100.000 lits supplémentaires d’ici 2030. Chaque Dirham investi dans le secteur rapporte 25 dirhams de recettes.
Par A. Hlimi
Le Maroc a mis les bouchées doubles pour changer de dimension en matière de tourisme. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les chiffres lui donnent raison. 2024 fut une année historique avec 17,4 millions de visiteurs ayant choisi le Maroc comme destination, faisant du Royaume un leader en Afrique en atteignant, avec deux années d’avance, les objectifs de la feuille de route fixés pour 2026. Ainsi, avec une augmentation de 20% par rapport à 2023, ce sont près de 3 millions de voyageurs supplémentaires qui ont succombé aux charmes de notre pays. Plus impressionnant encore : ces chiffres surpassent de 35% les performances de 2019, année de référence pré-pandémique.
Des chiffres que Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Économie sociale et solidaire, a commenté et expliqué avec conviction à l’occasion des Nuits de la Finance organisé par Finances News Hebdo, il y a une semaine sous le thème : «CAP 2030 : Perspectives et vision touristique».
La ministre en a profité pour revenir sur la feuille de route ambitieuse du tourisme marocain à l'horizon 2030. Une vision qui, selon elle, positionnera le Maroc parmi les 15 premières destinations touristiques mondiales en atteignant l'objectif de 26 millions de visiteurs. «Aujourd’hui, le tourisme représente 7% du PIB national et génère 827.000 emplois directs», rappelle la ministre, ajoutant que rien qu'en 2023, ce secteur a permis de créer «25.000 nouveaux emplois directs».
Fatim-Zahra Ammor insiste sur le fait que cette feuille de route stratégique, lancée en mars 2023 avec une enveloppe conséquente de 6 milliards de dirhams, est bien plus qu'un simple plan de relance post-Covid. «Nous avons choisi d’investir massivement, non pas seulement pour relancer notre secteur, mais surtout pour le transformer», précise-t-elle. Et de rappeler les 8 milliards de dirhams mobilisés au total, incluant un plan d’urgence de 2 milliards pour aider le secteur à surmonter la crise sanitaire.
Des objectifs atteints bien plus vite que prévu L'objectif initial était d'accueillir 17 millions de touristes en 2026, de générer 120 milliards de dirhams de recettes et de créer 200.000 emplois supplémentaires. Cependant, la dynamique de reprise post-Covid a permis d'atteindre ces chiffres deux ans plus tôt, ce qui, selon la ministre, «prouve que la vision était réaliste et adaptée». Pour continuer à concrétiser cette ambition, Fatim-Zahra Ammor dévoile trois leviers prioritaires : l’augmentation des capacités aériennes de 20% par an, l’investissement massif dans l'hébergement touristique et le développement soutenu des ressources humaines pour garantir une qualité de service conforme aux standards internationaux. Concernant le volet aérien, la ministre confirme une stratégie agressive de diversification géographique.
«Nous avons ouvert 120 nouvelles lignes aériennes en 2023, y compris des destinations long-courriers comme New York et bientôt Atlanta», souligne-t-elle, précisant que «l'objectif est d’atteindre 200 avions dans la flotte de Royal Air Maroc d’ici 2037».
Atlanta étant un véritable hub US, cette nouvelle destination va significativement soutenir la demande US pour le marché marocain. Elle précise aussi qu'il est crucial de diversifier les marchés émetteurs, tout en mettant l'accent sur l'Europe, principal marché touristique du Maroc, et en développant activement les marchés asiatiques, américains et africains. Des partenariats avec des compagnies lowcost et traditionnelles permettront au Maroc d'assurer une croissance soutenue et durable du secteur. Mais il faut le dire, l’ouverture de l’aéroport Mohammed V de Casablanca aux compagnies Low-cost n’est toujours pas une priorité.
La ministre explique tout de même que le sujet pourrait revenir sur la table après l’extension de cet aéroport. Sur la question cruciale de l'hébergement, la ministre indique viser «100.000 lits supplémentaires d’ici 2030». Pour y parvenir, plusieurs mécanismes incitatifs sont en place : la nouvelle charte d’investissement, le Fonds Mohammed VI pour l'investissement, et surtout le programme Cap Hospitality, qui ambitionne de rénover 25.000 chambres avant la Coupe d'Afrique des nations, prévue au Maroc en fin d’année.
Interrogée sur l’impact concret de ce dernier programme, Fatim-Zahra Ammor révèle une forte adhésion : «nous avons presque atteint notre objectif en termes d'inscription des hôteliers», précisant que l'État prend exceptionnellement en charge les intérêts des crédits destinés à ces rénovations, ce qui revient à prendre des crédits à taux 0 pour les hôteliers. Interpellée sur l'aspect économique, la ministre est catégorique : «Chaque Dirham investi rapporte 25 dirhams de recettes», faisant valoir un ratio qui rassure sur la rentabilité des investissements publics et privés dans ce secteur stratégique.
150.000 emplois directs à créer d’ici 2030
Les ressources humaines représentent également un enjeu majeur. «Nous souhaitons créer 150.000 emplois directs supplémentaires d’ici 2030», expliquet-elle. À cet effet, des programmes ambitieux comme Cap Excellence visent à former davantage de talents et à les aligner sur les besoins précis du secteur touristique marocain, notamment par le biais de partenariats avec des écoles hôtelières internationales. Enfin, Fatim-Zahra Ammor insiste sur l’importance de la Coupe du monde 2030, organisée conjointement par le Maroc, l'Espagne et le Portugal. Selon elle, cet événement constitue «une opportunité exceptionnelle, non seulement sportive mais aussi économique et touristique».
Le Maroc prévoit ainsi de renforcer considérablement ses infrastructures, notamment en matière d'aéroports, d'hébergement et d'accueil touristique, afin de répondre aux exigences internationales et de maximiser les retombées économiques. «Cette Coupe du monde est un levier stratégique pour accélérer le développement touristique régional, assurer une visibilité internationale accrue et affirmer le Maroc comme une destination incontournable sur la scène mondiale», conclut-elle. Cette feuille de route 2030 semble ainsi plus que jamais en bonne voie, portée par une dynamique de reprise impressionnante et une volonté politique clairement affirmée de faire du tourisme l'un des principaux moteurs économiques du Maroc dans les années à venir.