre ambition est d’amener un maximum de gens à une sorte d’autoconformité fiscale».
Une autre innovation mise en oeuvre au service du contribuable, est le dispositif de catégorisation des entreprises, à l’image de celui développé par l’administration douanière. Les entreprises qui le souhaitent peuvent être labélisées en fonction de leur degré de transparence, et bénéficier d’un service et d’un traitement particuliers dans leur relation avec l’administration des impôts.
Tous ces chantiers vont dans le sens d’une meilleure relation entre le fisc et le contribuable. Le discours de Omar Faraj, et la nouvelle philosophie qu’il compte insuffler à l’administration qu’il dirige, sont séduisants. Mais il en faudra plus pour opérer une véritable rupture avec les pratiques passées. Le DG des impôts en est conscient : «seul un changement radical de l’état d’esprit et des mentalités au niveau de notre mode opératoire au quotidien est à même d’imposer une véritable rupture». C’est là peut-être le plus gros challenge qui attend Omar Faraj.
La dématérialisation des paiements séduit déjà
Selon Omar Faraj, l’externalisation de la vignette symbolise au mieux cette volonté de faciliter la vie du citoyen dans l’acte de paiement de son impôt. Plusieurs enseignements ont été tirés de cette expérience réussie. «Nous avons multiplié à l’infini les canaux de paiement, pour faciliter la vie au citoyen. Cela a libéré les ressources de l’administration pour réaliser des tâches à plus grande valeur ajoutée, ce qui a amélioré nos capacités de contrôle quasiment en temps réel, et nous avons fait plus de recettes (15% de plus qu’en 2015)», résume-t-il. Le citoyen a eu droit à un service amélioré et le fisc a augmenté ses recettes. CQFD.
La généralisation de l’obligation de la télédéclaration et du télépaiement sera effective dès 2017. «D’ores et déjà, nous avons ouvert la possibilité à tous ceux qui veulent télédéclarer et télépayer volontairement de le faire», souligne O. Faraj. Preuve que le dispositif séduit, le nombre d’adhérents à ce service est passé de 3.600 à plus de 10.000 en un an. Les recours auprès des commissions ont également été simplifiés. Le délai de traitement des dossiers auprès des commissions locales a été réduit de 24 à 12 mois.
Amine Elkadiri