Pour peu que l’on s’intéresse aux banques, il est assez aisé de s’apercevoir que l’actualité de celles-ci est liée en partie au foisonnement des offres et services gratuits mis en place. A titre illustratif, après le Code 30 gratuit à vie, CIH Bank a lancé récemment le Code 18, réservé aux jeunes de moins de 18 ans. Cette offre, qui propose une carte de retrait gratuit, comprend, entre autres, l’absence de frais de gestion. BMCE Bank of Africa a aussi fait parler d’elle récemment avec l’annonce du forfait gratuit durant la première année pour les jeunes entrepreneurs. La Société Générale Maroc n’est pas en reste avec sa nouvelle plateforme de banque en ligne «Bankaty», qui propose plusieurs offres, dont un compte et une carte gratuits à vie pour les moins de 30 ans.
Que sous-tend cette tendance vers la gratuité ? Cette dernière reflète-t-elle une évolution naturelle des métiers de la banque ? Les questions sont certes multiples, mais cette nouvelle pratique intervient dans un contexte où les marges d’intérêt des banques s’effritent en raison de la baisse des taux.
Dans le même temps, l’on assiste à l’augmentation des commissions. Certaines opérations, pour ne citer que celles liées à l’international, sont porteuses de rémunérations accrues par l’effet du volume, sachant qu’il existe encore une marge de progression considérable sur les cartes de paiement à l’international. Cela dit, l’autre hypothèse susceptible d’être à l’origine de la progression des commissions des banques, est la revue à la hausse de la tarification de certaines opérations, pendant que certains services deviennent de plus en plus non payants.
Quand la gratuité devient une évidence
Si pour certains la gratuité constitue une stratégie d’appel pour les banques de taille moins importante, notre interlocuteur, dirigeant de banque qui a souhaité garder l’anonymat, analyse différemment cette nouvelle tendance qui a visiblement séduit même les «grandes banques». «La gratuité est une évolution qui s’impose aux métiers de la banque. Au cours des dernières années, ceux-ci ont connu une profonde transformation induite par les nouvelles technologies et la réglementation (contrôle des opérations, ouverture, etc.)», souligne-t-il.
Il est judicieux de rappeler, à ce titre, que la Banque centrale est dans une logique d’instauration de services universels qui supposent, à l’évidence, à l’instar de ce qui se fait dans les télécoms, la gratuité de bon nombre d’opérations. Parallèlement, les clients sont de plus en plus orientés vers les TIC; l’acte de payer, par exemple, devient de plus en plus facile. L’une des conséquences majeures de ces profondes mutations est le changement du businessmodel de la banque, avec la baisse du coût de certaines opérations. De l’autre côté, l’effet volume évoqué plus haut et l’augmentation du taux de bancarisation ont eu un impact sur la tarification. «Aujourd’hui, la gratuité est évidente et les sources du business qui évoluent sont ailleurs. L’existence des frais de tenue de compte, justifiée à une certaine époque, est presque devenue une véritable aberration», s’insurge le banquier.
Cela dit, force est de reconnaître que les banques seront de plus en plus contraintes à proposer des services gratuits, tout en misant sur ceux qui présentent une grande valeur ajoutée. De plus, l’autre enjeu de taille que sous-tend la gratuité est la capacité des établissements bancaires à anticiper et comprendre l’avenir, tout en mettant à profit les tendances lourdes évoquées plus haut, qui peuvent être des vecteurs de croissance.
Facteur de différenciation
Si certaines banques revendiquent une réelle gratuité de certains services, pour d’autres, l’on serait presque tenté de considérer qu’il s’agit beaucoup plus de stratégie de communication autour de cette tendance, et à laquelle d’ailleurs la clientèle n’est pas insensible. A l’heure actuelle, une double configuration se dessine dans le paysage bancaire. En effet, certaines banques ont fait le pari d’intégrer la gratuité dans leurs offres. D’autres ont misé sur le low cost en intégrant le paramètre précité dans des process à faible coût.
A la question de savoir si les services non payants constituent un facteur-clef de différenciation aux yeux des clients, la réponse du dirigeant de banque est sans ambages : «A l’évidence oui. Les clients ont une profonde aversion envers le paiement de ce qu’ils ne comprennent pas. A ce titre, le cas des frais de tenue de compte est un exemple éloquent», précise-t-il. Et de conclure : «D’un autre côté, la clientèle est prête à payer beaucoup plus que ce que l’on peut imaginer pour des services qui lui sont rendus en adéquation avec ses attentes en termes de qualité et de délai». ■
M. Diao