A moins de dix mois des nouvelles échéances électorales, deux ONG, notamment le «Mouvement Anfass démocratique» et Attac Maroc, se sont prêtées à un exercice d’évaluation du bilan du gouvernement Benkirane sur les quatre dernières années passées dans la gestion des affaires publiques. Le verdict est sans appel : sur presque l’ensemble des indicateurs retenus par l’étude, les écarts sont manifestes entre les réalisations et les promesses électorales.
L’analyse d’Attac Maroc et d’Anfass a porté sur une quinzaine d’indicateurs multisectoriels. L’exercice est simple, vu sous le seul angle des statistiques. En effet, il s’agit de croiser les réalisations à fin 2015 avec, d’une part, les promesses affichées lors des dernières élections législatives de 2011 par les partis de la majorité gouvernementale dans ses deux versions (PJD, MP, PPS, PI & RNI) et, d’autre part, les engagements de la déclaration gouvernementale.
Abordant la problématique du chômage, l’étude constate une stagnation de son taux autour de 10% contre une promesse électorale de 8%. Ni les objectifs prononcés lors des élections, ni ceux annoncés lors de la déclaration gouvernementale n’ont été atteints, souligne le document conjoint des deux mouvements. Il en est de même pour ce qui concerne l’indicateur de la pauvreté. De 6% en début de mandat, la situation s’est détériorée de deux points, frôlant les 11% à fin 2015, ce qui, aux yeux des deux ONG, prouve qu’aucune politique publique n’a été conçue concrètement pour limiter ce phénomène qui caractérise la société marocaine.
Par ailleurs, certains partis de la majorité avaient promis de réduire de 53% à 25% au maximum la part supportée par les ménages dans les dépenses de santé. Là encore, il n’en est rien puisque ce taux est resté quasiment intact sur une période de quatre ans. «Le gouvernement n’a entrepris aucune action, ne serait-ce que symbolique dans ce domaine», estime-t-on. Le Maroc, ajoute la même source, reste toujours à la traîne dans le classement de l’Indice de développement humain (IDH), occupant à fin 2015 le 126ème rang contre 130 en 2011, alors que le parti chef de file du gouvernement, le PJD, avait promis d’améliorer ce classement au 90ème rang.
Du côté du déficit budgétaire, une réduction significative a certes été observée (de 5,5 % en 2011 à 4,3% en 2015), mais les promesses électorales n’ont pas été tenues. «Le gouvernement a démantelé toutes les mesures de compensation sans aucune contrepartie sociale en faveur des couches démunies», commentent les experts d’Attac et d’Anfass. Le gouvernement, ajoutent-ils, a manqué de courage pour réformer les impôts vers plus d’équité sociale et une réduction des dépenses fiscales. Au contraire, renchérit ledit document, le gouvernement a surtout oeuvré à défendre, pendant deux ans, une taxe inconstitutionnelle sur les revenus salariaux pour des raisons sociales annoncées. Dans le même ordre d’idées, il a été constaté une dégradation du taux d’endettement rapporté au PIB. Ce ratio est passé de 62% à 79%, ce qui témoigne, appuie-t-on, d’un manque de pilotage économique et budgétaire, sachant que le service de la dette absorbe une partie importante des ressources nécessaires pour les besoins en éducation, santé, logement, etc.
Au chapitre de la croissance économique, les partis politiques étaient visiblement très ambitieux en s’engageant, presque tous sans exception, sur des niveaux de croissance supérieurs à 5%. Là encore, le verdict est sans appel. Les deux mouvements ne mâchent pas leurs mots en pointant l’absence d’une vision économique cohérente alliant investissement, croissance durable, efficacité budgétaire et équité socioéconomique. Pis encore, affirment les analystes d’Attac et d’Anfass, même les ambitions, tout en étant farfelues et dénuées de tout argumentaire, restent bien en deçà de ce dont le Maroc a besoin pour pouvoir maintenir un niveau de création d’emplois qui pourrait limiter l’accentuation du chômage.
En passant en revue le secteur énergétique, l’étude révèle que la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique national, estimée à 13% à fin 2015, reste nettement en deçà de l’objectif de 42% engagé par les programmes électoraux des deux partis de la majorité gouvernementale, notamment le MP et le RNI.
Cela n’a pas empêché Attac et Anfass de saluer les efforts déployés par l’Exécutif dans le domaine des énergies renouvelables. Enfin, s’agissant de la stratégie des plans sectoriels, le gouvernement avait promis d’élaborer une vision économique nationale intégrée, en apportant la coordination et la convergence nécessaires. Comme pour les autres indicateurs, l’étude estime que le gouvernement n’a pas respecté ses promesses électorales. «Les plans sectoriels continuent à être pilotés en dehors de tout agenda gouvernemental», conclut le rapport des deux ONG.
Wadie El Mouden