Entrée en vigueur au 1er avril 2016 de la circulaire de l’Acaps relative à l’encaissement des primes et au règlement des sinistres. Ayant longtemps milité en faveur du report de sa mise en application, les intermédiaires considèrent aujourd'hui que les nouvelles règles d’encaissement des primes vont clarifier leurs relations avec les compagnies d’assurances. Pour pallier l’interdiction des facilités de paiement des primes d’assurance, les premières formules de financement arrivent sur le marché. Fnacam/Umac : une bataille silencieuse autour des sièges revenant à l’association la plus représentative des intermédiaires au sein des instances de l’Acaps.
Etes-vous prêts pour l’application dès le 1er avril de la circulaire du 16 juillet 2015 relative au recouvrement, au règlement des sinistres et à la relation compagnies/intermédiaires d’assurances ? Quelles sont les actions entreprises auprès des membres de votre association pour mener à bien cette transition réglementaire ? Qu’en est-il des soldes antérieurs nés avant le 1er avril ? Quelle définition donneriez-vous à l’association la plus représentative devant siéger dans les commissions de régulation et de discipline de la nouvelle Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (Acaps) ? Ces questions, adressées aux deux organes représentant les acteurs de l’intermédiation en assurances, à savoir la Fédération nationale des agents et courtiers d’assurance au Maroc (Fnacam) et l’Union marocaine des agents et courtiers d’assurances (Umac), sont restées sans réponse. Il faut dire que sur le terrain de la communication, et à quelques jours de la date fatidique, ces deux structures n’ont aucun mal à fonctionner en service minimum, avec un discours et un ton diamétralement opposés à l’image et à l’ambiance véhiculée au sein des cabinets de courtage il y a tout juste quelques semaines !
Virage à 180 degrés
La Fnacam a joint sa plume et associé son logo, aux côtés de ceux de l’Acaps et de la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR), pour diffuser un communiqué expliquant les modifications apportées aux conditions de paiement des primes d’assurances automobile, et ce «à compter du 1er avril 2016». Cela paraît surprenant quand on sait que, deux mois auparavant, lors d’une réunion bilatérale avec l’Ex-Daps (Direction des assurances et de la prévoyance sociale), la Fnacam ne cachait pas son scepticisme face au nouveau dispositif. Ainsi, peut-on lire dans le PV sanctionnant cette rencontre, «outre le fait que la circulaire suscite crainte, émoi et désapprobation, voire un rejet quasi-unanime, le report de la date de son entrée en vigueur constitue l’une des principales doléances de notre fédération». Et pour justifier son appel au report de sa mise en application, les membres de la Fnacam avaient avancé trois motifs. Un : les process devant accompagner ce projet ne pourraient, à leurs yeux, être opérationnels le 1er avril 2016. Deux : des zones d’ombre restent à clarifier (ce qui suppose que l’ombre s’est dissipée entre-temps). Trois : une campagne de communication à l’endroit du consommateur devrait, toujours selon la Fnacam, être menée préalablement au lancement de la nouvelle réglementation.
Chez l’Umac, le virage était un peu plus compliqué. Entre, d’une part, la réunion de ses membres en assemblée nationale, début décembre dernier, au cours de laquelle la circulaire était perçue comme un «danger menaçant la profession et plein d’ambiguïtés» et, d’autre part, le communiqué diffusé il y a quelques jours dans lequel la même circulaire est présentée comme «une avancée réelle pour le secteur, notamment pour son apport en matière de clarification des relations entre les entreprises et les intermédiaires». Va comprendre Charles !
L’Acaps a-t-elle alors cédé à la pression des intermédiaires pour gagner leur adhésion à la nouvelle réforme ? L’autorité de régulation a-t-elle introduit des modifications majeures au contenu de la circulaire pour les rassurer et les mettre en confiance ? Non, rien de cela, rétorque un responsable au sein de la nouvelle autorité de régulation. C’est que, ajoute-t-il, les gens font généralement montre de réticence à chaque fois que l’on veut assainir et mettre fin aux pratiques qui n’ont plus aucun sens (sic).
