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Africa 2025 : La fiscalité au service de l'émergence

Africa 2025 : La fiscalité au service de l'émergence

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Face à une rareté des ressources externes liées à l’aide au développement, le continent africain est déterminé à prendre les choses en main. La mobilisation des ressources internes à travers les recettes fiscales requiert une grande importance. Une équation des plus complexes, si on prend en considération que le taux d’imposition ne devrait pas dépasser un seuil, au risque d’évincer l’investissement et l’épargne privée. 

L’Afrique, nouvelle zone de croissance, eldorado de prospérité, continent d’avenir… Des titres qui abondent avec pour toile de fond, une mobilisation des ressources internes pour réussir la croissance et amorcer l’émergence dans ce continent. Quelle est la part de vérité dans ces affirmations pompeuses ? Pour y répondre «Enjeux des politiques fiscales dans la transformation économique de l’Afrique à l’horizon 2025», était la thématique débattue en long et en large, à l’occasion de la conférence organisée lundi 23 novembre, par Media Partners et AllAfrica Global Media, par des professionnels et opérateurs venus des quatre coins du continent pour concerter sérieusement sur comment y garantir une dynamique de croissance soutenue et surtout inclusive. Comme l’a si bien dit le Souverain à l’occasion du 3ème Sommet Inde-Afrique, tenu récemment à New Delhi, «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique». Une déclaration empreinte de bon sens pour celui qui sait lire. Partant d’une telle réflexion, les intervenants sont unanimes sur la mobilisation optimale des ressources internes face à la précarité des ressources externes liées à l’aide au développement et l’insuffisance des ressources naturelles. «A rappeler que le Continent ne manque pas de ressources financières», déclare, à juste titre, Amadou Mahtar, président d’AllAfrica Global Media. Il étaye ses propos par des chiffres, qui datent de mars 2015 : en Afrique, 3.000 personnes disposent de 400 milliards de $ et 354 banques centrales ont à leur actif 600 milliards de $, soit 1.000 milliards de dollars existent dans le continent. Mais, il faut avouer que les défis à relever sont importants, si l’on prend en considération l’investissement intra-africain, qui reste en deçà des attentes. En matière d’infrastructures, le Maroc est classé au 2ème rang après l’Afrique du Sud. D’autres pays traînent lourdement le pas. Pour Yacine Fall, représentante résidante à la Banque africaine de développement (BAD), la mobilisation des ressources internes se veut désormais une des priorités des Etats africains. 

Recettes fiscales vs épargne

Elle est consciente de la complexité de l’équation de la politique fiscale dans la mesure où l’Etat est appelé à concilier entre la mobilisation des ressources internes et l’encouragement de l’investissement. Mais elle est tout de même convaincue que la rationalisation des dépenses publiques et des recettes permettra à notre continent d’achever son développement et favoriser son émergence.

A son tour, Omar Faraj, Directeur général des impôts, qui a représenté le ministre de l’Economie et des Finances (ce dernier étant absent à cause du Budget en discussion devant la chambre des Conseillers), a rappelé que durant la dernière décennie, l’Afrique a enregistré une croissance oscillant aux alentours de 5%. Il revient également sur les réformes qui ont été initiées, et qui augurent d’une bonne volonté politique nationale pour un développement win-win. Sur le plan national, les pouvoirs publics n’ont pas lésiné à mettre en place un système fiscal, cohérent et équitable. Les mesures-phares mises en place consistent à mieux intégrer le secteur informel, à simplifier la législation par le biais du régime des télédéclarations, à lutter contre le régime dérogatoire, à renforcer le contrôle à travers une stratégie basée sur la gestion des risques, à hisser le système fiscal national aux standards des normes internationales. «Le leitmotiv est d’aboutir à un modèle de politique fiscale conciliant la baisse de la pression fiscale et l’incitation à l’épargne et à l’investissement», affirme le Directeur général des impôts. A noter par ailleurs que depuis les Assises sur la fiscalité, tenues à Skhirat en mars 2011, la neutralité de la TVA est au coeur de ladite réforme.

