Prix des oignons : Les raisons d’une flambée

Prix des oignons : Les raisons d’une flambée

Focus agricole

Les aléas climatiques, la spéculation, les effets pervers de la campagne précédente expliquent en grande partie la hausse. La situation devrait revenir à la normale dans quelques semaines.

Le prix des oignons connaît une flambée sans précédent, et ce depuis plus de 15 jours. En effet, les prix affichés varient entre 12 et 13 DH le kilo, pouvant atteindre plus de 15 DH. Alors que le prix en période normale est compris entre 3 et 5 DH.

Derrière cette hausse, plu­sieurs facteurs sont avancés. Ils sont tous d’ordre conjonc­turel et les spécialistes pré­voient un retour à la normale incessamment. L’oignon est un légume très demandé et très consommé au Maroc. Sa production couvre largement les besoins de la demande, sauf pour certaines périodes coïncidant avec le mois de Ramadan.

Actuellement, la situation se présente différemment. Les professionnels du secteur expliquent la régression de l’offre par plusieurs rasions.

Une tournée dans le marché de gros de Casablanca nous fournit déjà des éléments de réponse. «En temps nor­mal, plus de 50 camions chargés d’oignons livrent le marché quotidiennement. Actuellement, nous recevons à peine une dizaine», sou­ligne Ahmed Brighti, membre de l’Association des négo­ciants du marché de gros de Casablanca.

Le prix très élevé de l’oignon a incité à la spéculation.

«Des personnes ou des exploi­tants disposent d’un stock conséquent d’oignons, mais pour tirer un maximum de profit, ils ne commercialisent pas toute la marchandise de crainte de baisser les prix. Ils préfèrent approvisionner le marché par petites quantités pour engranger le maximum de gains», ajoute-t-il.

L’exportation des oignons à l’étranger, notamment vers le Sénégal et le Mali est un autre facteur avancé. Toutefois, plusieurs spécialistes interro­gés signalent que la quantité exportée est insignifiante et plutôt saisonnière. Elle n’est, en fait, pas déterminante pour expliquer cette hausse.

«Les prix des oignons pra­tiqués localement sont très attractifs et je n’imagine pas que des négociants se tournent vers des marchés à l’international, d’autant que les échanges avec l’Afrique sont dominés par l’informel: absence de contrats de livrai­son et d’assurance, sans compter les risques encourus car la totalité des marchan­dises est acheminée par voie routière», explique Brighti.

Chez les producteurs, on évoque d’autres explications comme les aléas climatiques et les conditions défavorables du marché lors de la précé­dente campagne.

«2014/2015 a été une bonne campagne agricole et il y a eu une bonne récolte d’oignons. Dans les marchés, on enregis­trait une surabondance de ce produit durant toute la saison, ce qui a tiré les prix vers le bas. Pour écouler leurs pro­duits, les exploitants vendaient parfois en deçà du prix de revient, causant au passage de lourdes pertes, qui ont eu pour effet de perturber la trésorerie des exploitants. Un souvenir amer qui a dissuadé plus d’un à s’intéresser à la filière cette saison», affirme Hamid Belamri, agriculteur de la région de Benslimane.

A Meknès-El Hajeb, une région qui fournit l’essentiel du besoin du Maroc en oignons, on confirme également ce constat, tout en rajoutant que pour cette campagne, les pluies ont été tardives, ce qui a perturbé toutes les cultures, y compris celle des oignons.

«C’est une campagne un peu spéciale. Nous avons eu droit à un automne et un début d’hiver assez chauds par rap­port à la normale. Mais à partir de fin février-début mars, le pays a connu une vague de froid anormale comparative­ment avec les standards de la saison, avec la présence de neige et de grêle. Conjuguée à une période de sécheresse qui a duré près de trois mois, cette situation a eu un impact défavorable sur les semis et la poussée des plantes. Sans oublier qu’une bonne partie des fellahs qui produisent l’oignon, sont situés dans des zones bours et dépendent lar­gement de la pluviométrie», explique Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome basé dans la région d’El Hajeb.

Reste à souligner que l’Etat a, lui aussi, sa part de res­ponsabilité. Il n’a pas instauré un mécanisme régulateur du marché ou des systèmes d’alerte pouvant prévenir ce genre de situation et y remé­dier ou du moins en atténuer l’effet.

Charaf Jaidani

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