Un traitement à part pour les soldes antérieurs
Fini donc l’assurance à crédit : dès ce premier avril, les intermédiaires ne peuvent plus accorder de facilités ou délais de paiement. La prime sera considérée comme encaissée dès l’octroi de la garantie et donc de l’attestation d’assurance. La circulaire de l’Acaps veut en finir avec le phénomène des impayés, de 6 à 8 milliards de DH, selon les estimations de la Fmsar communiquées à nos confrères de Bourse News. Quoique la Fnacam se défend en rejetant ces chiffres qui, selon elle, ne tiennent pas compte de l’ancienneté et la nature de ces créances. Peu importe le montant exact, la question du sort des soldes antérieurs nés avant le 1er avril reste néanmoins posée. Du côté de l’Acaps, tout en rappelant que la circulaire est née pour mettre fin à l’hémorragie des impayés, on rassure que ces soldes seront traités dans le cadre d’une procédure particulière. Mais, dans un premier temps, il va falloir faire des rapprochements de soldes entre les différentes compagnies et intermédiaires. C’est un travail qui demande du temps et l’Acaps sera en mesure de faciliter la résolution de ce problème résultant, précise notre interlocuteur, d’une accumulation d’impayés sur plusieurs années.
Le big-bang n’aura donc pas lieu toutes les craintes se sont soudainement envolées comme par magie, y compris la question du financement de la prime d’assurance. Le client, ayant l’embarras du choix, pourra soit payer intégralement la prime, soit fractionner la souscription sur une durée inférieure à un an (trimestrielle et semestrielle) soit, et c’est là où les nouveautés commencent déjà à s’installer sur le marché, financer la prime à l’aide d’un crédit. Des compagnies comme Wafa Assurance et Axa Assurance Maroc ont déjà mis en place des formules de financement spécifiques (prime assurance automobile payable en plusieurs mensualités), appuyés par des sociétés de financements avec lesquelles elles partagent des liens capitalistiques (Wafasalaf et Axa Crédit). Les autres assureurs ne tarderont pas à les suivre et ce serait tout bénéfice pour l’ensemble des intervenants. D’abord pour les assurés en besoin de cash, qui se voient offrir une solution, sachant qu’il s’agit de prêts à taux zéro, incluant naturellement des frais de dossier. Ensuite, pour les intermédiaires de petite taille, en mal de trésorerie, ceux qui voyaient dans la nouvelle circulaire l’effet déclencheur d’une mort certaine, ce serait une bouffée d’oxygène qui leur permet de préserver la fidélité de leurs clients. Enfin, du côté des compagnies d’assurances, avec ce nouveau canal de financement inventé dans le sillage de l’entrée en vigueur de la circulaire de l’Acaps, ce sera l’occasion de se lancer dans un nouveau créneau porteur : l’assurbanque.
Fnacam & Umac : Je t’aime, moi non plus !
Une fois n’est pas coutume, la circulaire de l’Acaps a eu pour effet d’unir les membres de la Fnacam et de l’Umac autour d’une cause commune. Nous sommes le 29 décembre 2015, les présidents de ces deux organes, respectivement Khalid Aouzal (fraîchement élu) et Jamal Diwany, posent tout sourire sur une photo immortalisant la signature d’un accord présenté comme le signal d’un «rapprochement au service d’une même cause et pour un destin commun». Ce rapprochement naturel, laissant comprendre un communiqué conjoint, marque «une volonté commune de regrouper l'ensemble des intermédiaires afin de faire face aux défis organisationnels et aux évolutions réglementaires». Visiblement, leur rapprochement a été de courte durée, puisque chacun des signataires va tenter, quelques semaines plus tard, de défendre sa représentativité pour pouvoir siéger dans les deux commissions de régulation (deux sièges reviennent aux intermédiaires proposés par l’association la plus représentative) et de discipline (un siège) prévues par la loi installant l’Acaps. «Je pense intimement que la Fnacam-représentant officiel des agents et courtiers d’assurances au Maroc devrait continuer à faire partie des organes dont vous présidez les destinées», lit-on dans une lettre adressée au président de l’Acaps, en date du 25 février. Craignant de se voir écartée, l’Umac veut, elle aussi, sa part et place cette question de représentativité à l’ordre du jour de sa réunion avec le président de l’Acaps, le 11 mars. Du côté de l’autorité, on apprend que les critères de détermination de l’association la plus représentative seront incessamment fixés par voie réglementaire et qu’en attendant, le choix des représentants des intermédiaires revient à l’Acaps.
Wadie El Mouden