Boycott : Centrale Danone joue son va-tout

Centrale Danone joue son va-tout

Emmanuel Faber, président-Directeur général de Danone


 

- Le PDG de Danone s'est rendu au Maroc pour une grande opération séduction.

- La reconquête du consommateur passera par un abandon des marges.

 

 

«Je suis marqué par le boycott qui touche notre marque et je respecte les choix de ceux qui le font». Le PDG du groupe français Danone, Emmanuel Faber, a préféré faire profil bas lors de sa visite-éclair au Maroc pour tenter de reconquérir le consommateur marocain qui, depuis le démarrage du boycott qui touche la marque, a fait perdre 150 millions de dirhams à la société contre un bénéfice de 56 millions de dirhams un an plus tôt à la même période.

Le groupe était obligé de sortir les gros moyens pour redorer son blason. Cela s'est passé par des rencontres avec les consommateurs sous les objectifs des caméras pour «comprendre leurs attentes». Faber dit avoir aussi rencontré des éleveurs qui traversent, selon lui, «une situation difficile» depuis le début du mouvement, et les principaux syndicats représentés chez Centrale Danone qui ont fait part de leur inquiétude.

 

Le tout pour le tout

 

Pour sortir de l'impasse et relancer l'activité, le PDG de Danone a pris trois engagements, dont un qui concerne directement les prix, principale revendication relayée par les boycotteurs sur les réseaux sociaux.

Le PDG de Danone a dit vouloir rendre le lait «durablement plus accessible». Pour cela, il souhaite le vendre à prix coûtant, c'est-à-dire sans gagner de l'argent sur le lait pasteurisé, «si la société trouve un modèle économique viable» lui permettant d'opérer de la sorte.

Évoquant ce premier engagement, Faber a annoncé que son objectif est de «rechercher l'équité pour la marque, d'assurer un prix du lait le moins cher possible pour les épiciers et les consommateurs, tout en protégeant au maximum le prix payé aux éleveurs partenaires».

L'actionnariat concentré de la société (plus de 99% du capital est détenu par l'actionnaire Gervais-Danone) ne devrait pas créer de frictions concernant cette décision. Cet engagement «prix coûtant», a-t-il insisté, sera cohérent avec la mission de Danone, à savoir «apporter la santé par l'alimentation au plus grand nombre». Reste à connaitre l’ampleur de cette baisse de prix.

«Dans ce cadre, nous nous engageons à la transparence totale sur les coûts supportés par Centrale Danone pour la collecte, les tests qualité, la pasteurisation, l'emballage, le transport et les coûts de commercialisation du lait frais pasteurisé Centrale. Cette transparence sera vérifiable par tous, à tout moment», a-t-il ajouté. D’autre part, pour rendre le prix du lait «plus abordable, de façon durable», le PDG de Danone indique que la société va faire confiance aux épiciers et consommateurs, parties prenantes de la filière du lait frais pasteurisé, pour qu'ils décident ensemble de ce que doit être son «juste prix», un prix qui soit à la portée de tous les ménages et qui soit équitable pour tous, y compris les producteurs de lait.

En deuxième lieu, la marque Centrale continuera à offrir aux consommateurs «un lait frais pasteurisé aux meilleurs standards de qualité». «Un lait naturel, produit exclusivement à partir du lait issu de la passion et du travail de nos éleveurs partenaires marocains», a fait savoir son PDG, qui insiste sur le maintien de la qualité malgré la suppression de ses marges.

La marque s'engage également sur un point un peu plus abstrait concernant sa gouvernance. Il s'agit, selon le PDG de Danone, d'inventer un nouveau modèle de gestion plus collaboratif.

«Nous ne savons pas encore quelle forme pourra prendre cette gouvernance du juste prix, mais des expériences intéressantes existent dans d'autres pays, comme «C'est qui le Patron ?» en France, qui est un label de marque dont les prix sont fixés par le consommateur», a-t-il fait observer.

«Nous pourrons discuter ensemble de ces exemples et évaluer comment nous pouvons les adapter au Maroc», a poursuivi Faber, observant que «nous démarrons maintenant les travaux pour pouvoir conclure sur la viabilité économique de cette proposition au plus vite. Nous espérons qu'elle recevra un accueil favorable parmi les acteurs concernés».

Après avoir noté que «Danone n’a à aucun moment envisagé de quitter le Maroc», Faber espère que les orientations indiquées au cours de cette conférence pourront jeter «les bases d'une nouvelle relation autour de la marque Centrale». La concrétisation de ces promesses est prévue pour «les semaines à venir». ■

 


Pression sur les autres entreprises boycottées

Centrale Danone a vu son chiffre d'affaires baisser d'environ 50% depuis le début du boycott. Elle a récemment décidé de diminuer les collectes de lait cru auprès de ses 120.000 éleveurs partenaires. Les observateurs se posent des questions sur la viabilité du modèle après la suppression des marges. Mais cette décision met à nu les autres entreprises boycottées par les consommateurs.

Car une reprise de l'activité de Centrale Danone, si elle a lieu après ces mesures, les poussera à s'engager dans des voies similaires en actionnant le levier des marges. Auront-elles les reins solides pour agir de la sorte ? Car ne l'oublions pas, Centrale Danone, qui n'a pas distribué de dividendes cette année, est une entreprise qui regorge de cash et dispose de fondamentaux solides qui lui permettent de tenir ces chocs... Pour le moment.


 

A. Hlimi

 

 

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