Parlons cash: «Sistim wa9ef»

Parlons cash: «Sistim wa9ef»

wadddddie

La scène s’est produite en début d’après-midi du samedi 27 août 2016.

L’accès au Royaume chérifien suspendu pendant plus de deux heures aux guichets de la police des frontières à l’aéroport Mohammed V. Motif annoncé discrètement par certains agents : blocage du système d’information, ou bien, pour reprendre fidèlement les propos d’un policier contraint au chômage technique : «Sistim wa9ef», comprendre le système est arrêté. Parmi plus d’une vingtaine de guichets disponibles, seuls cinq à six policiers étaient mobilisés, mais juste scotchés face à leur écran à ne rien faire. Au début, ils demandaient à l’hôtesse de l’ONDA de laisser filtrer les détenteurs de passeports étrangers. Une «discrimination négative» qui ne durera pas longtemps, puisque le «systim» des passeports rouges et bleus va à son tour attraper le virus, «plantant» celui réservé aux Marocains. La panne a d’abord impacté les voyageurs du vol de Turin. D’autres vols à l’arrivée viendront ensuite compliquer la situation dans le terminal 2. Des centaines de touristes cloués au sol, frappés par le choc terrible de ce premier contact avec Morocco, le plus beau pays au monde. Quelques cas humains commencent à se manifester, à l’image de cette dame, les larmes aux yeux, venant de Paris, qui souhaite voir pour une dernière fois son père décédé le matin à Casablanca. «Ce n’est pas possible Madame. Vous devez attendre le rétablissement du système», lui a lancé froidement un officier de police. «Mais où est l’assistance de la Fondation Mohammed V», cria une autre, visiblement au bout de ses nerfs. Je l’ai vu faire le tour des guichets à la recherche d’un contact de ladite Fondation, espérant s’extirper de cet enfer, elle et son bébé qui n’arrête pas de pleurer dans sa poussette. Les touristes vieillards, quant à eux, ont au moins compris que la réforme des retraites de Benkirane n’a prévu aucun traitement prioritaire aux gens de leurs âges, ni aux frontières ni à l’intérieur du pays. Je vous laisse imaginer l’horreur de ces scènes qui ont fini par provoquer un mini «Eté arabe», à travers lequel les MRE ont scandé des slogans contre les responsables (totalement absents) de l’aéroport et du «sistim» de la police. Eté «arabe» parce que les touristes non arabes n’y ont contribué que par leurs smartphones. J’avoue enfin que la panne est intervenue au moment où je devais passer devant le préposé de police. Cela m’a permis d’observer les retombées humaines de l’incident informatique, du début à la fin. J’ai ainsi découvert deux profils de MRE. Le premier, totalement négativiste, n’hésitant pas à jeter sa rage sur tout le Bled, voire sur le Système entier, et non pas sur le seul petit «sistim» de la DGSN. Allez-y leur dire que nous aurons bientôt le TGV ou bien que nous avons déjà construit le plus grand pont à haubans en Afrique ! Pour eux, le Maroc restera «llour llour», un pays sous-développé qui humilie l’être humain, alors qu’il faisait ce jour-là plus de 30 degrés à Casablanca en début d’après-midi. De l’autre côté, et là j’arrive au deuxième profil qui m’a vraiment impressionné. De jeunes MRE qui, à la Usain Bolt, enjambent les barrières du hall, à la recherche d’une information fiable sur la panne du «sistim». Ils se chargent ensuite de la relayer auprès des touristes abandonnés à leur sort qui, eux, veulent juste comprendre pourquoi ces longues files d’attentes ne bougent pas ! Une jeune maman maroco-canadienne a dû mentir en traduisant à un groupe de touristes canadiens le fait qu’il s’agirait d’un cas isolé. La maman : «ça n’arrive pas souvent. C’est la première fois que ça bloque, d’après ce que m’a dit le policier». Le touriste, qui a l’air sérieux : «dislui s’il peut me laisser accéder à son écran. Je peux résoudre le problème». Le policier en darija après traduction: «dis-lui que ce n’est pas à notre niveau. C’est au niveau du serveur à Rabat». Au bout de deux longues heures d'attente, mon passeport vert sera le premier document officiel intercepté par le «sistim» de la DGSN. Ce fut une joie énorme d’entendre, en descendant l’escalator, les «3la slamtek», félicitations et applaudissements des voyageurs encore coincés hors des frontières. A un moment donné, j’ai failli croire que je revenais de Rio au lieu de Torino. Car j’ai vu des filles courir après moi en allant récupérer mon bagage de soute, «Monsieur, Monsieur». J’ai pensé à tout, aux chasseurs d’autographes, aux photos souvenirs de Rabii, à Chouf TV, mais quand j’ai vu qu’elles voulaient juste me coller de nouvelles cartes SIM Meditel & IAM, j'ai pensé tout de suite à la Joutiya de Barbès-Rochechouart.

Wadie El Mouden

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