Si dans l’enseignement public la liste des fournitures scolaires reste relativement raisonnable par rapport au pouvoir d’achat des couches les plus démunies, dans le privé c’est une autre paire de manches.
Le prix moyen du cartable dans l’enseignement public est de 350 DH contre en moyenne 2.500 DH dans le privé.
Le compte à rebours a commencé pour la rentrée scolaire. Plus que quelques jours pour que les élèves rejoignent les bancs de l’école et que la vie reprenne son cours normal. Mais avant, il faut se préparer. Et qui dit se préparer dit budget des frais d’inscription, des achats de vêtements et, surtout, des fournitures scolaires.
Il faut dire qu’en cette période de l’année, entre le Ramadan, l’Aïd al-Fitr, les vacances d’été, la rentrée scolaire et l’Aïd al-Adha qui pointe son nez, les parents ne savent plus à quel saint se vouer.
«Malgré les économies que nous avons faites tout au long de l’année et les prévisions, nous avons dépassé le budget prévu pour les vacances et grignoté dans celui réservé à la rentrée», se lamente un père de famille de classe moyenne.
Malheureusement, cette situation est celle de milliers de parents qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Et pour ne rien arranger, les listes des fournitures scolaires sont de plus en plus longues, particulièrement dans l’enseignement privé où règne une anarchie totale.
En effet, si dans l’enseignement public la liste est quasi inchangée et reste relativement raisonnable par rapport au pouvoir d’achat des couches les plus démunies, dans le privé c’est une autre paire de manches.
«Dans l’enseignement public, le prix moyen du cartable est de 350 DH. Les manuels sont à un prix convenable et sont soumis à des mesures du ministère de l’Enseignement, à savoir l’affichage du prix de vente. Quant aux fournitures et le matériel scolaire, ils restent certes à la portée de tous, mais au détriment de la sécurité et de la santé des enfants. En effet, les produits à bas prix sont généralement de mauvaise qualité et contiennent des substances chimiques qui peuvent présenter un danger pour l’enfant», précise Ouadi Madih, président de l'Association casablancaise de protection du consommateur (Uniconso) et secrétaire général de la Fédération nationale des associations de consommateurs.
Force est de constater que les produits non conformes aux normes de sécurité et de qualité (notamment les produits chinois) envahissent le marché marocain, mettant ainsi en danger la santé publique. Toutefois, compte tenu de l’attractivité des prix, ce danger ne semble pas trop inquiéter outre mesure les parents, et encore moins les autorités publiques, qui sont aux abonnés absents.
Certains parents se réjouissent même de la disponibilité de ces produits qui répondent à leurs besoins, particulièrement en termes de prix.
«Heureusement que ces produits existent sur le marché; autrement, je serais incapable de subvenir aux besoins de scolarité de mes enfants», nous confie une veuve ayant à charge 3 enfants.
Dans le privé, c’est une autre histoire
Dans l’enseignement privé, les listes sont plutôt longues, et le budget plus conséquent. Il est utile de rappeler qu’en l’absence d’un encadrement du ministère de l’Education nationale, les écoles privées concoctent les listes à leur guise. Les parents, contraints de scolariser leurs enfants dans le privé à cause de la défaillance du système public, n’ont d’autre choix que de se plier aux exigences de ces écoles qui font régner leurs propre lois.
«Dans l’enseignement privé, le cartable de l’écolier pèse très lourd, aussi bien en termes de poids que de budget. Les écoles exigent des manuels importés et coûteux par rapport à ceux édités au Maroc, qui sont soumis aux obligations de l’offre et de la demande, telles que spécifiées par la loi de la concurrence. C’est l’importateur ou le distributeur qui fixe le prix de vente, échappant ainsi au contrôle du ministère de l’Education nationale. Ce qui est d’ailleurs le cas des frais d’inscription et des frais de scolarité», souligne Ouadi Madih.
Le prix d’un cartable pour un élève de primaire ou de secondaire de l’enseignement privé varie entre 2.000 et 4.000 DH. Pour une famille de 3 enfants, la facture peut atteindre facilement les 10.000 DH, et ce uniquement pour les fournitures. Sans parler des cartables dont le prix varie entre 500 et 1.000 DH.
Pis encore, les établissements privés ont trouvé une autre astuce pour gagner plus d’argent : la vente de fournitures scolaires. Une activité qui avait suscité la polémique en 2011, lorsque l'Association des libraires avait saisi le ministère de l'Education nationale pour dénoncer cette pratique illégale. Le ministère de tutelle avait d’ailleurs adressé une circulaire aux directeurs d’écoles privées, les invitant à mettre un terme «à la vente des livres et fournitures scolaires, qui reste une spécialité exclusive des librairies». En vain, puisque ce rappel à l’ordre n’a pas servi à arrêter ce business. Un business qui leur rapporte gros, surtout que la facture est souvent majorée par rapport aux librairies. Mais alors qui oblige les parents à recourir à l’offre de l’école ?
Dans la plupart des cas, c’est plus une nécessité qu’un choix, car ces établissements ne délivrent la liste des fournitures qu’au début du mois de septembre, date à laquelle le marché du livre connaît un problème d’approvisionnement.
Un facteur que les écoles privées tiennent en compte pour réussir leur business au détriment des parents d’élèves.
Ouadi Madih, président de l'Uniconso
En tant que mouvement consumériste, notre préoccupation majeure est que le consommateur puisse avoir un service ou un produit à son juste prix, conformément aux exigences réglementaires et normatives légales.
Quant à la vente des fournitures scolaires par les écoles, ce phénomène n’est pas étrange aux pratiques du commerce au Maroc.
Tout le monde s’improvise commerçant, puisque aucune réglementation n’est respectée dans la pratique de la profession. Concernant les fournitures qui envahissent le marché et qui contiennent des produits chimiques toxiques tels que le toluène, le xylène, le formaldéhyde, ils doivent être contrôlés avant d’être autorisés sur le marché. Il est donc du devoir des autorités de renforcer le contrôle, d’arrêter la commercialisation des produits dangereux. Quant aux parents d’élèves, ils devraient, comme tout consommateur, veiller à choisir des produits sains, qui garantissent la sécurité et la santé de leurs enfants. Les fournisseurs, eux, seront tenus de mettre sur le marché des produits fiables, répondant aux exigences normatives et réglementaires. C’est grâce à la conjugaison de toutes ces mesures que nous gagnerons notre pari de consommer sain et sans risque.
L. Boumahrou