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CGI : L’OPR, un moindre mal ?

CGI : L’OPR, un moindre mal ?

altLes très attendues explications du ministre des Finances sur les raisons qui ont motivé le retrait de la CGI de la cote ont reçu un accueil mitigé de la part de la communauté financière. Les petits porteurs sont-ils vraiment protégés par cette décision ? Quel sera le prix proposé lors de l’OPR ? Quel impact sur la Bourse de Casablanca ? Éléments de réponse.

 

 

Difficile pour Mohamed Boussaïd, ministre de l’Economie et des Finances, de faire l’impasse sur le retrait de CGI de la Bourse des valeurs de Casablanca (BVC) lors de la conférence de presse de présentation du projet de Loi de Finances 2015. C’est peu dire que ces explications étaient attendues de pied ferme par la communauté financière, et surtout par les petits porteurs qui ont reçu la nouvelle de la radiation précipitée de la CGI de la cote comme un coup de massue. L’argentier du Royaume a avancé plusieurs explications à ce retrait. Tout d’abord, c’est lui en personne qui en a fait la demande et c’est le Conseil d’administration de la CGI qui, au final, a pris la décision. Il affirme que l’objectif principal de sa demande est «la protection des petits porteurs qui détiennent 5% du flottant» contre une détérioration de la valeur du titre CGI. Il ajoute qu’il y a désormais «un changement dans la stratégie de la CGI pour se focaliser davantage sur le service public plutôt que sur l’intérêt commercial»

 

Quel prix de sortie ?

Ces explications sont-elles convaincantes ? Farid Mezouar, fondateur de FL Markets, site d’information financière indépendant, répond par l’affirmative. Selon lui, «le ministre en sait plus que le grand public au sujet des surcoûts financiers à supporter par la CGI dans les différents projets audités. Aussi, un changement de cap vers plus d'intérêt général aboutit mécaniquement à une baisse des marges de la société». En fin de compte, «dans les deux cas, les petits porteurs auraient été perdants s'ils n'avaient pas une opportunité de sortir du titre», poursuit-il. En d’autres termes, l’OPR est un moindre mal.

Notre interlocuteur se mouille même et propose une estimation de l’OPR : «je pense que le cours de l'OPV de 2007 (925 dirhams ndlr) est probablement un plancher pour la CDG (24% de plus que le cours actuel), celle-ci pouvant faire un geste supplémentaire vu la faiblesse du flottant réel (5%)»

Dans ce contexte, et suivant l’évolution depuis 2007 du cours de l’action CGI, il semble que les perdants seront ceux qui ont acheté lorsque le cours était au plus haut dans les années d’euphorie, encouragés par les bonnes perspectives de la CGI et de son programme d'investissement. Ceux qui ont acheté plus récemment devraient s'en tirer avec une plus-value. On se retrouve donc face à une sorte de prime à la spéculation au détriment des investisseurs long terme. Pour F. Mezouar, il faut nuancer ce jugement étant donné «qu'il est difficile de démêler qui est investisseur de long terme et qui est spéculateur. Par ailleurs, les long-termistes qui croient en l'avenir de la CGI, peuvent très bien ne pas apporter leurs titres à l'OPR et continuer à engranger les dividendes potentiels ou chercher un meilleur prix de vente, une fois que la société n'est plus sous les projecteurs». Calcul risqué étant donné la nouvelle orientation stratégique de la CGI.

Impact sur la BVC

En termes d’impact sur la capitalisation boursière de la BVC, le retrait de la CGI représente 13 milliards de dirhams. Une mauvaise nouvelle pour le dynamisme de la place ? Pas forcément, à en croire F. Mezouar qui estime que «le cash tiré de la CGI sera certainement réinvesti dans d'autres valeurs immobilières ou des sociétés du BTP, dans une logique sectorielle». Pour la Bourse, «c'est une nouvelle épreuve dans sa maturation, avec une meilleure appréciation des risques par secteur et par nature d'actionnaires», poursuit-il. 

Quant au message négatif envoyé aux investisseurs étrangers, étant donné que la CGI figure dans l'indice MCSI Frontiers, il explique que «les investisseurs étrangers raisonnent en Mark to Market et vont donc y voir plus un gain qu'une mauvaise opération». Ceci dans la mesure où la plupart des investisseurs sont des fonds. Ils évaluent donc leur portefeuille sur la base du cours actuel en Bourse. L'OPR est pour eux synonyme d'une augmentation potentielle du cours de la CGI (20 à 30%), ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

 

Les petits porteurs piégés

Pour les petits porteurs en revanche, la pilule est difficile à avaler. Ils se sentent piégés d’avoir investir dans le long terme dans la pierre, avec des perspectives de croissance florissantes, qui plus est dans une société étatique. L’un d’entre eux que l’on a contacté, Karim Yousfi, par ailleurs expert financier et juriste, déplore la méthode choisie. Il estime que «ce n’est pas en jetant le bébé avec l’eau du bain que l’on va protéger les petits porteurs. Il fallait peut-être y aller plus discrètement et patienter, surtout que la CGI était en phase de rémission au niveau de ses résultats et de la livraison de plusieurs grands projets. L’analyse graphique de cette valeur donnait encore très récemment une cible à long terme de 1.400 DH». Ce qui aurait permis en effet aux petits porteurs de sortir avec moins de dégâts que dans les conditions actuelles. Mais les évènements judiciaires récents en ont évidemment décidé autrement. 

Toujours est-il que le seul fait que le ministre ait évoqué la protection des petits porteurs, qui sont montés au créneau pour défendre leur épargne, est en soi déjà un pas vers la reconnaissance de leurs doléances largement relayées par les médias. Maigre consolation. Est-ce pour autant la promesse d’une offre honorable ? «L’arbre qui commençait à fleurir a été coupé, nous voulons notre part des fruits qu’il aurait donné», martèle Yousfi, avant de conclure qu’«il faut que l’OPR prenne en compte tous ces paramètres»

 

Il n’exclut pas d’ailleurs de se porter partie civile et de se joindre à la plainte déposée contre les dirigeants de la CDG et de la CGI pour faire valoir son droit à un dédommagement. 

 

Amine El Kadiri

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