Les collectivités locales sont de plus en plus appelées à répondre aux besoins croissants des habitants. Dans le même temps, pour des raisons multiples, elles disposent de peu de ressources financières. Résoudre cette équation pour le moins complexe nécessite de repenser leur financement. Une tâche sur laquelle s’est penchée une brochette d’experts lors de ce rendez-vous annuel devenu incontournable.
Le neuvième Colloque international des finances publiques portant sur la gouvernance financière des villes au Maroc et en France, abrité récemment par la capitale administrative, a tenu toutes ses promesses, dans la mesure où les intervenants, aussi bien nationaux que français, n’ont pas usé de la langue de bois. Ce qui a permis à l’auditoire d’assister à des présentations qui ont eu le mérite de mettre le doigt sur les principales problématiques des finances locales au niveau des deux pays partenaires. Lofti Missoum, directeur du contrôle, de l’audit et de l’inspection à la Trésorerie générale du Royaume, et Mohammed Kamal Daoudi, président de la quatrième Chambre de la Cour des comptes, se sont accordés à dire qu’il était temps d’innover afin de doter les collectivités locales de plus de ressources financières. Ce qui est d’autant plus nécessaire au regard des multiples pressions (exode rural, démographie, besoins croissants des habitants), s’exerçant sur les villes marocaines, qui ne cessent de s’étendre. A en croire le président de la quatrième Chambre de la Cour des comptes, seuls 20% des ressources fiscales des collectivités locales, qui s’élèvent à 20 Mds de DH, proviennent de la fiscalité locale. C’est dire sa part marginale au niveau des ressources des entités locales au Maroc.
Diagnostic sans concession
Les différentes présentations ont révélé que l’absence de structures dédiées et spécialisées en fiscalité au niveau des collectivités locales est pénalisante pour la gestion fiscale. Cette carence génère un manque à gagner important pour les communes, qui sont confrontées à des difficultés relatives au recouvrement des créances, à l’identification et à l’actualisation de la matière imposable. Autre grief, le patrimoine des collectivités locales demeure très mal connu et peu valorisé. A cela s’ajoute l’absence d’actualisation de la valeur locative dans certaines zones. A en croire Zineb El Adaoui, Wali de la région Gharb-Bni Hsen Chrarda, gouverneur de Kénitra, le manque de financement des entités territoriales tient plus au fait de la défaillance au niveau de la mobilisation des ressources que de la disponibilité de celles-ci. «Dans ma région, bien au contraire, je gère l’abondance», clame-t-elle dans la foulée. Zineb El Adaoui estime par ailleurs que l’absence de vision stratégique et d'un travail en synergie constitue le principal frein à l’essor des entités territoriales. L’autre lacune pointée du doigt est la faible propension des collectivités locales à nouer des partenariats avec le privé. Ce qui les prive d’une manne financière importante. Or, certaines villes européennes utilisent le mécénat ou le sponsoring pour financer des projets de développement de grande envergure. S’il a été beaucoup question du Maroc lors de ce 9ème colloque, l’Hexagone n’a pas suscité moins d’intérêt. En effet, la gestion financière des villes françaises est soumise à rude épreuve par le millefeuille administratif. «Les collectivités locales doivent davantage prendre part à l’effort de redressement des comptes publics en France», assure Christian Martin, président de la formation inter-juridiction «Finances locales» à la Cour des comptes française. Or, le paradoxe est que les entités territoriales françaises ne cessent de voir augmenter leurs dépenses en personnel. Entre 2000 et 2012, celles-ci ont recruté plus de 200.000 agents. Outre ce diagnostic sur les finances locales, les intervenants sont attelés à faire des recommandations afin de doter les collectivités locales de plus de ressources indispensables pour le financement de projets de développement.
Sortir de l’impasse
Les experts qui se sont succédé à la tribune sont unanimes sur la nécessité de repenser la fiscalité locale afin d’améliorer la situation financière des collectivités locales. Il faut savoir que 70% des taxes recouvrées par les collectivités locales ont trait à l’assiette foncière (Voir entretien).
D’où l’urgence de diversifier l’assiette fiscale. Lofti Missoum attire l’attention sur l’opportunité d’ouvrir l’accès des collectivités locales aux marchés des capitaux, tout en les incitant à recourir au levier de l’emprunt afin de répondre aux besoins grandissants des habitants.
Au chapitre de la rationalisation des dépenses, des recommandations ont été faites dans le but d’inciter les communes à recourir au départ volontaire d’une certaine partie de leur personnel. Selon Mohammed Kamal Daoudi, il est grand temps que les collectivités locales utilisent les nouvelles technologies afin de décongestionner les villes et dans l’optique d’améliorer la mobilité urbaine. De plus, les TIC permettent d’utiliser l’énergie de façon rationnelle, avec à la clef des économies au niveau de la facture de l’éclairage public.
En définitive, la question de la gestion financière des villes revêt une importance cruciale, dans un contexte marqué par une compétition accrue entre les métropoles du monde entier, qui s’emploient à s’attirer les faveurs des investisseurs internationaux..
Momar Diao