◆Jusqu'à 1.000 dossiers de reports de crédits par jour et des centaines de crédits Damane Oxygène placés auprès de la clientele : le Crédit du Maroc est mobilisé auprès de ses clients depuis le début de la crise.
◆ Le point sur le dispositif massif mis en place par la banque avec Karim Diouri, membre du Directoire en charge du Pôle développement.
Par A.H
Finances News Hebdo : Comment le Crédit du Maroc s’est-il mobilisé auprès de ses clients pendant cette crise inédite ?
Karim Diouri : Crédit du Maroc s’est mobilisé depuis le début de cette pandémie avec un double objectif : assurer la sécurité de ses collaborateurs et soutenir et accompagner ses clients impactés par la Covid-19 pour les aider à passer ce cap difficile en étant à leurs côtés.
Nous avons réagi très vite face à ce contexte difficile en mettant en place des mesures sanitaires et préventives et une organisation de travail adaptée (rotation des équipes, travail à distance…) pour rendre le meilleur service possible à nos clients.
Le déclenchement de notre plan de continuité d’activité nous a ainsi permis de maintenir toutes nos agences ouvertes dès le déclenchement de la crise.
Par ailleurs, nous nous sommes organisés pour mettre à la disposition de nos clients les solutions nécessaires pour leur permettre de traverser cette crise : solutions de banque à distance, alimentation suffisante des guichets bancaires, report d’échéances, découverts exceptionnels, nouvelles lignes de crédit, distribution des aides sociales…
Cela a nécessité une très forte mobilisation de nos équipes qui sont pleinement engagées et mesurent l’importance de leurs missions d’accompagnement de nos clients pendant cette crise.
C’est avec courage et abnégation qu’elles se rendent tous les jours au travail pour assurer la continuité d’activité, qu’elles contactent pro-activement nos clients pour leur proposer des solutions adaptées à leurs situations et qu’elles participent avec fierté à l’effort national. J’aimerais aujourd’hui leur rendre un vibrant hommage et les remercier pour leur engagement et leur mobilisation.
C’est ainsi que se concrétise notre raison d’être, qui prend tout son sens aujourd’hui : «Agir chaque jour dans l’intérêt des clients et de la société».
F.N.H. : Vous avez annoncé l’acceptation du report de près de 15. 000 dossiers de crédits dans le cadre des mesures de place pour soutenir les entreprises et les ménages durant la crise sanitaire. Parlez-nous du dispositif mis en place par Crédit du Maroc pour gérer ce flux de demandes (qui prend la décision du report, quels sont les délais de réponse, quel a été le taux de rejet, combien de dossiers en leasing...) ?
K. D. : Crédit du Maroc a rapidement donné la possibilité à ses clients dont les revenus ont été impactés par la crise de reporter leurs échéances de crédits amortissables et leasing.
Nous avons en effet accordé près de 14.500 demandes de reports de crédits habitat et à la consommation correspondant à un encours de près de 3,4 Mds DH et à un volume d’échéances reportées de 130 MDH.
S’agissant des entreprises, nous avons accordé près de 1.500 dossiers totalisant un encours de 3,1 Mds DH. Le total des échéances reportées à ce stade est de plus de 240 millions de dirhams.
Nous avons traité jusqu’à 1.000 reports par jour avec un taux d’acceptation de 99,4% pour les particuliers et près de 98% pour les PME et les grandes entreprises.
Nous accompagnons également nos clients dans le choix des options de report qui leur sont offertes, en mettant à leur disposition des simulations de l’impact du report sur leurs échéances de crédit et/ou leurs durées et en expliquant les tenants et aboutissants de chaque option.
Pour ce faire, nous avons mobilisé toutes les forces vives de la banque pour traiter les demandes de nos clients et avons également mis à contribution nos différents canaux pour faciliter la prise en charge des demandes, à savoir notre Centre de Relations Client (au 3232) et notre portail client (creditdumaroc.ma)
Face à l’incompréhension autour du sujet des reports, il est important de démocratiser la notion relative aux intérêts intercalaires qui sont, à l’image des pratiques des banques à l’international, supportés par le client compte tenu que la banque continue pendant la période du report à supporter le coût du refinancement, le coût de gestion ainsi que le coût du risque, en lien avec la possibilité de défaut d’une partie de ses clients.
Avec les récentes décisions du Comité de veille économique relatives à la prise en charge des intérêts intercalaires des reports des échéances au profit des clients particuliers impactés par la crise et qui disposent d’échéances de crédits habitat inférieures à 3.000 DH ou d’échéances de crédits à la consommation inférieures à 1.500 DH, le Crédit du Maroc s’organise pour en faire bénéficier ses clients éligibles dans les meilleures conditions.
F.N.H. : Concernant les crédits avec la garantie oxygène. Combien avez-vous accordé de dossiers et comment vous vous êtes adapté à l’évolution de la crise ?
