Révision des prix des marchés publics : Gare aux abus !

Révision des prix des marchés publics : Gare aux abus !

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Les efforts déployés par les pouvoirs publics pour assainir la gestion des marchés publics sont bien réels. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur les multiples dispositions juridiques visant à réformer la commande publique, qui pèse des milliards de DH. Du reste, l’arrêté du Chef de gouvernement fixant les règles et les conditions de révision des prix des marchés publics a vite révélé ses limites, nécessitant son amendement vu d’un bon oeil par les professionnels, qui attirent l’attention sur l’impératif d’éviter les situations de remise en cause et d’abus.

L’amendement de l’arrêté du Chef de gouvernement de juin 2014 fixant les règles et les conditions de révision des prix des marchés publics, rendu public via le site du secrétariat général du gouvernement, est particulièrement bien accueilli par les opérateurs privés, notamment les professionnels du BTP. Pour rappel, l’article 11 de ce dispositif stipule en substance que la révision des prix des prestations réalisées au cours d’un mois donné est obtenue en utilisant dans la formule de révision des prix les valeurs des index du mois, et dans le cas où ces valeurs ne sont pas encore publiées au moment de l’établissement des décomptes provisoires, ladite révision peut valablement être faite sur la base des dernières valeurs connues. Ceci étant, cet arrêté aussi ambitieux soit-il en matière d’amélioration de la gestion des marchés publics est pénalisé par des dysfonctionnements inhérents, entre autres, au retard (3 mois) de la publication des valeurs définitives des index servant à la révision des prix. La fâcheuse conséquence de ce dysfonctionnement, notamment pour les entreprises privées, est le retard pour le paiement des décomptes au titulaire du marché. Ce qui est d’autant plus handicapant pour les TPME, qui pâtissent des délais de paiement toujours très longs en dépit de l’avènement de la loi 32-10 portant sur les délais de paiement. A ce stade, il est opportun de rappeler que la révision des prix a pour objet de prendre en considération les variations économiques constatées entre la date d’établissement des prix initiaux définis par les cahiers des charges et les dates d’expiration des délais fixés contractuellement pour l’achèvement des prestations objet du marché. 

Parmi les nouveautés apportées par l’amendement, notamment à l’article 11 de l’arrêté précité, on note que dans le cas où les valeurs des index ne seraient pas encore publiées au moment de l’établissement des décomptes provisoires, le maître d’ouvrage procède à l’ordonnancement des décomptes provisoires, sans l’application de la révision des prix. «Nous saluons cette décision prise par le ministère de l’Equipement, du Transport et de la Logistique, même si le pays affiche une inflation maîtrisée», confie David Toledano, président de la Fédération des industries de matériaux de construction. Et d’ajouter: «Cette mesure de révision des prix profite certes aux entreprises prestataires, mais également au secteur public, car il n’est pas rare que les prix de certains matériaux de construction enregistrent une baisse, ce qui profite au donneur d’ordre en général». 

Importance de la mise en oeuvre 

L’amendement apporté à l’article 11 de l’arrêté précise en outre qu’une fois les valeurs définitives des index du mois considéré publiées, l’ordonnancement des montants de la révision des prix doit être effectué par le maître d’ouvrage, à l’occasion du décompte suivant. Au-delà de cette précision, le patron de la Fédération des industries des matériaux de construction attire l’attention sur la mise en application de ce dispositif juridique qui, à ses yeux, constitue un progrès indéniable. «Tout l’enjeu est de déterminer les vrais prix qui ne lèsent aucune partie. Ce qui suppose l’existence d’observatoires des prix et des cours pour les différents secteurs», fait remarquer David Tolenado. Pour ce qui est de la révision des prix du dernier décompte provisoire conditionnant, entre autres, la liquidation du marché, le maître d’ouvrage peut valablement réviser les prix en appliquant les valeurs publiées à la date d’établissement dudit décompte. 

Dans un registre moins technique, selon certains professionnels du BTP, la révision des prix constitue un maillon important pour la bonne exécution des marchés publics, d’autant plus que le contexte dans lequel les appels d’offres sont lancés est en proie à une évolution constante (fluctuation des prix des matériaux de construction, changement de cours des devises, hausse des salaires, etc.). 

Outre cet amendement, qui a aussi le mérite de simplifier le mode de calcul de révision des prix, David Toledano exhorte toutes les parties prenantes de la commande publique à jouer le jeu pour la bonne exécution des marchés publics, qui représentent une grande partie des investissements publics. Celui-ci assure, par ailleurs, que les chiffres mirobolants annoncés depuis deux ans par l’Etat concernant les investissements publics peinent à se concrétiser, en partie à cause des difficultés d’exécution et de mise en oeuvre des marchés publics. 

En définitive, le dispositif portant sur la révision des prix sera autrement plus bénéfique pour les acteurs concernés, s’il fait référence à une grille de valeur et de prix susceptible d’être contrôlée au-delà des formules de calcul connues. Cela permettrait sans doute d’éviter des situations de remise en cause et d’abus. 

 

Momar Diao

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