◆ Le rebond de la croissance économique annoncée au Maroc en 2021 dépend de plusieurs facteurs endogènes et exogènes.
◆ L’économiste Najib Akesbi livre les composantes de deux scénarios à garder à l’esprit au sujet de l’activité économique pour l’année en cours.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : Au regard de certaines prévisions officielles, le taux de croissance devrait enregistrer un rebond autour de 4,7% du PIB en 2021 contre -6,6% pour l’année 2020. Accordez-vous du crédit aux différentes prévisions plutôt optimistes en dépit des incertitudes qui prévalent à cause du coronavirus qui n’est pas encore vaincu ?
Najib Akesbi : En matière de prévisions économiques, les résultats sont à l’aune des hypothèses de départ qui les fondent. Les perspectives économiques de 2021 sont conditionnées par plusieurs facteurs majeurs. Le premier paramètre n’est autre que l’incontournable épidémie du coronavirus. Il est clair que tout est permis ou non en fonction de la capacité des nations à vaincre ou non la pandémie. Au moment où nous réalisons cette interview, personne ne peut affirmer avec certitude que les vaccins mis au point permettront d’éradiquer au bout de quelques mois le coronavirus sans conséquences négatives sur les patients vaccinés. Sachant que la mutation du virus génère déjà des inquiétudes dans certains pays européens, principaux partenaires économiques du Maroc. Les prévisions dont vous faites mention s’inscrivent dans une perspective plutôt optimiste. C’est-à-dire dans l’hypothèse où la pandémie est vaincue dans les mois à venir et sans trop de difficultés.
F.N.H. : Quels sont les autres paramètres qui conditionnent le rebond de la croissance annoncé pour 2021 ?
N. A. : La deuxième condition dépend à la fois des pouvoirs publics et du «ciel». Concrètement, la croissance sera aussi sujette à la mise en place ou non d’une véritable politique de relance économique et des principales réformes que l’Etat devait engager depuis longtemps. La principale question à se poser est de savoir si le gouvernement mettra en place des politiques contra-cycliques afin de permettre à l’économie nationale de redémarrer en 2021. Et ce, sur des bases saines. Il est temps que l’Etat procède, par exemple, à la réforme fiscale. Un chantier qui a toujours été différé au cours des dernières années. Notre économie continue de dépendre de la récolte céréalière, donc de la campagne agricole, tributaire des aléas pluviométriques.
Or, des incertitudes entourent également l’issue de la campagne agricole 2020-2021. Le mois de mars est une période déterminante pour la récolte céréalière. Il est donc encore prématuré de savoir si le niveau des précipitations permettra d’avoir une bonne récolte céréalière. La troisième condition du rebond de la croissance a trait à la demande extérieure, ou l’économie mondiale. La reprise de l’économie européenne en 2021 sera bénéfique à la demande extérieure adressée au Maroc. Le retour de la croissance sur le Vieux continent est de nature à tirer l’activité économique au Maroc. Cependant, des incertitudes subsistent quant à la dynamique de la croissance européenne pour l’année en cours.
F.N.H. : Le temps est une variable cruciale en économie. Selon vous, quel est le timing idoine pour sauver les meubles en 2021 ?
N. A. : Au regard de ce qui précède, il est légitime de tabler sur deux scénarios : l’un optimiste et l’autre pessimiste. Si d’ici le mois de juin, le vaccin est suffisamment administré sans complications majeures afin que l’immunité collective puisse être atteinte, je pense que l’on pourra tourner la page de la Covid19. Dans ce cas de figure, il est possible que la reprise puisse intervenir à partir du deuxième semestre 2021. Toujours sur le registre du scénario optimiste en 2021, l’on s’attend également à ce que la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement émette des propositions qui tiennent la route.
F.N.H. : Qu’en est-il concrètement des composantes du scénario pessimiste dont vous avez fait mention ?
N. A. : Le scénario d’une économie en berne risque de devenir une réalité si avant l’été la page de l’épidémie n’est pas tournée à cause, entre autres, de l’inefficacité du vaccin, l’arrivée d’une troisième vague pandémique ou la survenance de complications liées au vaccin anti-covid-19 et la mutation du virus, comme évoquée plus haut. Les autres éléments de nature à inhiber la reprise en 2021 sont la sécheresse, qui impactera négativement la campagne agricole, et l’attitude attentiste du gouvernement quant à la dynamique des réformes urgentes. Enfin, la dernière composante a trait toujours à la pandémie, puisque l’économie mondiale ne pourra pas repartir en 2021 sans l’éradication de la pandémie, laquelle génère la restriction du commerce et des activités, la fermeture des frontières, la limitation du tourisme et la contraction des IDE.