Trois questions à Saad El Mernissi, conseil juridique, associé du Cabinet Figes Mernissi.
Propos recueillis par D. William
Finances News Hebdo : Le Conseil de la concurrence a mis en place des règles strictes qui encadrent les opérations de concentration économique. Elles allient sanction et pédagogie. Quelle lecture en faites-vous ?
Saad El Mernissi : Pour rappel, le régime du contrôle des concentrations est encadré par la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence et par ses décrets d’application. Le Conseil de la concurrence a pour objet de veiller au respect de cette règlementation et d’appliquer le cas échéant les sanctions prévues par le texte. Le Conseil de la concurrence a également pour mission la diffusion des bonnes pratiques et a entrepris certaines actions sur le plan de la pédagogie, à travers notamment l’organisation de rencontres avec des opérateurs de niveau sectoriel et la publication d’un guide de conformité. Enfin, le Conseil de la concurrence a mis en place une procédure pour permettre de régulariser les opérations de concentration non notifiées en fixant une sanction financière plus faible que celle prévue par les textes. Il est à noter que cette procédure de régularisation doit être initiée avant le 31 décembre 2022.
F.N.H. : Le cadre légal actuel régissant les opérations de concentration économique est-il suffisamment lisible pour les opérateurs ?
S. E. M. : Force est de constater que les opérateurs ont une faible connaissance de la règlementation en vigueur. A mon sens, cette situation s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, le fait que la loi publiée en 2014 n’a pu entrer en vigueur de façon opérationnelle qu’en décembre 2018, à la nomination des membres du Conseil, a créé une certaine confusion dans l’esprit des opérateurs sur le caractère obligatoire des dispositions en matière de contrôle des concentrations. Par ailleurs, il existe une croyance persistante des opérateurs économiques marocains qui considèrent que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux grandes entreprises marocaines ou entreprises étrangères présentes au Maroc. Enfin, le droit de la concurrence étant un droit économique; il répond à une logique différente, notamment du droit commercial nécessitant donc une formation spécifique des praticiens du droit pour permettre à ces derniers de conseiller au mieux les opérateurs économiques.
F.N.H. : Quels autres leviers peut activer le Conseil pour assurer une sécurité optimale aux investisseurs ?
S. E. M. : L’un des éléments majeurs pour offrir une plus grande sécurité juridique aux opérateurs économiques est de leur permettre d’avoir une plus grande visibilité sur les prises de position du Conseil de la concurrence. Il est donc important de pouvoir accéder facilement à la jurisprudence en matière de concurrence ainsi que l’interprétation des textes qui en est faite par le Conseil, et ce à l’instar des autres autorités de la concurrence. A cet égard, le projet de loi visant à amender la loi 104-12 sur la concurrence prévoit la possibilité pour le Conseil de publier des lignes directrices pour permettre de rendre publique la position du Conseil.