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Banques à capital français : le grand passage de témoin

Banques à capital français : le grand passage de témoin

Le paysage bancaire marocain est en pleine mutation. Après le rachat de Crédit du Maroc par Holmarcom, c’est la Société Générale Maroc qui est passée sous le giron de Saham Finances, laissant la BMCI (BNP Paribas) en ultime bastion français.

 

Par D. William

La reconfiguration du paysage bancaire est en marche avec notamment la cession de Crédit du Maroc et de la Société Générale Maroc à des opérateurs nationaux. Pourquoi le Crédit Agricole et la Société Générale se sont-elles séparées de leur filiale respective ? Officiellement, le discours est bien rodé : contraintes prudentielles, rationalisation des activités et reconfiguration stratégique... Officieusement, il y a aussi une autre réalité : les banques à capitaux français perdent du terrain face à des institutions marocaines en pleine ascension. Les chiffres publiés par Bank Al-Maghrib sont, à ce titre, très parlants.

En 2023, «en fonction du statut de l’actionnariat, les banques à capital privé majoritairement marocain ont vu leurs parts de marché en termes de total-actif, de dépôts et de crédits se renforcer à respectivement 67,2% (+0,7 point), 68,7% (+0,2 point) et 66,2% (+0,4 point). Leur part de marché en termes de guichet a baissé de 0,2 point à 57,8%», indique la Banque centrale. En ce qui concerne les banques à capital majoritairement public, elles ont renforcé leur part de marché en termes de réseau à 31,7% (+1,1 point) et de crédits à 20,1% (+0,4 point). Leur part de marché de total- actif et de dépôts ont reculé respectivement à 21,6% (-0,5 point) et 20,2% (-0,2 point). Pour leur part, les banques à capital privé majoritairement étranger ont vu leurs parts de marché en termes de guichet, se replier de 0,9 point à 10,5%, de total-actif et des crédits reculer respectivement à 11,2% (-0,2 point) et 13,7% (-0,8 point). En parallèle, leur part dans les dépôts s’est maintenue à 11,1%.

Dans un secteur aussi concurrentiel, ces variations ne sont pas de petits ajustements. Ce sont des signaux forts qui traduisent une tendance structurelle. En clair, ces banques peinent à suivre le rythme. Il faut savoir que le paysage bancaire marocain a profondément changé ces dernières années. Attijariwafa bank, Banque Populaire et Bank of Africa se sont imposées comme de véritables mastodontes, consolidant leurs positions à coups de rachats, d’innovations et d’expansion continentale. Face à ces géants aux racines profondément ancrées dans le tissu économique national, les banques françaises ont semblé conservatrices, parfois trop rigides dans leur approche. Il faut savoir qu’historiquement, elles avaient avant tout pour mission d’accompagner les investisseurs français. Mais avec la diversification du tissu économique marocain et l’ouverture de nouveaux marchés, leur rôle a évolué. Sauf que leur structure de gouvernance et leur dépendance vis-à-vis des stratégies édictées depuis Paris ont limité leur capacité à s’adapter aux réalités locales. Le lien ombilical avec leur maison-mère s’est ainsi avéré un boulet. En période de crise, ces banques doivent souvent suivre des directives dictées par leur maison-mère, parfois en décalage avec les réalités locales.

Les politiques de cash pooling, qui orientent les liquidités vers d’autres entités du groupe, ont également réduit leur capacité à investir et à financer le développement local. Résultat : un certain essoufflement face à des banques marocaines agiles, agressives et ultraréactives. Enfin, il faut bien le dire, la conjoncture n’a pas aidé. La crise post-Covid et un environnement de plus en plus régulé ont encouragé les groupes français à rationaliser leurs investissements pour privilégier des marchés où ils sont plus compétitifs.

Le début d’une nouvelle époque

Mais si le départ de ces deux banques françaises marque la fin d’une époque, il ouvre aussi la porte à un nouveau chapitre, avec l’entrée fracassante de Moulay Hafid Elalamy dans le secteur bancaire marocain. L’ancien ministre de l’Industrie, fondateur du Groupe Saham, a frappé un grand coup en s’offrant la Société Générale Maroc et La Marocaine Vie pour 745 millions d’euros. En mars 2028, lorsque MHE revendait Saham Finances au sud-africain Sanlam pour plus d’un milliard de dollars, certains avaient parié sur une retraite dorée. Que nenni  ! Il revient en force avec un objectif  clair : faire de la Société Générale un acteur encore plus puissant et mieux enraciné dans l’économie marocaine.

Avec MHE aux commandes, il y a en effet fort à parier que la banque ne se contentera pas de gérer l’existant. Car l’homme d’affaires est connu pour son audace et son pragmatisme redoutables qui lui permettent de transformer avec succès une entreprise, de la restructurer et de la propulser vers de nouveaux horizons. Mais, plus globalement, ce rachat n’est pas qu’un simple changement d’actionnaire. Il symbolise en réalité une «marocanisation» progressive du secteur bancaire, avec de grandes institutions financières, désormais sous contrôle local. Crédit du Maroc appartient désormais à Holmarcom. La Société Générale est tombée dans l’escarcelle de MHE. Seule BMCI, filiale de BNP Paribas, entretient la flamme tricolore dans ce microcosme bancaire en pleine mutation. 

 

 

 

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