Solidarité fiscale : Haro sur la complexité juridique !

Solidarité fiscale : Haro sur la complexité juridique !

Iimpots

Le principe de la solidarité fiscale et les cas d’application sont définis par une kyrielle de mesures juridiques au Maroc. Certains patrons de PME, pénalisés par une faible culture financière et fiscale, rencontrent beaucoup de difficultés pour appréhender cette notion, qui peut par­fois être lourde de conséquences pour leur activité.

‘‘La solidarité fis­cale : portée et limites», telle a été la thématique débattue récemment à la Chambre française de com­merce et d’industrie du Maroc (CFCIM). Les participants qui se sont déplacés massi­vement, ont eu l’opportunité d’échanger à bâtons rompus avec Issam El Maguiri, pré­sident de l’Ordre des experts-comptables de Casablanca, et Khalid Lahbabi, consultant en droit des affaires. D’emblée, faudrait-il rappeler que le sujet de la solidarité fiscale revêt un enjeu autrement plus important pour les entreprises marocaines, qui sont régu­lièrement concernées par la question fiscale. En vertu du principe de la solidarité fis­cale, un dirigeant d’entreprise peut être tenu solidairement responsable du paiement des impôts impayés, si ses agisse­ments ont empêché le recou­vrement des sommes dues au fisc. A noter que l’arsenal juridique régissant ce volet de la fiscalité au Maroc, est composé du Code général des impôts (CGI), de la loi 47-06 portant sur la fiscalité locale et le code de recouvrement des créances publiques. Partant, force est d’admettre que cette multiplicité des sources juridiques peut être pénali­sante pour certains dirigeants de PME, qui ont une faible culture financière et fiscale. Khalid Lahbabi a d'ailleurs axé son intervention sur le volet juridique. «Le premier principe de la solidarité fis­cale en dehors des relations commerciales est l’absence de présomption. Ce qui veut dire qu’un texte de loi doit expressément préciser l’exis­tence de la solidarité fiscale pour une situation donnée», précise-t-il. Au-delà de cette précision de taille, tout l’enjeu pour les dirigeants de TPME au Maroc est d’être au fait des multiples situations pouvant entraîner la solidarité fiscale. Bien entendu, cela remet en selle l’épineuse question du faible accompagnement des TPME par les cabinets d’ex­pertise. Par ailleurs, lors de sa présentation, le président de l’Ordre des experts-comp­tables de Casablanca s’est livré à un exercice didactique visant à mettre en exergue les principaux impôts générant une solidarité fiscale. Il s’agit, entre autres, de l’Impôt sur le revenu (IR), de l’impôt sur les sociétés (IS), de la TVA, des taxes sur les profits fonciers et des droits de timbre. A noter qu’en matière d’IS, la solida­rité fiscale se limite à six mois après la date de la légalisation de l’acte relatif aux opérations de fusion, d’acquisition et de scission d’une société. Par ail­leurs, lors de cette rencontre qui a enregistré une forte pré­sence d’experts-comptables et de dirigeants d’entreprise, certains professionnels du droit ont pointé du doigt le caractère non-précis, voire flou, de certains concepts juri­diques inhérents à la solidarité fiscale, qui peut, d’ailleurs, être considérée comme une garantie de recouvrement des créances de l’Etat.

Paroles de pro

Issam El Maguiri,

expert-comptable, commissaire aux comptes et président de l’Ordre des experts-comptables, régions de Casablanca, Centre, Tensift et Sud.

«Pour les actes obligatoirement sousmis aux droits d’enregistrement, les deux parties (acheteur et ven­deur) sont solidaires. Toutefois, concernant ces actes portant sur la libération et le transfert de propriétés, en l’occurrence les biens meubles et immeubles, les droits d’enregistrement dus sont supportés par le débiteur et le nouveau propriétaire. Toujours pour les actes obli­gatoirement soumis aux droits d’enregistrement, il faut savoir qu’en cas de requalification ou de dissimulation (fraude), les deux parties demeurent solidaires pour le paiement des impôts et taxes. L’autre cas prévu par le Code général des impôts (CGI) est la solidarité des notaires et des adouls avec les parties, notamment pour le paiement des droits d’enregistrement dans le cas où ils rédigent des actes avant la pré­sentation de l’attestation fiscale. Toutefois, il y a lieu de noter que la pratique est totalement différente, car les notaires et les adouls rédigent d’abord l’acte pour attendre ensuite la présentation de l’attestation fiscale prouvant que les impôts et taxes inhérents aux droits d’enregistrement ont été versés au fisc».

Infos pratiques

L’article du CGI qui divise

L’article 65 du Code général des impôts irrite certains professionnels du droit et des chiffres, notamment les experts-comptables et les juristes. En effet, ce dispositif donne à l’une des parties concernées par la transaction commerciale, notamment le cessionnaire, la possibilité de réviser le prix du bien acquis devant l’administration fiscale. En d’autres termes, lorsque l’acquéreur déclare au fisc une nouvelle base d’acquisition supérieure, cette dernière va être systématiquement répercutée sur le vendeur, lequel est astreint de l’accepter. De ce fait, le cédant est quelque part solidaire du paiement de la différence de l’impôt. A en croire Khalid Lahbabi, consultant en droit des affaires, ce dispositif viole le principe de l’effet relatif des contrats consacré par le Dahir des obligations et contrats (DOC). En effet, ce principe-phare signifie que les obligations valablement formées, tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites, tout en ne nuisant pas aux tiers. Toutefois, celles-ci ne peuvent profiter aux personnes tierces que dans les cas prévus par la loi. D’après le consultant en droit des affaires, l’insécurité juridique provoquée par l’article 65 du CGI provient du fait que l’acquéreur a la possibilité de revoir unilatéralement le prix d’un bien fixé préalablement avec le vendeur. D’ailleurs, Khalid Lahbabi estime que ce dispositif est tout simplement illégal, avec des conséquences fâcheuses pour les vendeurs.

 

Momar Diao

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