Un aveu corroboré par Mamadou Fall Kane, conseiller économique et financier du président de la République du Sénégal, qui considère le levier fiscal comme une alternative à l’assèchement de l’aide 

publique au développement et à l’insuffisance des matières premières. Il rappelle à ce titre que des efforts ont été accomplis au Sénégal pour financer le développement et augmenter la capacité de mobilisation des ressources internes. Toutefois, ces résultats restent maigres face aux défis à relever : une législation obsolète et inadaptée, un faible niveau d’informatisation des services fiscaux, un régime dérogatoire…

Abdallah Boureima, commissaire chargé des politiques économiques et de la fiscalité à l’UEMOA n’y va pas de main morte. Il met le doigt sur la pression fiscale, qui est mal répartie aussi bien entre les ménages qu’entre les secteurs productifs, le poids important du secteur informel, les dérogations qui biaisent la compétitivité, la faiblesse des moyens dont dispose l’administration fiscale… Des écueils qui nécessitent une bonne gouvernance à tous les échelons de la gestion des finances publiques. En effet, si les intervenants se sont attardés sur les recettes fiscales, il ne faut pas perdre de vue que les dépenses publiques constituent également un maillon important de la chaîne. Faut-il rappeler que la dépense publique est mal gérée dans plusieurs pays africains. Et pour cause, un Etat mauvais payeur, une corruption inquiétante… des anomalies qui contribuent à la surévaluation des marchés publics et des dépenses y afférentes, et alourdissent le déficit budgétaire. 

Le taux ronge l’assiette

Un invité de marque était présent à la conférence. Il s’agit bel et bien de Arthur B. Laffer, ancien Conseiller économique de Ronald Reagen. Son intervention fut très provocante et suscita la réaction des représentants des pays africains.

L’auteur de la courbe de Laffer considère que les taxes sont mauvaises en général. D’après lui, les subventions allouées aux personnes qui ne travaillent pas, encouragent le chômage. 

Aussi, d’après-lui, si le Continent africain ne dispose pas encore de l’infrastructure nécessaire, c’est justement parce que le secteur privé ne veut pas payer de taxes. C’est dire que l’imposition dissuade les opérateurs à investir. A. Laffer invite les administrations fiscales à utiliser les incitations positives et à traiter les contribuables comme des clients. Il formule ainsi cinq recommandations : accorder moins de subventions possibles, avoir un taux d’imposition bas qui couvre tous les secteurs, instaurer un taux d’imposition faible avec une base très large et moins de tarifs douaniers pour encourager un libre-échange gagnant-gagnant, réduire le rôle de l’Etat pour éviter les dommages collatéraux. Et pour résumer, il incite les pays africains à ne pas imiter les pays riches aujourd’hui, mais durant leurs premières années de développement. Des recommandations, qui ont provoqué une réaction chez les autres intervenants, qui les considèrent comme étant inadaptées à la réalité du continent africain. A. Boukhriss, président de la commission fiscalité au sein de la CGEM, estime que les recommandations de Laffer peuvent varier d’un pays à l’autre et ne peuvent faire l’objet d’une recette universelle. D’après lui, pour une mobilisation des recettes fiscales, il faut qu’il y ait des prérequis tels que la déclinaison d’une politique fiscale pour donner de la visibilité aux opérateurs, un vrai partenariat entre l’administration et le contribuable et une réglementation fiscale moderne qui puisse donner les garanties nécessaires pour établir la confiance. Un point de vue largement partagé par les autres représentants africains. 

Les dessous de la courbe de Laffer

L'idée que «trop d'impôts tue l'impôt» est ancienne : des économistes libéraux avaient en leur temps déjà mené une réflexion sur ce phénomène, comme Adam Smith qui définissait le phénomène en écrivant : «L'impôt peut entraver l'industrie du peuple et le détourner de s'adonner à certaines branches de commerce ou de travail» et surtout Jean-Baptiste Say, qui concluait «qu'un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte».

Mais il revient à l'économiste américain Arthur Laffer, à la fin des années 70, d'avoir tenté de théoriser ce qu'il nommait «l'allergie fiscale», et de l'avoir popularisée (au point qu'elle est évoquée dans le débat et les choix politiques), à l'aide de la courbe qui porte son nom.

La courbe de Laffer est une modélisation économique développée par des économistes de l'offre, en particulier Arthur Laffer, fondée sur l'idée que la relation positive entre croissance du taux d'imposition et croissance des recettes de l'État (l’État étant défini au sens large, c’est-à-dire que le terme représente ici toutes les administrations publiques) s'inverse lorsque le taux d'imposition devient trop élevé.

Lorsque les prélèvements obligatoires sont déjà élevés, une augmentation de l’impôt conduirait alors à une baisse des recettes de l'État, parce que les agents économiques surtaxés seraient incités à moins travailler (cela ne vaut plus la peine de travailler si la progression des gains issus du travail diminue pour une unité supplémentaire de travail effectué).

 

Soubha Es-siari

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