Poussée déflationniste : Une tendance de fond qui risque de perdurer

Poussée déflationniste : Une tendance de fond qui risque de perdurer

  Depuis des années, le Maroc est quasiment dans une situation déflationniste.

◆ La hausse des défaillances d’entreprises prévue pour cette année, la baisse d’activité des sociétés et l’accroissement programmé du taux de chômage sont autant de facteurs susceptibles d’exacerber la poussée déflationniste dans les mois à venir.

 

Par M. Diao

 

Un taux d’inflation galopant est néfaste pour toute économie. Il pénalise à la fois le pouvoir d’achat et l’épargne, tout en renchérissant les coûts de production des entreprises qui perdent en compétitivité. A contrario, la déflation (baisse durable des prix) est tout aussi nuisible à la dynamique économique. Parmi les conséquences de celle-ci, il y a le report des décisions d’achats des ménages qui s’attendent à d’éventuelles baisses de prix. Ce qui conduit à la contraction de la consommation globale, avec l’impossibilité pour les entreprises d’écouler leurs stocks.

S’installe ainsi un cercle pour le moins catastrophique, celui de la contraction de la production, le repli des investissements et la baisse des salaires et des recrutements. A l’évidence, une telle configuration est propice à la hausse du taux de chômage. Au-delà de ce rappel qui édifie sur la dangerosité de ce phénomène, la déclaration récente de Mehdi Tazi, vice-président général de la CGEM, lors de la rentrée économique, remet en selle le débat sur un sujet qui attire l’attention de bon nombre d’économistes marocains.

Il s’agit de la poussée déflationniste qui s’opère dans l’économie nationale depuis plusieurs années. Le numéro 2 du patronat marocain a recommandé récemment un choc de la demande nationale face à une déflation qui, d’après lui, semble se confirmer. La question essentielle que suggère la recommandation de Mehdi Tazi est de savoir si, au regard des chiffres actuels, le Maroc est dans une phase déflationniste plus sévère.

Les principales causes

Le pays a enregistré un taux d’inflation de 1,9% en 2018 et 0,2% en 2019. Pour les années 2020 et 2021, Bank Al-Maghrib (BAM) prévoit un taux d’inflation (calculé sur la base de l’indice des prix à la consommation) qui devrait tourner autour de 1%. Il est clair que ces chiffres sont en deçà de la cible de 2% d’inflation poursuivie par BAM, qui fait de la stabilité des prix une composante essentielle de la politique monétaire. «Depuis des années, le Maroc est quasiment dans une situation déflationniste qui équivaut à une absence d’inflation. Le taux d’inflation varie depuis les dernières années entre 0,7 et autour de 2%.

Ce qui est faible et reflète une tare de l’économie nationale», analyse Mehdi Lahlou, économiste et professeur à l’Institut national de statistique et d'économie appliquée (INSEA). Les raisons de l’absence d’inflation au Maroc sont à relier, entre autres, à la faiblesse de la demande de l’administration et celle des ménages.

«Les salaires versés par l’Etat et les entreprises privées sont généralement faibles et évoluent très lentement», soutient l’économiste, qui alerte sur les fâcheuses conséquences du gel de l’augmentation du Smig sur la demande et l’évolution des prix. A ce titre, il est utile de rappeler que l’indice des prix à la consommation (IPC) servant de base au calcul du taux d’inflation a enregistré une baisse constante d’avril à juillet 2020. Le HCP fait état d’un repli de 0,3% de l’IPC en juillet 2020. Autre donnée phare, l’indicateur d’inflation sous-jacente en stagnation sur un mois n’a progressé que de 0,7% sur une année.

La crise en remet une couche

La crise liée au coronavirus, qui pénalise à la fois l’offre et la demande, risque d’accentuer les poussées déflationnistes. «La requête de la CGEM via son viceprésident général est explicite. Le patronat invite l’Etat à relancer la demande par les dépenses publiques. Or, l’on constate que l’Etat n’a toujours pas ouvert le robinet», explique notre interlocuteur. Et d’ajouter : «Bien au contraire, à la lecture de la Loi de Finances rectificative 2020, l’on s’aperçoit que les investissements publics et les recrutements n’ont pas progressé. Ce qui est paradoxal face à la crise d’une telle ampleur». Au final, la hausse des défaillances d’entreprises prévue pour cette année, la baisse d’activité des sociétés et l’accroissement programmé du taux de chômage sont autant de facteurs de nature à exacerber la poussée déflationniste dans les mois à venir.

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