Délais de paiement: «La loi n°69-21 devra être complétée par d'autres initiatives»

Délais de paiement: «La loi n°69-21 devra être complétée par d'autres initiatives»

La nouvelle loi sur les délais de paiement au Maroc introduit des dispositions claires, assorties d’amendes en cas de non-respect.

Permettra-t-elle néanmoins de résoudre l’épineux problème des retards de paiement dont souffrent en particuliers les TPME ?

Entretien avec Azzelarab Zaoudi Mougani, économiste et enseignant-chercheur à l’ISCAE.

 

Propos recueillis par M. Boukhari

Finances News Hebdo : La loi n°69-21 sur les délais de paiement, entrée en vigueur en juillet 2023, a pour objectif principal d’apporter une solution au retard de paiement caractérisant les relations contractuelles entre partenaires commerciaux. Quelle lecture en faites-vous ? Quels sont les autres principaux apports de cette nouvelle loi ?

Azzelarab Zaoudi Mougani : Cette nouvelle loi pourrait avoir des implications et des répercussions significatives sur les pratiques commerciales entre entreprises au Maroc, ne serait-ce que pour dissuader les pratiques défavorables en matière de retard de paiement. En fixant un délai de paiement par défaut à 60 jours, la loi établit une norme claire pour les transactions commerciales et impose des amendes en cas de non-respect de ces délais, ce qui incite les entreprises à honorer leurs obligations financières envers leurs partenaires. Parmi les autres principaux apports de la loi, on trouve la définition précise du délai de paiement, qui est fixé par défaut à 60 jours, sauf accord contraire entre les parties, à compter de la date d'émission de la facture. Lorsque le délai est défini dans le contrat, il ne peut pas excéder 120 jours à partir de la date d'émission de la facture. Par ailleurs, la loi établit un délai maximal pour l'émission de la facture, à savoir le dernier jour du mois où les biens ont été livrés ou les services ont été rendus.

Si la facture n'est pas émise dans ce délai, le délai de paiement commence à courir à partir de la fin du mois de réception des biens ou de réalisation des services. Dans le cas où les parties conviennent de transactions mensuelles, ces délais débutent à partir du premier jour du mois suivant. Néanmoins, des dérogations sont envisagées pour certains secteurs présentant des particularités saisonnières, permettant de fixer des délais différents, mais limités à 180 jours. L'entrée en vigueur de la loi n°69-21 sur les délais de paiement, en juillet 2023 au Maroc, ne sera pas uniforme, mais progressive, prenant en compte la taille des entreprises, et ce, afin de permettre une adaptation en douceur aux nouvelles règles. Pour les grandes entreprises, celles réalisant un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 50 millions de dirhams (MDH), la loi s'appliquait dès le mois de juillet 2023. Elle impactera toutes les factures émises à partir de cette date. Le calendrier prévoit ensuite une extension de l'application de la loi aux entreprises de taille moyenne, celles réalisant un chiffre d'affaires compris entre 10 MDH et 50 MDH, à partir de janvier 2024. Enfin, les petites entreprises, celles générant un chiffre d'affaires situé entre 2 MDH et 10 MDH, seront concernées à partir de janvier 2025.

F.N.H. : Certains experts s’avancent à dire que cette loi agit comme un bouclier pour protéger les TPME qui sont les premières à pâtir de l’allongement des délais de paiement. Ce constat est-il véridique ? Qu’en dites-vous ?

A. Z. M. : Le constat selon lequel la loi n°69- 21 agit comme un bouclier pour protéger les TPME est en grande partie véridique. Les TPME sont souvent les plus vulnérables aux retards de paiement, car elles ont moins de marge de manœuvre financière pour faire face aux défis de trésorerie. Cette loi fixe un délai de paiement par défaut à 60 jours, ce qui réduit considérablement le risque de retard de paiement pour les TPME. De plus, les amendes prévues par la loi en cas de non-respect des délais de paiement servent de dissuasion pour les grandes entreprises qui pourraient être tentées de retarder les paiements. Cela protège indirectement les TPME en encourageant une culture de paiement ponctuel. Cependant, il est essentiel de noter que le succès de cette protection dépendra de la stricte application de la loi et de l'efficacité des mécanismes de recours en cas de violation. Les TPME devront également être bien informées de leurs droits en vertu de cette loi pour en bénéficier pleinement. En fin de compte, la loi vise à instaurer une culture du respect des délais de paiement au sein des entreprises marocaines, favorisant ainsi des relations commerciales plus équitables et durables.

F.N.H. : Pensez-vous que cette nouvelle loi permettra de résoudre le problème des délais de paiement en général ?

A. Z. M. : La nouvelle loi sur les délais de paiement au Maroc représente une avancée positive pour résoudre la problématique persistante des retards de paiement. Cependant, il est important de noter que cette loi, bien qu'importante, ne peut à elle seule garantir une solution complète. Son succès dépendra en grande partie de sa mise en œuvre effective et de la collaboration active des entreprises pour respecter les délais convenus. Cette loi introduit des dispositions claires, notamment des délais de paiement bien définis et des amendes dissuasives en cas de non-conformité. Cependant, elle ne peut pas éliminer entièrement le problème, car elle repose sur l'adhésion volontaire des entreprises et leur capacité à respecter les délais établis. Pour résoudre efficacement le problème des délais de paiement, il faudra sensibiliser les entreprises à l'importance du paiement ponctuel, encourager une culture de respect des délais et mettre en place des mécanismes de recours efficaces en cas de violation. En fin de compte, la loi constitue un outil essentiel, mais elle devra être complétée par d'autres initiatives pour instaurer un véritable changement dans les pratiques commerciales au Maroc.

La loi prévoit des amendes en cas de non-respect de ses dispositions, calculées en fonction du taux directeur de Bank Al-Maghrib, majoré de 0,85% par mois ou fraction de mois de retard supplémentaire. Ces amendes sont appliquées sur le montant impayé dans les délais prescrits, pour chaque facture en dirhams, TVA incluse. Les entreprises doivent verser ces amendes spontanément lors de la soumission de leur déclaration à la Direction générale des impôts. Des sanctions pécuniaires significatives sont également prévues en cas de retards ou de non-paiements des pénalités, ainsi que pour la non-déclaration ou le retard dans la présentation de celle-ci. Les montants des amendes varient en fonction du chiffre d'affaires annuel hors TVA de l'entreprise, allant de 5.000 DH pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires compris entre 2 MDH et 10 MDH, à 250.000 DH pour celles dont le chiffre d'affaires annuel dépasse les 500 MDH. Une amende de 5.000 DH est également applicable en cas de déclaration incomplète. 

 

 

 

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