K. D. : A ce jour, nous avons accordé plus de 220 dossiers Damane Oxygène et plus de 200 autres demandes sont en cours de finalisation par nos équipes. Le taux d’acceptation s’élève à 95%.
Au fil de cette crise inédite, tenant compte des orientations du Comité de veille économique et de concert avec les banques de la place et la Caisse centrale de garantie, le Crédit du Maroc s’est adapté pour améliorer le parcours des clients et soulager leur trésorerie.
Les critères d’éligibilité ont été assouplis d’abord pour les élargir et surtout pour fluidifier l’instruction des demandes, améliorer le délai de décision et faciliter l’utilisation de ce dispositif.
Ainsi, le seuil des dépenses pour lesquelles aucun justificatif n’est exigé est passé de 20.000 à 75.000 DH. Au-delà, seul un relevé des dépenses établi par le client est demandé avec un paiement entre les mains des bénéficiaires.
En plus de ce dispositif, nous continuons à accompagner nos clients entreprises en accordant de nouvelles lignes de crédit et/ou en adaptant la répartition des différentes catégories de lignes octroyées. A ce titre, nous avons accordé depuis le début de la crise près de 1,3 milliard de dirhams de nouvelles lignes de crédit.
F.N.H. : Quel profil d'entreprises demande ce découvert Damane Oxygène?
K. D. : Damane Oxygène est une offre destinée principalement aux TPME impactées par la crise, tous secteurs confondus, ayant déjà des crédits auprès de leur banque ou pas, et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 200 MDH. Peuvent également en bénéficier, les entreprises de taille intermédiaire dont le chiffre d’affaires est compris entre 200 et 500 MDH et dont l’activité est impactée par la crise.
Les entreprises ayant recours à ce découvert exceptionnel accusent une baisse importante de leur chiffre d’affaires. Cette baisse d’activité est généralement supérieure à 30%. Ce sont principalement les entreprises des secteurs impactés directement par la crise, notamment le tourisme, le textile, le transport, la logistique, l’automobile…
Au Crédit du Maroc, les Professionnels & TPE représentent plus de 47% des demandes accordées en nombre et 10% en volume. Pour leur part, les PME et les grandes entreprises représentent 53% des demandes en nombre et 90% en volume.
F.N.H. : Pensez-vous que les engagements du secteur bancaire sont suffisants pour accompagner la clientèle pendant la crise ? Faut-il à votre avis mettre en place d'autres mesures
K. D. : Les banques représentent une composante majeure de l’écosystème marocain. Leur rôle de moteur et de financeur de l’économie se trouve ainsi amplifié face à une conjoncture inédite, exceptionnelle et imprévisible telle que celle que nous vivons depuis le mois de mars.
Aujourd’hui, l’ensemble du secteur bancaire est fortement mobilisé derrière les autorités et le gouvernement, et plus globalement avec l’ensemble des partenaires publics et privés, pour permettre à l’ensemble des ménages marocains et des entreprises de traverser cette période compliquée dans les meilleures conditions.
Le secteur bancaire s’est en effet engagé sur de nombreux fronts depuis le début de la crise : participation au fonds spécial Covid-19, continuité de service, report d’échéances de crédit, accompagnement des entreprises notamment au travers des crédits garantis par la CCG, distribution des aides sociales…
La mobilisation du secteur bancaire se poursuit avec un enjeu très important; celui de permettre aux ménages et aux entreprises de traverser ce cap difficile dans les meilleures conditions.
De nouveaux produits adaptés à la relance des opérateurs sont en cours d’élaboration. Ils seront bientôt disponibles et permettront d’accompagner la reprise économique.
Le Crédit du Maroc et l’ensemble de ses équipes sont résolument engagés dans cet élan de solidarité nationale.
F.N.H. : Enfin, votre charge de risque a augmenté de 20% pendant le premier trimestre. Êtes-vous inquiets par rapport à l'évolution de cet indicateur en 2020 ?
K. D. : Nous ne sommes pas inquiets. Nous sommes lucides face à la situation que nous vivons.
Nous avons en effet entamé, dès le début de la crise, les travaux de valorisation et d’anticipation des impacts prévisionnels de la crise sanitaire pour les intégrer dans nos comptes à fin mars 2020. Nous ajusterons notre provisionnement en fonction de l’évolution de la crise et de ses retombées sur la situation économique et sociale du pays.
S’agissant de l’évolution de la crise, nous travaillons sur différents scénarios pour adapter en continu nos modèles de prévision et faire face à une dégradation de la qualité de nos actifs.
Nous nous appuyons à cet effet sur une remontée terrain efficace et sur l’expertise de notre maison-mère, le Groupe Crédit Agricole en France.
Notre politique de provisionnement et d’anticipation des risques a toujours été prudente, comme en témoigne notre taux de couverture consolidé qui atteint près de 93% à fin mars 2020.
Par ailleurs, nous disposons de fondamentaux financiers solides, avec un niveau de fonds propres faisant ressortir un ratio de solvabilité global consolidé de 14,97% pour un minimum réglementaire de 12%.