La phase aller de l’Opération Marhaba s’est achevée le 15 août courant marquant ainsi le début progressif du retour des Marocains résidant à l'étranger. Selon les données diffusées par le ministère du Transport et de la Logistique, les ports marocains ont accueilli, entre le 5 juin et le 15 août 2024, environ 1,33 million de passagers et 317.000 voitures. En revanche, bien que plusieurs MRE demeurent attachés à la coutume de passer les vacances d’été «au bled» avec leurs familles, nombreux sont ceux qui ont préféré cette année se diriger vers d’autres destinations, les jugeant moins coûteuses.
Habituellement, la période estivale est un moment crucial pour les MRE qui, après une année de travail acharné à l'étranger, rentrent au Maroc pour renouer avec leurs proches, partager des moments familiaux et redécouvrir leur terre natale. Cependant, plusieurs facteurs ont contribué à une diminution de cette affluence cette année, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’économie nationale. Car, rappelons-le, l’arrivée des Marocains du monde lors des vacances d’été est considérée comme un véritable levier de développement économique pour le Royaume. Ces derniers contribuent grandement à l’entrée de devises, dynamisent le commerce local, et stimulent divers secteurs notamment le tourisme, l'hôtellerie et la restauration ainsi que l’immobilier.
«Séduits par des destinations jugées plus attractives et abordables en Europe et en Asie, de nombreux MRE ont cette année choisi de passer leurs vacances ailleurs. Ce changement inattendu soulève des questions cruciales sur l’avenir de cette contribution essentielle et ses répercussions sur l’économie marocaine. Les années précédentes, les dépenses des MRE ont représenté plusieurs milliards de dirhams, soutenant ainsi des milliers d'emplois et dynamisant les économies locales, tant dans les grandes villes que dans les régions rurales», relève Abdelkhalek Hassini, enseignant-formateur en France et spécialiste en migration et développement.
Dans le même ordre d’idées, l’expert souligne que «cette évasion estivale des MRE» vers des destinations étrangères est le résultat d’une combinaison de facteurs économiques, sociaux et pratiques. «En premier lieu, la cherté des billets d’avion et du transport maritime vers le Maroc a considérablement diminué l'attrait des vacances dans le pays. De plus, l'inflation persistante et la hausse des prix dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration rendent les séjours au Maroc moins abordables. Dans ce contexte, les destinations européennes comme l’Espagne, le Portugal, la Grèce et Chypre attirent les MRE grâce à leurs promotions avantageuses et à leurs infrastructures de qualité. En parallèle, les destinations asiatiques séduisent par leur exotisme et leur excellent rapport qualité-prix, offrant des expériences culturelles enrichissantes et un service souvent perçu comme supérieur. L'essor des compagnies aériennes low-cost, facilitant l’accès à une gamme variée de destinations à des tarifs compétitifs, renforce également cette tendance», détaille le président du collectif «CADOriental Europe».
S’agissant des répercussions de cette faible affluence, notre interlocuteur estime que certains secteurs risquent de voir leurs revenus diminuer, entraînant une baisse des emplois saisonniers et affectant l’économie locale dans son ensemble. «Ces visiteurs jouent un rôle crucial en contribuant de manière significative au PIB grâce à leurs dépenses directes et indirectes. Le manque à gagner pourrait atteindre plusieurs millions de dirhams, impactant sévèrement des secteurs clés tels que l’hôtellerie, le commerce de détail et les services de transport», insiste-t-il.
Afin de faire face à cette situation, Abdelkhalek Hassini indique qu’il est nécessaire pour le Maroc de réévaluer son offre afin de rester compétitif face à des destinations de plus en plus attractives. «En révisant les prix des services touristiques, le Maroc pourrait raviver l’intérêt des MRE. En parallèle, il est essentiel d'améliorer la formation du personnel et les infrastructures pour offrir une expérience de qualité supérieure. De plus, proposer des forfaits attractifs, incluant des réductions sur l’hébergement et les activités locales, pourrait rendre les vacances au Maroc plus intéressantes. Enfin, négocier des réductions sur le transport, en collaborant avec les compagnies aériennes, pour offrir des tarifs plus avantageux, permettrait de réduire considérablement les coûts de voyage et, par conséquent, renforcer l’attrait du Maroc», suggère l’expert.
Pour rappel, l’Office national marocain du tourisme a mobilisé une enveloppe budgétaire de 8,4 millions de dirhams pour séduire les MRE et les touristes nationaux, et ce, à travers la campagne «Ntla9awfbladna». Néanmoins, les offres restent inaccessibles, ce qui exige une mobilisation de l’ensemble des acteurs du secteur pour proposer des options plus abordables aux Marocains, tant résidents qu’expatriés.
Par M. Ait Ouaanna