◆ La distribution des aides financières a considérablement augmenté le cash en circulation dans le circuit économique en avril.
◆ Le retard du déploiement généralisé du paiement mobile y est aussi pour quelque chose.
Par Y. Seddik
« Cash is still king !». Voilà une réalité que vient confirmer Bank Al-Maghrib. Sa dernière livraison des données relatives aux statistiques monétaires du mois d’avril montre une explosion de la monnaie fiduciaire de 4,5% en un mois, soit l'équivalent de 11,8 Mds de dirhams de cash en plus en circulation pendant le premier mois du confinement. Depuis le début d’année, cette circulation d’argent liquide a augmenté de 11,3% à 28,25 Mds de DH.
Ce triste record pulvérise celui d’août 2019, mois durant lequel la Banque centrale avait alerté sur un pic de retraits à cause des vacances d’été et de l’Aid Al-Adha, avec plus de 7 Mds de DH de cash en circulation. Mais pour cette année, les causes sont différentes.
Quelles en sont les raisons ?
Si la décision de l’état d’urgence sanitaire a provoqué une ruée vers les retraits aux guichets automatiques bancaires (GAB), la distribution des aides financières aux travailleurs impactés par la pandémie a ajouté une tension supplémentaire sur les liquidités. «Les virements des indemnités forfaitaires pour les salariés impactés de la CNSS pendant le mois d’avril et le versement des aides financières au profit des ménages opérant dans le secteur informel ont accéléré le rythme de la circulation fiduciaire», nous éclaire une source bancaire. Rappelons que pour le mois d’avril, 950.000 salariés ont été déclarés selon le Comité de veille économique (CVE) et que 2 milliards de DH sont mobilisés mensuellement pour les affiliés à la CNSS impactés par la crise. «Plusieurs salariés affiliés à la CNSS reçoivent leurs aides par mise à disposition, ce qui a aussi augmenté la circulation du cash», explique notre interlocuteur.
Pour les aides destinées au secteur informel, l’Etat a alloué une enveloppe de 4,2 Mds de DH. Les versements, y compris dans les zones les plus enclavées, ont atteint plus de 85% de l’ensemble de la population éligible, soit 3,7 millions de ménages.
«Cette tension sur les liquidités du marché devrait se poursuivre durant les prochains mois. La circulation fiduciaire va enregistrer un encours record d’ici la fin d’année», ajoute notre source. Cette situation inédite aurait pu être évitée si la solution nationale du paiement mobile était pleinement opérationnelle. Celle-ci devait être l’alternative pertinente face à l’usage du cash qui engendre des coûts importants notamment pour le transport, le tri et la gestion. L'utilisation du paiement mobile comme canal de distribution des aides financières du CVE, aurait permis d’énormes économies de coût et de temps. Etant influencé par les effets saisonniers (période estivale et fêtes religieuses), le numéraire en cir- culation atteint un niveau record au mois d'avril 2020 culminant à 278 milliards de DH. Ce montant représente 30% de l’agrégat monétaire M1 et près de 25% du PIB. À titre comparatif, le ratio circulation fiduciaire/PIB est de 2% en Afrique du Sud, 4% en Turquie et 3% au Brésil contre plus de 25% pour le Maroc.
Cette accélération est bien sûr un fait exceptionnel, mais le cash a la peau dure malgré les bonnes intentions des autorités et des acteurs du paiement à en limiter l’usage.
On a vu comment, durant cette période de confinement, le CMI et les banques ont redoublé d’efforts pour encourager l’utilisation de la carte bancaire ou le Contactless.
Au final, les niveaux d’informel et de cash pénalisent l’inclusion financière des particuliers et des entreprises, du fait de l’incapacité des opérateurs financiers à apprécier le risque de ces segments et l’appréhension de ces populations par rapport aux circuits financiers formels. ◆